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Management public et politique de modernisation : l’exemple des contrats de réussite, avec Françoise Lorcerie (Rencontre OZP, avril 1998)

avril 1998

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 7 - avril 1998

Management public et politique de modernisation : l’exemple du contrat de réussite (*)

Compte rendu de la réunion publique du 28 avril 1998

(*) Le titre originel de ce compte rendu était « Les contrats de réussite pour les ZEP »

Dans le cadre de la relance des ZEP, le ministère a préconisé la mise en place d’un projet de zone qui prendra la forme d’un contrat de réussite. Quelles sont les perspectives ouvertes par cette nouvelle formulation ?
Il s’agit d’un sujet sur lequel il importe de réfléchir et de se positionner sans tarder.
Les contrats n’ont pas encore d’existence réglementaire précise ; cette réglementation va être prochainement définie, même s’il semble d’ores et déjà acquis que le statut fera une très large part aux acteurs de terrain.
Françoise Lorcerie, chercheuse à l’IREMAM (Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, Aix-en-Provence) analyse ce contrat dans une perspective plus large.

 

I - LA PERTINENCE DE LA LOGIQUE DE CONTRACTUALISATION

Le contrat de réussite est l’expression, très aboutie, des transformations de l’administration de l’Éducation nationale, dans le sens du management public.

Politique de modernisation, renouveau des services publics, management public

II existe deux logiques, selon les administrativistes, pour faire évoluer les services publics :
 la logique juridique (qui correspond à une vision wéberienne de l’administration en tant qu’exécutant jugé sur la conformité de ses actes aux règles fixées par les politiques, représentants de la volonté générale) ;
 la logique contractuelle (qui se développe à travers des outils managériaux ; le management se définit comme l’ensemble des fonctionnements qui sont ordonnés de façon pragmatique à la réalisation des buts : recherche d’efficacité, d’efficience, d’adaptabilité, d’assouplissement des rigidités en fonction des variables de terrain...).

Le management public et la modernisation se réfèrent fréquemment aux concepts de responsabilisation, de participation par-delà la voie hiérarchique, de mobilisation des agents à tous les niveaux, d’évaluation, d’autonomie...
Les politiques de modernisation correspondent à une volonté d’alléger les fonctionnements bureaucratiques (qui furent au départ une rationalisation) en ce qu’ils sont devenus dysfonctionnels (opposés aux gains d’efficacité).
Il s’agit d’introduire dans des fonctionnements établis (qu’il ne faut en aucun cas remettre entièrement en question car ils permettent notamment de lutter contre l’arbitraire) un principe correctif, d’hybrider en quelque sorte les fonctionnements administratifs par une autre rationalité, dite managériale.
Par un double mouvement, la réglementation interne à l’administration change et le management s’adapte car la soumission au marché n’existe pas, et ne doit pas exister, dans le secteur public.

Éducation nationale et management public

L’Éducation nationale a beaucoup avancé depuis une vingtaine d’années dans cette démarche de modernisation : augmentation de la marge de liberté et responsabilisation des acteurs, autonomisation des établissements, renouvellement du principe de liberté pédagogique (différenciation et adaptation), transformation des missions des inspections générales (missions d’évaluation et de contrôle du système), développement des systèmes d’information (travail de Claude Thélot à la DEP), déconcentration et redéfinition des missions des différents échelons (loi du 6 février 1992 qui pose le principe de subsidiarité), relations avec les usagers (pouvoirs nouveaux conférés aux parents)...

En ce qui concerne les ZEP, la relance actuelle, bien plus que les précédentes, est typiquement managériale.
La première mise en place de la politique des ZEP par Alain Savary tablait sur la mobilisation et assouplissait certains fonctionnements mais se préoccupait peu des relations des acteurs de terrain.
La relance Jospin-Rocard s’est faite en totale synergie avec la politique de renouveau du service public et de modernisation. Mais alors que, parallèlement à la structuration de la politique de la ville, les ZEP devenaient plus opérationnelles sur le terrain (création des responsables et coordonnateurs), demeuraient des lacunes dans le pilotage et une faible centralité des ZEP dans l’appareil. L’idée générale restait que les comportements devaient d’abord changer et que les structures suivraient.

