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L’Observatoire des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) (Rencontre OZP, avril 2005)

14 mai 2005

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 54 - avril 2005

L’Observatoire national des Zones Urbaines Sensibles (ZUS)

Compte rendu de la réunion publique du 20 avril 2005

Pour la troisième fois en 2005, une Rencontre de l’OZP est consacrée aux incidences de la politique de la Ville sur l’éducation prioritaire.
François Ménard, sociologue, chargé de mission à l’Observatoire national des Zones Urbaines Sensibles (ZUS), présente cette structure, ses missions et les indicateurs concernant l’éducation. Le débat a répondu aux interrogations sur l’articulation entre politique de la Ville et éducation et sur la comparaison entre les ZUS et les ZEP.

L’Observatoire national des Zones Urbaines Sensibles (ZUS) a été créé, à l’intérieur de la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), en application de la loi du 1er août 2003. Il s’agit d’une structure légère : cinq permanents sous la direction d’un comité d’orientation de quarante personnes réunissant d’une manière transversale les administrations et organismes susceptibles d’utiliser les données de l’observatoire et pouvant collaborer à la collecte de ces données. L’Education nationale est représentée par la DEP ( Direction de l’Evaluation et de la Prospective) et par la DESCO (Direction de l’Enseignement Scolaire).

La mission de l’observatoire est de mesurer la réalisation des objectifs de réduction des inégalités qui pèsent sur les habitants de 751 zones urbaines sensibles. Ces objectifs ont été quantifiés en annexe de la loi de rénovation urbaine. Cette démarche anticipait celle de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (*) rapprochant affectation des moyens et grands objectifs mesurés par l’évolution d’une batterie d’indicateurs. Ces observations rassemblent les caractéristiques transversales des territoires en mesurant les écarts avec les moyennes nationales, régionales ou d’agglomération dans de nombreux domaines : démographie, logement, pauvreté, emploi et chômage, activité économique, éducation, équipements publics, commerce, environnement, sécurité.
L’observatoire prolonge et systématise les observations réalisées ou commanditées antérieurement par la DIV. Ces observations ont été transcrites sur des cartes visualisant les données sociales disponibles sur les territoires prioritaires traités par la politique de la Ville.
Le rapport de la Cour des comptes, qui pointait le caractère flou des objectifs de la politique de la Ville et l’absence d’évaluation de leur réalisation, a pesé sur la décision de créer l’observatoire. Pourtant la politique de la Ville avait fait l’objet de nombreuses études et évaluations mais elles s’inscrivaient plus dans une problématique de modernisation de l’Etat, décrivant les procédures et les lourdeurs de fonctionnement, que dans la mesure de l’impact des politiques menées sur les territoires.

L’observatoire a donc pour mission de rendre compte de l’impact de la politique de la Ville sur des territoires infracommunaux,les ZUS, et de nourrir des rapports annuels.

Cet impact est décrit au plan national dans un rapport annuel au Parlement. Le premier rapport a été publié en novembre 2004, sans grand retentissement, sans doute parce que cette démarche était encore nouvelle dans notre pays.
Désormais les municipalités, les communautés urbaines ou les organismes intercommunaux qui ont une ZUS sur leur territoire devront, à l’occasion de leurs délibérations budgétaires, présenter un rapport sur l’évolution des indicateurs de leur ZUS.

Un dernier commentaire : c’est l’expérience britannique (plus que l’organisation budgétaire mise en place par la LOLF) qui est à l’origine de l’introduction de cette batterie d’indicateurs dans la loi. La « Neighbourhood Renewal Unit », c’est son nom, fixe des « objectifs planchers » (floor targets) à atteindre pour ces quartiers prioritaires. Mais, rattachée au Premier ministre britannique, cette structure a plus de poids que son équivalent français. De plus elle ne s’appuie pas sur des dispositifs contractuels ad hoc comme en France (les contrats de ville) où la réalisation d’objectifs nationaux dépend de l’action de l’Etat mais aussi des collectivités locales. La question qui se pose dans le cas français est : comment mesurer les résultats d’une politique contractuelle par rapport à des objectifs quantitatifs nationaux ? Il n’est pas possible de fixer d’autorité des objectifs propres à chaque agglomération et l’on n’est pas sûr que la somme des objectifs locaux corresponde aux objectifs définis pour le territoire national. Il y aura forcément des ajustements à trouver...

