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Lors d’un séminaire des chefs d’établissement en Clair, Luc Chatel se livre à une critique sévère de l’éducation prioritaire et réaffirme que Clair, "coeur de notre politique d’égalité des chances", a vocation à se substituer "à l’ensemble des dispositifs d’éducation prioritaire"

28 septembre 2010

Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, s’est exprimé à l’occasion du séminaire Clair qui réunissait les chefs d’établissement concernés le 21 septembre 2010.

Le plan de l’allocution :
 L’origine du projet
 CLAIR et l’égalité des chances
 L’innovation au cœur du programme CLAIR
 Conclusion : mobilisation des troupes

Mesdames et messieurs les inspecteurs,
Mesdames et messieurs les proviseurs,
Mesdames et messieurs les principaux,

Un déplacement avec le Président de la République le 9 septembre dernier pour l’inauguration de l’internat d’excellence de Marly-le-Roi m’a conduit à repousser de quelques jours ce séminaire. En effet, ce programme me tient tellement à cœur, que je ne concevais pas de ne pas être présent avec vous pour son lancement.

Le 8 avril dernier, en clôture des États généraux de la sécurité à l’École, j’ai annoncé le lancement pour la rentrée 2010, d’un programme expérimental baptisé Clair pour "collège, lycée, ambition, innovation, réussite".

Depuis, 105 collèges et lycées ont été retenus par les recteurs d’académie pour le mettre en œuvre. Vous êtes les chefs de ces établissements et j’ai tenu à vous réunir aujourd’hui, avec les inspecteurs référents, pour marquer l’ambition de ce dispositif. Vous allez entendre le directeur général de l’enseignement scolaire, la directrice générale des ressources humaines et le doyen du groupe établissements et vie scolaire de l’inspection générale. Avec eux, vous pourrez approfondir les différents aspects du projet tels qu’ils sont présentés dans l’instruction que j’ai adressée aux recteurs d’académie au début du mois de juillet [circulaire du 7 juillet 2010, BO du 22 juillet].

Avant cela, je veux vous dire personnellement pourquoi j’ai voulu ce programme, ce qui en fait la singularité et ce que j’attends de vous cette année.

 

L’origine du projet

Ce projet est né d’un constat partagé. Au-delà des inégalités des territoires, au-delà des inégalités scolaires, au-delà des inégalités sociales, des chercheurs reconnus, et en premier lieu Eric Debarbieux, ont mis en évidence la notion de climat comme principal facteur d’échec ou de réussite scolaire des élèves. C’est un changement de perspective notable dans la compréhension des difficultés que rencontrent certains de nos établissements.

Ce constat est partagé par des experts venus de tous horizons. Il a d’ailleurs fait, au mois d’avril dernier, l’objet d’un large consensus lors des États généraux de la sécurité à l’École, exercice inédit de confrontation d’expériences et d’idées entre chercheurs et praticiens, professionnels de l’Éducation nationale et partenaires de l’École.

Tous les acteurs des États généraux de la sécurité à l’École nous ont dit que nous devions mieux mesurer les faits de violence par l’amélioration de nos outils statistiques et la réalisation d’enquêtes de victimation.

Tous les acteurs des États généraux de la sécurité à l’École nous ont dit que nous devions remettre la règle au cœur de la vie scolaire et redonner sa dimension éducative à la sanction.

Tous les acteurs des États généraux de la sécurité à l’École nous ont dit que nous devions mener à son terme le travail de prévention situationnelle au sein de chaque établissement scolaire.

Tous les acteurs des États généraux de la sécurité à l’École nous ont dit que nous devions apporter les outils et les ressources nécessaires à une formation adaptée des enseignants et des autres personnels.

Enfin, tous les acteurs des États généraux de la sécurité à l’Ecole nous ont dit enfin que la majorité des incidents liés à l’insécurité se concentraient dans 10 % des établissements. Et que c’est précisément dans ces établissements, là où le climat est dégradé, que nous devions conduire des actions ciblées.

Pour répondre à ces cinq défis, pour assurer la sérénité dans les établissements qui concentrent le plus de difficultés, quelles que soient leur nature, j’ai donc choisi la voie de l’innovation et je vous propose de l’emprunter avec moi.

Cette innovation prend la forme d’un nouveau programme ambitieux, fondé sur l’autonomie et la libération de l’initiative individuelle. Le programme Clair est expérimental cette année et vous formez la première génération de pionniers qui visera la réussite grâce à l’innovation. Les résultats de votre action seront évalués par le conseil scientifique des États généraux de la sécurité à l’École et l’inspection générale de l’Éducation nationale. Si les résultats sont au rendez-vous, et je ne doute pas de votre engagement pour les obtenir, ce programme a vocation à s’étendre.