La relance actuelle a été relayée par quelques inspecteurs. Elle est partie d’un constat du manque d’efficacité des ZEP ; l’idée de gagner en efficacité est au cœur de cette relance.
Le dispositif d’évaluation (l’évaluation est définie par le conseil scientifique de l’évaluation comme l’activité de rassemblement, d’analyse et d’interprétation de l’information sur la mise en œuvre et l’impact des mesures visant à agir sur une situation sociale et à préparer des mesures nouvelles) est entièrement tourné dans cette direction. Le rapport montre que la politique des ZEP en elle-même ne peut être évaluée ; seule sa mise en œuvre concrète, donc variable, peut l’être.

Le processus d’évaluation, dans cette nouvelle relance, a été mené par des IG et doublé d’un accompagnement des transformations et d’une recherche de définition, par le dialogue, des mesures nouvelles.

La thématique du pilotage, aux différents échelons, et celle de la responsabilisation de chacun à son poste sont mises en avant. Le processus de cette relance induit une mobilisation aussi large que possible.

La taille des ZEP doit changer pour des raisons d’efficacité : il s’agit là encore d’une analyse managériale (quand une unité diminue, le poids relatif de chaque agent augmente). L’idée d’impuissance est mieux combattue, la mobilisation est plus facile, la logique du statut pèse moins.

La relance est centrée sur les apprentissages, c’est-à-dire sur les missions essentielles du service public d’Éducation nationale, quels que soient les moyens de remplir au mieux ces missions. Ce recentrage est aussi la condition d’un partenariat fécond : loin de rendre difficiles les relations avec les partenaires, il doit au contraire contribuer à les rationaliser et à les simplifier.
Il est essentiel de pouvoir justifier par des scénarios d’amélioration pédagogique et didactique toutes les activités qui se déroulent en ZEP.
Dans la négociation de l’activité primera la logique scolaire, ce qui n’exclut pas une multitude de façons d’opérer.

Nature du contrat de réussite

Le projet de ZEP prend la forme d’un contrat de réussite entre le recteur et la zone. Le recteur qui était destinataire du projet, informé de celui-ci, devient partie prenante d’une rencontre de volontés, traduite par un contrat (avec une ZEP représentée par son responsable).
Les ZEP vont devenir une des préoccupations majeures des recteurs. Ces derniers vont établir, avec chaque ZEP, un contrat différencié (dans son contenu et sa durée), en fonction d’un diagnostic.

Jusqu’alors on constatait une faible activation et une faible participation des IPR. Or, le recteur définit un programme de travail académique pour les IEN et les IPR.
Le contrat de réussite pourra induire un changement considérable en étant suivi dans chaque ZEP par des séminaires animés par des IPR.
La circulaire ne devrait pas, en principe, préciser le contenu du contrat car cela irait à l’encontre de l’idée de subsidiarité ; le cap devra être l’apprentissage, la réussite scolaire sans autre spécification de contenu à l’échelon national.
Il sera important d’associer le plus de personnes possibles au contrat pour qu’il soit pleinement opératoire.

Cependant, la contractualisation annoncée ne procède pas d’une rationalité démocratique mais d’une rationalité technocratique modernisée, ce qui exclut tout vote, par exemple des représentants des parents d’élèves.

 

II - LES INCONNUES

• Une démarche de modernisation suppose de se focaliser sur l’efficacité, donc de penser en termes de service à rendre à des usagers. Cette idée est complexe et devra se décliner à différents niveaux (zone, établissement, classe...). On ne pense pas la réussite dans les mêmes termes aux différents niveaux. Or la mobilisation par le management semble s’arrêter au niveau de la zone. Comment vont être négociés les différents niveaux sous le contrat de réussite ?