Avancée et limites de l’observation des ZUS
Le cadre des ZUS est une avancée mais aussi une limite de l’observation. A la différence des ZEP, repérées par la liste des établissements qui en font partie, les ZUS ont un périmètre légal très précis qui se traduit par des cartes : à partir d’un fichier d’adresses, on peut dire celles qui se situent en ZUS. Il faut être à l’intérieur du périmètre pour bénéficier des avantages prévus par la loi. Par exemple, les bailleurs sociaux ont un abattement de leurs taxes foncières uniquement pour les logements situés dans le périmètre.

La liste des ZUS est un héritage de l’histoire de la politique de la Ville. Ce sont d’abord des secteurs ayant été conventionnés lors des précédentes phases de cette politique - DSQ (Développement Social des Quartiers) ou DSU (Développement Social Urbain). Le repérage, réalisé par les maires et les préfets depuis 1996, a pu utiliser des travaux statistiques antérieurs sur les secteurs en difficulté, mais souvent il a été intuitif, sur la base de la réputation des quartiers et de la facilité d’interventions massives, ce qui a amené à inclure en ZUS de grands ensembles et plus généralement le secteur du logement social. Découpage politique, il a fait l’objet de tractations entre les collectivités et les services préfectoraux.
Dans un second temps seulement, un périmètre légal a été dressé puis une identification des îlots INSEE correspondant à ces périmètres a été réalisée ; c’est ainsi que l’on dispose de statistiques sur les ZUS. C’est ce qui fait dire à certains que ces statistiques ne sont pas sans défauts et qu’il faudrait actualiser le découpage des ZUS de manière plus « rigoureuse », mais ceci est un autre débat.

La « carte » des ZUS permet donc de rassembler des données très précieuses sur des territoires infracommunaux dans des domaines très divers mais elle ne recouvre qu’imparfaitement la réalité des territoires de la grande pauvreté et de l’exclusion sociale urbaine. C’est ainsi que, dans certaines villes, des copropriétés dégradées ou des secteurs pavillonnaires très pauvres restent en dehors des périmètres : il n’avaient pas été identifiés comme « sensibles ».
Certaines ZUS ont pu aussi devenir des zones de redynamisation urbaine (ZRU), des zones franches urbaines (ZFU), après avoir fait l’objet d’un balayage par un indicateur synthétique associant plusieurs taux (chômage, proportion de personnes de moins de vingt ans, de personnes sans qualification, imposition moyenne des ménages). Sur ces territoires, des moyens supplémentaires sont accordés, principalement sous forme d’abattement sur les charges des entreprises qui s’y installent.

Les données, mentionnées dans les indicateurs de l’annexe de la loi sont collectées par les réseaux des différentes administrations compétentes qui les redistribuent ensuite aux acteurs locaux. Un travail préalable d’îlotage des données est nécessaire. Cette collecte et cette redistribution avancent, mais se heurtent à des difficultés techniques, politiques et économiques : problèmes de diffusion de certaines données, liés à la loi Informatique et libertés, notamment sur les zones de faible dimension, problèmes de droits de diffusion (l’INSEE, qui vend certains de ses fichiers, impose des règles strictes de rediffusion), problèmes concernant la nature des données transmises (données locales ou fichiers permettant un travail d’analyse comparative ?).