Bien sûr, il y a une question qui se pose. Cette question, je l’ai lue. Cette question, je l’ai entendue. Et peut-être que vous vous la posez également : comment ce nouveau dispositif va-t-il s’articuler avec notre politique d’éducation prioritaire ? Parce que vous allez être les maîtres d’œuvre du programme Clair, je veux, ce matin, vous dire les choses comme je les vois.

 

Clair et l’égalité des chances

Ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’il s’agit d’une question éminemment complexe. Alors que tous les professionnels s’accordent pour reconnaître que le problème majeur de l’éducation prioritaire est précisément l’accumulation et donc la sédimentation des dispositifs depuis trente ans, il ne peut s’agir d’en créer de nouveaux. À quoi bon puisque nous avons déjà huit dispositifs superposés ? À quoi bon puisque cinq régimes indemnitaires coexistent et parfois se cumulent ? Je vous le dis comme je le pense : Clair ne peut pas, ne doit pas et ne sera pas un dispositif de plus. Si les résultats sont là, ce nouveau programme deviendra le cœur de notre politique d’égalité des chances. Il a vocation à se substituer aux dispositifs préexistants, sans oublier le nécessaire renforcement de l’articulation avec la politique de la ville.

Pour bien préciser l’esprit qui a présidé à la conception du programme Clair et l’ambition que nous lui avons fixée, je crois qu’il est nécessaire de porter un regard rétrospectif sur l’histoire de l’éducation prioritaire.

Il y a trente ans, en pleine massification, la France prenait conscience que les inégalités avaient pénétré au cœur de son école. Parallèlement à la mise en place d’une politique de la ville, l’éducation prioritaire fut précisément conçue pour remédier à cette situation. Là où les résultats étaient en retrait, là où les retards étaient les plus nombreux, la Nation s’engageait à donner plus. L’approche retenue fut donc celle du zonage, avec les zones d’éducation prioritaire : plus de moyens pour les territoires en difficulté.

Au début des années 1990, avec la multiplication des phénomènes de violence, l’Éducation nationale créa une nouvelle catégorie : les "établissements sensibles", dotés de moyens supplémentaires. Face à l’aggravation du phénomène, les "zones prévention violence" furent instituées au milieu des années 1990.

En 1997, face à la dégradation des résultats des élèves, les responsables éducatifs s’interrogèrent sur la gouvernance des établissements et firent émerger la notion de "réseaux d’éducation prioritaire".

En vingt ans, les responsables politiques qui s’étaient succédé à la tête de notre ministère s’étaient efforcés d’apporter des réponses aux évolutions de notre société et à leurs conséquences économiques, sociales et culturelles.

Pourtant, cette politique du "toujours plus" n’a jamais permis d’atteindre l’objectif initial : celui de réduire la fracture scolaire. Pourquoi ? Principalement pour deux raisons.

D’abord, la logique de zonage, longtemps au cœur de la politique d’éducation prioritaire, a entraîné une dispersion des moyens en raison des élargissements successifs des dispositifs comme des territoires à aider.

Ensuite, cette politique conçue comme temporaire s’est installée dans la durée. Avec le temps, le bénéfice des dispositifs s’est même inversé puisque appartenir à l’éducation prioritaire est devenu stigmatisant, voire ghettoïsant pour nos collèges et nos lycées en difficulté. Dans bien des endroits, le remède est devenu pire que le mal.

À mon sens, nous touchons là au cœur du problème de l’éducation prioritaire dans notre pays : la rigidité d’une politique qui n’a jamais su imaginer son terme. Car la politique d’éducation prioritaire, ne l’avons-nous pas oublié, n’est pas une fin, mais bien un moyen pour rétablir l’équité et l’égalité des chances à l’École.

Bien sûr, un tournant majeur a eu lieu en 2006 et nombre d’entre vous en ont été les acteurs majeurs. Je pense bien sûr à la création des réseaux ambition réussite, qui ont su redonner espoir et ambition à tous les acteurs de la communauté éducative dans ces établissements, grâce à la signature de contrats avec les autorités académiques, grâce aussi au resserrement des liens entre le premier et le second degré, grâce enfin au renforcement des équipes et de leur pilotage.