• Dans quelles limites les identités professionnelles vont-elles bouger ? Elles sont structurées par l’orthopraxie ; il est rare que, par eux-mêmes, des enseignants contestent leur méthode en fonction des résultats qu’ils obtiennent. Comment faire pour que la logique de l’orthopraxie soit remplacée par une logique de l’évaluation, de l’amélioration de l’efficacité ?
Certains IPR, certains IEN ont commencé à intervenir plus collectivement, à développer une culture de la responsabilité vis-à-vis des usagers, mais ils manquent de disponibilité et de moyens pour intervenir.
Pour pouvoir mener à son terme une démarche d’efficacité, il faut adhérer au « pari de l’éducabilité ». Ce pari est une véritable position politique à faire partager.

• Les contrats de réussite sont basés sur la capacité à poursuivre un travail d’évaluation à tous les niveaux.
La culture de l’évaluation semble souvent absente aux différents échelons de l’administration ; elle est pourtant potentiellement présente dans l’Éducation nationale et au ministère devrait être un terrain favorable à une politique de modernisation : il existe une continuité entre l’évaluation formative de l’enseignant face à l’élève et l’évaluation institutionnelle et politique. Reste à favoriser la prise de conscience par le plus grand nombre d’agents du bénéfice à tirer de cette culture.

• On dit qu’il est crucial dans les ZEP de mettre en place par d’autres pratiques "le socle psycho-sociologique propice à l’apprentissage". Mais quel est le contenu possible de ces pratiques, quelle est leur efficacité ? Comment traduire dans les classes le contrat de réussite ?
Il y a, pour l’instant, une absence d’expérimentation sur les bons détours pédagogiques.

• Le déclenchement du processus vertueux est partiellement aléatoire et correspond à des cas d’espèce non généralisables. Comment le piloter ? Comment aider la mobilisation des acteurs de terrain ? Les pratiques innovantes, la créativité sur le terrain doivent être pilotées pour achever le contenu du contrat.

• II faudra développer à la fois une attente d’efficacité et une mobilisation. Les dispositifs qui vont rendre vivant le contrat de réussite dans la durée, dans la mesure où la légitimité institutionnelle et politique demeure, devront être pensés.

• Les parents dans cette nouvelle relance et dans le contrat de réussite n’ont logiquement de place qu’en tant qu’intérêt visé. On gagnerait en revanche à envisager davantage la position des élèves : un véritable contrat de réussite ne pourra aboutir sans qu’une vraie parole soit donnée aux élèves, qui sont les véritables usagers.
C’est indispensable dans une logique de management public.

• Le coordonnateur a une place centrale dans la contractualisation mais est-il suffisamment armé ?
Beaucoup d’expérience a été capitalisée par les coordonnateurs tout comme par les responsables et leur apprentissage institutionnel a été rapide. Ils vont avec le contrat être directement associés au recteur.
Mais va-t-on voir se construire dans les académies des lieux où les coordonnateurs pourront se rencontrer officiellement, tenir des séminaires ?

• La relance correspond à une logique descendante, qui exclut pourtant l’autoritarisme ou une hiérarchisation excessive.
L’Éducation nationale, et notamment dans sa hiérarchie, a, sans bien sûr en. avoir le monopole, un véritable sens de l’intérêt collectif.
Il existe tout de même un contraste, pour l’instant, entre les responsables qui initient la relance et le terrain qui reste parfois peu concerné ou informé. L’écueil d’une politique volontariste devrait être évité car la relance actuelle s’est appuyée sur une observation précise du terrain et sur des échanges avec celui-ci.
Il est néanmoins important d’émettre très tôt des signes vers les acteurs de terrain, et de les renouveler, pour éviter qu’ils restent dubitatifs, passifs, ou étrangers aux réformes. Il faut, durablement, créer les conditions pour que l’échange, initié par le centre, se produise.

Avec la mise en place des contrats de réussites, et la réflexion qu’elle induira, les ZEP devraient constituer des "locomotives" pour l’ensemble du système. Les tables rondes des assises nationales (les 4 et 5 mai 1998 à Rouen) peuvent être considérées comme des chapitres du contrat de réussite.

Ci-dessous une version PDF à la mise en page identique à l’original papier

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