Les indicateurs sur l’éducation
Les données sur la scolarité sont accessibles grâce à la coopération engagée entre la DIV et la DEP, ce qui n’est pas le cas de tous les autres domaines couverts par la politique de la Ville. Elles posent toutefois quelques problèmes d’exploitation et d’interprétation. D’abord, les secteurs de recrutement des collèges sont loin de coïncider avec les périmètres des ZUS ; ensuite les fichiers dont nous disposons ne permettent pas de domicilier les élèves : on ne peut donc ni distinguer les élèves scolarisés dans un établissement situé en ZUS mais habitant hors de la ZUS, ni à l’inverse repérer les élèves de la ZUS scolarisés dans un établissement extérieur à la ZUS.
L’observatoire examine l’évolution des écarts entre ZUS et hors ZUS dans les domaines suivants : l’origine sociale, les retards scolaires, les moyens, le nombre d’élèves par classe, l’orientation en fin de troisième, etc. Il s’agit de mesurer si on se rapproche de l’égalité.

La difficulté est d’expliquer la grande diversité des constats établis sur les ZUS : des indices plus élevés sont-ils le résultat de l’action des établissements ou s’expliquent-ils par un contexte plus favorable ou par des périmètres de recrutement différents, incluant des secteurs moins défavorisés ? Comment analyser la situation des territoires qui décrochent ? Comment identifier et expliquer la surségrégation ?
Les établissements en ZUS sont souvent moins divers socialement que la ZUS elle-même. Le taux d’évitement scolaire est d’ailleurs un des indicateurs de la loi de rénovation urbaine, même si la définition du taux n’est pas indépendante de l’usage que l’on en fera.

Une sociologie de l’évitement scolaire serait décisive pour comprendre les dynamiques urbaines. Les établissements en ZUS souffrent-ils plus d’une mauvaise réputation, liée au quartier, ou, au contraire d’autres établissements, sont-ils moins évités en raison de leur isolement ou parce que les familles très défavorisées développent moins de stratégies d’évitement que dans d’autres milieux ?

Mesure-t-on des effets de concentration - il y plus de pauvres - ou des effets de contexte ? Selon la thèse exposée récemment par Eric Maurin dans « Le Ghetto français », un contexte défavorisé aurait des effets négatifs et tirerait les performances vers le bas. Il y aurait une double injustice : celle d’une origine défavorisée, peut être redoublée par le contexte.
La démonstration d’Eric Maurin peut être critiquée sur certains points, car celui-ci extrapole à l’ensemble du quartier des observations portant sur les trente logements les plus proches, ce qui pose la question de la bonne échelle pour observer la mixité sociale : la cage d’escalier, le quartier ou l’agglomération ? Elle demeure néanmoins très stimulante.

Débat

Quelle articulation entre la politique de la Ville et l’Education nationale ?
Question - La loi de rénovation urbaine du 1er août 2003, qui fixe la liste des indicateurs d’évaluation des ZEP, n’a pas été diffusée dans l’Education nationale. Ce n’est pas la première fois qu’une loi non élaborée par notre ministère n’est pas diffusée à ceux qui sont chargés de l’appliquer. Ainsi la loi d’orientation de lutte contre l’exclusion et la grande pauvreté, dont les articles 140 à 149 s’adressent aux enseignants, n’a jamais été diffusée et n’est pas appliquée. Comment faire en sorte que le ministère de l’Education nationale participe à l’action de l’Etat et ne reste pas extraterritorialisé ?
François Ménard - Le travail interministériel en amont a été extrêmement réduit. Ainsi c’est le Parlement qui a introduit l’indicateur sur l’évitement scolaire. Sur le terrain, l’existence d’interlocuteurs - les coordonnateurs de ZEP - peut encore permettre de recoller les choses sur le plan éducatif, mais ce n’est pas le cas dans tous les domaines, par exemple pour l’emploi. Le plus gênant est la discordance entre ZEP et ZUS à cause de l’hyperterritorialisation qui crée des zones exorbitées du droit commun et isolées du territoire environnant..

