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Témoignage d’un prof de philo de la ZEP de St-Ouen (93)

30 mars 2005

Extrait de « àVoiràLire.com » du 29.03.05 : enseigner la philosophie à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, c’est confronter quotidiennement ses certitudes aux réalités mouvantes, s’adapter inlassablement pour ne pas laisser le dernier mot à l’ignorance.
Encore doit-on trouver le moyen de transmettre un savoir qui, pour la première fois, semble être remis en cause par certains élèves tiraillés entre diverses cultures et influences.

Ce qu’il faut dire avant tout, c’est que ce livre est celui d’une amoureuse ; une amoureuse de l’enseignement, de l’intelligence, de la relation toujours singulière et parfois fragile qui se tisse avec les élèves des "quartiers" année après année.

Carole Diamant a participé à l’élaboration et à la mise en œuvre de la Convention d’éducation prioritaire, qui permet aux élèves issus des ZEP d’entrer à Sciences-Po par un examen spécifique. Elle s’est battue et se bat encore pour ceux que les politiques et les médias rangent hâtivement - et sans souci des conséquences - dans la catégorie des sauvageons, des irrécupérables. En leur donnant accès aux grandes écoles, jusque-là réservées à l’élite, aux privilégiés, on dépasse les simples discours et les bons sentiments. On démontre que le travail donne à tout le monde les mêmes chances et l’on accepte du même coup de changer le visage de la France de demain. Pour qu’enfin il ressemble à la réalité complexe et riche de ce pays.
Plus déterminant encore, pour l’auteur qui a enseigné dix ans en Afrique : le regard que les professeurs vont poser sur ces élèves en équilibre entre leurs racines et ce que la République leur présente, entre le discours religieux qui rassure en évitant toute interrogation et les pistes de réflexion proposée par la philosophie occidentale.

Carole Diamant, si elle s’avoue parfois impuissante, parfois désarmée et inquiète face à un mélange de détresse et de révolte, de provocation et de pudeur chez des jeunes souvent en situation très précaire, croit en effet en la force de la foi en l’autre. Il y a urgence, ces pages le disent bien, mais il est encore temps de réagir. Pour cela, il faut accepter la remise en question. Les professeurs, comme elle le dit joliment, se doivent désormais d’être « mieux-veillants » s’ils veulent offrir un avenir à ceux qu’ils accueillent et nourrissent. Cette mieux-veillance, quelques portes entrouvertes, fussent-elles réelles ou symboliques, et c’est une existence qui peut être changée. La lettre d’une ancienne élève, qui clôt ce livre courageux, essentiel, en est une preuve bouleversante.
Un ouvrage à mettre entre toutes les mains si l’on veut, comme l’auteur, que l’école reste un lieu d’échange et non un terrain de conflits où chacun défendrait ses couleurs du fond de ses tranchées ; loin de la lumière.

Carole Diamant, Ecole, terrain miné, Liana Levi, 2005, 122 pages, 12 €

Carole Zalberg

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