Ambition nouvelle, diversification des réponses : cette nouvelle orientation donnée à la politique d’éducation prioritaire était profondément innovante. Pourtant, la rupture avec la logique du zonage demeura partielle, en raison de l’intégration de l’ensemble des établissements de l’éducation prioritaire dans les nouveaux « réseaux de réussite scolaire ».
Le périmètre de l’éducation prioritaire est donc demeuré inchangé : une fois encore, le poids des conservatismes l’a emporté sur la capacité du système éducatif à se transformer dans l’intérêt des élèves. Et pourtant, la Nation investit massivement dans l’éducation prioritaire : 1 milliard d’euros dont plus de 800 millions pour le seul sur-encadrement, 1 000 professeurs et 3 000 assistants pédagogiques supplémentaires en RAR. Malgré cela, les écarts demeurent très importants et se sont même creusés dans certains endroits. En outre, l’articulation avec la politique de la ville demeure insatisfaisante, et de ce point de vue, nous avons une occasion à ne pas manquer avec la renégociation des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) en 2011.

Au regard de la longue histoire de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire dans notre pays, le programme Clair se caractérise donc par un changement de perspective, à la fois modeste et ambitieux, pragmatique et dynamique, grâce à un ciblage sur l’établissement et non plus sur la zone. Je ne suis pas dans la posture idéologique. Je n’ai pas d’idée préconçue. Je suis d’abord pragmatique et je conçois Clair comme un outil à la disposition des équipes, à votre disposition et au service de la réussite de chaque élève.

 

L’innovation au cœur du programme CLAIR

Un outil ou, plus exactement, plusieurs outils, car le programme Clair repose sur un triptyque, sur une triple innovation : innovation en matière de vie scolaire, innovation en matière de pédagogie, innovation enfin en matière de ressources humaines.

La première innovation est donc celle qui touche à la vie scolaire dans le but d’agir sur le climat au sein de l’établissement. En effet, des chercheurs comme Eric Debarbieux ont montré qu’un climat dégradé par de micro violences est toujours synonyme d’échec. Face à la multiplication des petites dérives du quotidien, il nous faut rétablir le respect de la norme et l’autorité de l’adulte. Ce sera la mission du préfet des études, désigné pour chaque niveau. Son action a d’autant plus de portée qu’elle n’est pas cloisonnée, puisqu’il fait le lien entre les enseignements et la vie scolaire. Il est particulièrement chargé de la mise en cohérence des pratiques, du respect des règles communes et de l’implication des familles dans la scolarité de leur enfant. Directement placé sous l’autorité du chef d’établissement, il est donc le responsable éducatif et pédagogique du niveau de classe qui lui est confié.
À ce titre, il veille à un accompagnement personnalisé des élèves, s’assure des liens avec les parents et coordonne le travail des équipes. À mon sens, le préfet des études a vocation à devenir un véritable adjoint pédagogique du chef d’établissement.

La deuxième innovation porte sur la pédagogie : il s’agit d’explorer toutes les possibilités qu’offre la loi du 23 avril 2005 pour l’avenir de l’École. Vous ne devez rien vous interdire pour atteindre les objectifs du socle commun de connaissances et de compétences. Votre objectif prioritaire, votre préoccupation quotidienne, la finalité constante de votre action pédagogique, c’est que chacun de vos élèves maîtrise le socle commun à l’issue de la scolarité obligatoire. Organisation de la prise en charge des élèves, définition d’un parcours d’orientation spécifique pour chacun d’entre eux, conduite de projets favorisant l’interdisciplinarité ou encore reconfiguration du temps scolaire pour encourager, notamment, la pratique régulière d’activités culturelles, physiques et sportives : toutes les innovations sont possibles pour assurer la réussite de chaque élève.

Et quand je dis que tout est possible, je pense aussi à la possibilité pour des professeurs du second degré d’enseigner plusieurs disciplines si cela correspond à un projet précis. La possibilité aussi pour des professeurs des écoles d’enseigner au collège. Ce dernier exemple le montre : il n’est pas question de rompre le lien tissé entre les collèges et les écoles qui les entourent dans le cadre des RRS et des RAR. Au contraire, c’est la principale innovation et la grande force des dispositifs imaginés en 2006 et j’entends les conforter par mon action.

La troisième innovation enfin, peut-être la plus importante à mes yeux, concerne les ressources humaines. En effet, je le constate à chacun de mes déplacements dans vos académies et plusieurs rapports de l’inspection générale le soulignent également, la réussite d’un établissement difficile tient d’abord à la stabilité des équipes éducatives et à leur adhésion à un projet commun. C’est ce qui a motivé mon choix d’un recrutement des personnels sur proposition des chefs d’établissement après publication de postes à profil pour l’ensemble des disciplines et des fonctions.