Un responsable syndical - Il n’y a pas encore d’articulation entre la loi d’orientation de l’Education nationale et les Equipes de Réussite Educative (ERE) de la politique de la Ville.
FM - Sur ces équipes, les choses ne sont pas encore complètement stabilisées. Personnellement, j’ai entendu dire tout et son contraire sur leur rôle, leurs moyens et leur gestion. On ne sait pas si ces ERE seront cantonnées dans le périscolaire ou s’il y aura une accroche avec la vie scolaire.
Le problème, c’est la déconnexion entre l’offre politique et le diagnostic. Aucune étude ou diagnostic sérieux n’a été engagé pour fonder cette stratégie. Ce qui ne signifie pas qu’elle ne soit pas bonne. Mais on peut regretter que ce que l’on sait aujourd’hui sur la formation et la persistance des inégalités scolaires n’ait pas alimenté les réflexions préparatoires à la mise en place de ce dispositif.
Autour de l’idée de veille éducative, plus modeste, il y avait eu une réflexion préparatoire menée par un groupe de travail ; cela n’a pas été le cas pour les ERE.

Par ailleurs, l’enjeu de la rénovation urbaine aujourd’hui est la recherche de la mixité sociale. Or, on peut se demander si parfois les écoles prévues dans les projets présentés à l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) n’ont pas pour simple objectif de garantir aux enfants de la classe moyenne que l’on veut attirer dans ces quartiers qu’ils seront préservés de la violence et des populations qui, à tort ou à raison, sont identifiées comme de faible niveau. Ainsi, paradoxalement, la non-mixité scolaire devient une condition de la mixité sociale dans l’habitat et la question devient parfois « comment sanctuariser l’école dans le quartier ? ». La bonne approche serait de voir comment l’arrivée d’une nouvelle population peut déclencher une nouvelle dynamique dans l’établissement et amener à concevoir un projet pédagogique différent.

Q - Dans notre Rencontre n° 53 du mois de mars sur la loi Borloo, cela a été déjà un constat surprenant de voir l’école à la remorque de la rénovation urbaine.
FM - Toutes les analyses macrosociologiques établissant une corrélation entre origine sociale et échec scolaire ou qui rendent compte des effets de contexte sont nécessaires mais, si on ne s’en tient qu’à elles, elles peuvent avoir un effet pernicieux. Elles peuvent disqualifier d’avance tout ce que l’on peut attendre des ERE et tout ce que les établissements peuvent réussir à faire avec des élèves dont le pronostic scolaire n’est pas bon. Elles aboutissent à stigmatiser des populations et des établissements indépendamment de toute réflexion de fond sur les conditions de la réussite.
C’est pour cela qu’il faut sans doute travailler plus finement en s’attachant à rendre compte et à analyser les écarts entre établissements ou entre zones comparables, non pas pour établir des classements, mais pour faire émerger les effets éventuels d’une mobilisation locale particulière (établissements ou équipe de réussite éducative...)

Carte des ZUS, carte des ZEP : inflation ou resserrement ?
Q - La révision prévue de la carte des ZUS ira-t-elle dans le sens d’une extension ou d’un recentrage ? Cette révision accompagnera-t-elle la loi Fillon, dont l’annexe prévoit un recentrage des ZEP ?
FM - Depuis le début de la politique de la Ville, tous les rapports ont dénoncé le caractère inflationniste de cette politique : « il y a trop de quartiers prioritaires ». Mais leur nombre continue de s’accroître. Il y a 751 ZUS, mais, si l’on regarde les contrats de ville, on a 1400 quartiers identifiés comme prioritaires. Les ZUS ont 4,8 millions d’habitants - soit 7,8% de la population française, une donnée à rapprocher du pourcentage d’élèves scolarisés en ZEP qui est de 22% des élèves des collèges et écoles publiques ou 18% du total public-privé.
Il est probable qu’il y aura un compromis entre deux scénarios opposés. Dans le premier, on examine tous ces quartiers à la lumière d’un indicateur synthétique et on sélectionne les plus en difficulté. Cette démarche a pour objet de rendre les communes éligibles à la DSU (Dotation de Solidarité Urbaine) et dans ce cas on privilégierait une politique de péréquation, laissant aux communes toute l’initiative par rapport à une politique volontariste passant par la négociation de contrats. On pourrait alors retenir une centaine de zones (soit le nombre de ZRU et ZFU), où l’Etat mettrait des moyens importants. Mais, politiquement, il sera inévitable d’en retenir beaucoup plus.
Le second scénario serait de s’en tenir aux quartiers en rénovation urbaine avec démolition.
Les futures chartes de cohésion sociale qui remplaceront les contrats de ville existants seront l’occasion de choisir ou de combiner les deux approches. Toutes les phases de la politique de la Ville ont été marquées par des mots d’ordre, par exemple « Le projet éducatif local (PEL) constitue le volet éducatif du contrat de ville ». On ne sait pas si on continuera dans cette voie.

