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ZEP et violence : témoignage d’un jeune prof de Zep d’Aubervilliers (L’Express)

28 mars 2005

Extrait de « L’Express » du 27.03.05 : « Enseigner, ce n’est pas un sacerdoce ! »

Sarah Bedziri, professeur de français

C’est ma première année en tant que professeur titulaire et j’enseigne en zone d’éducation prioritaire (ZEP), au collège Jean-Moulin d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.

Depuis la rentrée, 13 conseils de discipline ont eu lieu et plus de 1 500 incidents ont été recensés : de l’indiscipline aux insultes racistes, en passant par les bagarres et les vols. Des élèves de 12 ans ont subtilisé les clefs d’un de leurs camarades de classe afin de cambrioler le domicile de ses parents ! Les professeurs eux-mêmes se font voler leurs affaires personnelles.

Mais, surtout, le personnel éducatif subit de plus en plus de menaces physiques. Une enseignante, qui a pourtant vingt ans de carrière, a été giflée. Une surveillante, qui s’interposait entre deux élèves, a reçu des coups violents. Nous avons demandé à l’inspection académique des moyens humains et financiers supplémentaires. Sa réponse m’a abasourdie : on nous a conseillé de faire intervenir la police si la situation devenait trop grave ! Or l’équipe éducative fait précisément tout pour éviter d’en arriver là.
Je suis choquée par les méthodes musclées employées au collège Sévigné de Roubaix, dans le Nord, lui aussi classé en ZEP : deux élèves âgés de 16 ans, soupçonnés d’avoir jeté des bouteilles d’acide dans la cour, ont été interpellés et menottés par des policiers en plein cours. Selon moi, ce type d’intervention à grand spectacle, « pour l’exemple », a un effet contraire à celui escompté, car avoir affaire à la police conforte certains jeunes dans leur rôle de caïd, aux yeux de leurs camarades. Je suis contre le recours à la police dans l’enceinte du collège : je reste convaincue qu’il existe des solutions pédagogiques à mettre en œuvre d’abord. Je pense aux assistants d’éducation et aux tuteurs, qui donnent des cours de soutien. Dans ma classe, un élève travaillait trois fois par semaine avec une assistante d’éducation, qui a été affectée du jour au lendemain à des tâches administratives. Se sentant abandonné, ce jeune a alors adopté un comportement agressif.

Comme moi, la plupart de mes collègues sont très jeunes et ne sont pas préparés à enseigner dans ce contexte-là. Pour le moment, je veux agir. De toute façon, je dois passer au moins cinq ans ici avant d’obtenir une mutation. Mais être professeur, ce n’est pas un sacerdoce. Et j’ai peur, un jour, de ne plus avoir envie de faire ce métier

Propos recueillis par Claire Lefebvre

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