Concrètement, vous recevez les candidats au cours d’un entretien afin de vous assurer de leur volonté de s’investir dans le projet de l’établissement. Les chefs d’établissement formulent un avis sur le recrutement, le transmettent au recteur qui prononce l’affectation des personnels retenus. Toujours dans une même perspective de stabilité, les affectations sont prononcées pour une période de cinq ans qui pourra être prolongée à la demande des personnels.

Un dispositif spécifique d’accompagnement est proposé aux personnels exerçant dans ces établissements, notamment afin de faciliter leur installation et leur prise de fonction. Ainsi, dans le domaine de l’action sociale, une aide au logement pourra leur être proposée. En matière de formation, des stages sur mesure leur seront également proposés. La mise en œuvre des innovations pédagogiques fera l’objet d’une évaluation qui portera sur la dynamique et les résultats obtenus de chaque établissement. L’investissement des enseignants sera pris en compte dans leur évaluation et pourra être un élément facilitateur pour obtenir prioritairement un avancement, une mutation ou une promotion. Les personnels toucheront, en outre, une indemnité spécifique.

Conclusion : mobilisation des troupes

Innovation, voici le maître mot du programme Clair, la maxime de votre action quotidienne, votre feuille de route pour l’année scolaire qui s’ouvre. Innovation pédagogique, innovation en matière de vie scolaire, innovation en matière de ressources humaines : dans chacun de ces trois domaines, votre rôle est déterminant.

Vous l’aurez compris, j’attends de vous de l’audace, de l’action, avec un souci constant de l’initiative. J’attends que vous fédériez les énergies pour impulser une dynamique nouvelle dans chacun des établissements du programme Clair. Vous avez été choisis pour cela et nous allons vous aider à accomplir la mission qui je vous confie.
J’ai décidé l’organisation de séminaires nationaux de formation pilotés par l’ESEN et l’inspection générale de l’Éducation nationale et deux sessions sont déjà programmées d’ici les vacances de Noël. Mais ce n’est pas tout : j’ai demandé spécifiquement aux recteurs d’académie de veiller à ce que les corps d’inspection soient à vos côtés sur le terrain tout au long de l’année. Enfin, vous pouvez compter sur un soutien total de ma part et je me rendrai personnellement dans vos établissements pour rencontrer vos équipes et vos élèves.

Le programme Clair n’est pas un modèle. C’est ce que vous ferez des outils mis à votre disposition qui décidera de sa réussite. Mais votre action décidera surtout de la réussite de chacun de nos élèves. Car c’est bien de cela dont il s’agit : permettre à chaque enfant de la République d’atteindre les objectifs nationaux du socle commun de connaissances et de compétences tout en l’incitant à exprimer tout son potentiel, lui donner les moyens d’accéder à l’excellence, quelle que soit son origine, quel que soit le lieu où il est scolarisé. L’accompagner enfin vers l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle et sociale, quel que soit son projet de vie.

Mesdames et messieurs les inspecteurs d’académie,
Mesdames et messieurs les chefs d’établissement,

Oui, il est intolérable qu’au XXIe siècle un grand pays comme le nôtre se prive encore trop souvent de l’intelligence d’une grande partie de ses enfants. Un pays qui recrute ses élites dans 10 % de sa population est un pays qui se prive de 90 % de son intelligence. Nous avons l’ardente obligation diversifier nos élites et, pour cela, de replacer la sérénité et l’excellence au cœur du projet et de la vie quotidienne de chacun de nos établissements scolaires. Il en va de la cohésion de notre société. Il en va de l’avenir de notre pays.

Extrait du site du MEN : Programme Clair : séminaire des chefs d’établissement

 

Allocution de Luc Chatel lors du séminaire sur la formation des professeurs à la tenue de classe le 27.09.10

Ce programme [Clair] a été conçu pour proposer des réponses innovantes aux établissements qui concentrent le plus de difficultés. Il sera évalué au terme de cette année expérimentale et il a vocation, si les résultats sont positifs, à se substituer à l’ensemble des dispositifs d’éducation prioritaire qui ont trop longtemps fait primer la zone sur l’établissement et l’élève, les moyens sur les résultats.

Extrait de education.gouv.fr du 28.09.10 : Allocution de Luc Chatel à l’occasion du séminaire sur la formation des professeurs à la tenue de classe

 

Note du QdZ : Ces deux critiques en règle de l’éducation prioritaire en forme de bilan d’échec et à une semaine de distance semblent lancer la seconde phase du processus de substitution du programme Clair au dispositif ZEP.

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