Q - Et les Grands Projets de Ville ? Leur volet éducatif était important.
FM - Ils relèvent aujourd’hui de l’ANRU et non plus de la DIV. En ce sens les démarches, sociale et éducative d’un côté et urbanistique de l’autre, sont dissociées. L’aspect global du projet ne régresse peut-être pas au niveau du quartier lui-même - quoi qu’il me semble que l’aspect logement et équipement prenne le pas sur la question des services proprement dits (dont le service public d’éducation) - mais le probléme réside surtout dans le fait qu’en matière de relogement on ne semble guère se soucier des infrastructures, équipements et services auxquels auront accès ceux qui seront contraints de quitter le quartier. En ce qui les concerne, urgence aidant, on risque d’en revenir à une approche ZUP.

Q - Etes vous capables avec vos indicateurs de repérer parmi les 751 ZUS une centaine qui seraient en détresse sociale ? Dans ces zones, les établissements de l’Education nationale sont-ils également en détresse sociale ?
FM - Je pourrai répondre en septembre. Le rapport annuel sur les ZUS peut s’appuyer sur des indicateurs construits localement. Il y a donc un enjeu autour de la construction des indicateurs locaux, indicateurs le plus souvent construits par les agences d’urbanisme. L’OZP pourrait être représentée lors des débats sur les indicateurs de l’éducation.

Développement durable et mixité sociale.
Q - La mixité sociale est elle un critère important pour les préfets ? Et que dire de la prise en compte de la notion de développement durable dans cette politique ?
FM - Oui, la mixité sociale fait partie des objectifs de la loi Borloo. On peut s’interroger sur les vertus de cette mixité sociale insufflée aux seuls quartiers populaires. Mais par-delà cette loi, la « mixité sociale » - comme peut-être à l’avenir le « développement durable » - fait partie de ces formules qui participent à la constitution de ce consensus paradoxal qui fait que la politique de la Ville perdure, que le gouvernement soit de droite ou de gauche .
Sur la notion de développement durable, on a pu dire que la politique de la Ville, en s’appuyant sur une approche à la fois sociale, urbaine, environnementale et participative, était la politique française de développement urbain durable. On peut néanmoins s’interroger aujourd’hui sur les autres espaces. On pourrait notamment prendre en compte le surcoût d’un habitat pavillonnaire par rapport à un habitat concentré comme le logement collectif en termes de voirie, d’adduction d’eau, de collecte des ordures ménagères. Il n’est pas sûr que les quartiers dont la rénovation est prise en charge par la collectivité coûtent, dans leur fonctionnement courant, plus cher que d’autres, mais leurs habitants n’ont pas les mêmes relais pour interpeller les élus que les habitants des quartiers résidentiels. Il serait intéressant de faire apparaître le coût, pour la collectivité, des quartiers riches.

Aujourd’hui, beaucoup de choses vont se jouer dans l’intercommunalité mais on ne sait pas encore dans quel sens elle jouera. Des communes résidentielles de « riches » mais pauvres en ressources fiscales s’associent à des communes industrielles riches mais peuplées de « pauvres ». Dans certains cas, elles acceptent des logements sociaux et reçoivent des entreprises, ce qui diminue les risques de ségrégation ; dans d’autres cas, on fait financer par les communes de « pauvres » les équipements de la commune résidentielle.

Simplification ou empilement des dispositifs de la politique de la Ville ?
Q - L’usine à gaz que constitue la politique de la Ville va-t-elle encore se complexifier et devenir encore moins lisible ?
FM - La lisibilité ne semble pas progresser malgré une volonté affichée, et sincère, je crois, de faire avancer les choses. Le problème, c’est qu’on peut être tenté par des formes de simplification radicale qui risquent de faire jeter le bébé avec l’eau du bain. Certains scénarios qui envisagent la disparition des contrats de ville et un rôle de l’Etat réduit au soutien à l’expérimentation conduiraient certes à une simplification mais avec le risque d’un renoncement à une réorientation des politiques de droit commun vers les territoires en difficulté.

Q - Lors d’une Rencontre de l’OZP précédente, le rôle pilote des maires était apparu comme le facteur de simplification.
FM - Oui, mais pas sans garde-fou. La politique de la Ville est « procédurale » (par ses méthodes de travail) au niveau national, et « substantielle » (portant sur les contenus) au niveau local du contrat de ville. Ce contenu était historiquement porté à la fois par les maires et par les préfets supposés mettre en œuvre une « stratégie locale de l’Etat ». Si le préfet n’a rien à dire sur les contenus dans les domaines où l’Etat a des prérogatives et notamment sur l’éducation, c’est le maire qui décide de tout.
Or, des inégalités sociales grandissantes entre territoires ou à l’intérieur des territoires urbains contrediraient les objectifs de développement durable affichés par l’Etat... et l’on ne peut pas rendre les élus seuls comptables de cela.

Q - Actuellement les enseignants vivent comme un risque d’ingérence les interventions extérieures dans le champ éducatif.
FM - C’est dommage, mais il est vrai que tout travail d’objectivation de la vie scolaire risque de stigmatiser un établissement et d’alimenter des réactions défensives. D’où la tentation pour les autres services de l’Etat et les élus, si l’on ne peut rien faire avec l’Ecole, de se cantonner dans le périscolaire, en arguant (ce qui est juste, par ailleurs) que « l’éducation, ce n’est pas que l’école ».

Q - La politique de la Ville a-t-elle déjà cassé des îlots de ségrégation, changé la géographie de la pauvreté ?
FM - Pour l’instant, globalement, non ! La tendance est plutôt que les quartiers riches deviennent plus riches et que les quartiers les plus pauvres s’enfoncent davantage dans la pauvreté. Les quartiers de classes moyennes sont plutôt stables, même s’ils se dualisent insensiblement. On n’a pas de dualisation forte avec une coupure au milieu, mais des phénomènes de surconcentration aux extrêmes.

Q - Oui, mais les quartiers pauvres perdent de la population. Il y a dispersion, ceux qui ont amélioré un peu leur situation partent et en moyenne ceux qui restent sont plus pauvres.
FM - Absolument ! On ne connaît toutefois pas bien les trajectoires résidentielles de ceux qui habitent des quartiers touchés par la rénovation urbaine. C’est le cas des hébergés, c’est le cas aussi de ceux qui quittent le quartier sans attendre qu’on leur fasse une nouvelle offre... Enfin, on ne connaît pas encore les conditions d’habitat (accès aux services, temps de transports des « relogés », etc.). C’est un travail auquel l’observatoire doit s’atteler.

(*) Sur la LOLF, voir la revue de presse du 13.05.2005 "Comprendre la LOLF pour évaluer les ZEP" avec tout à fait en bas de la page des messages d’explication.

Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume

Ci-dessous une version PDF à la mise en page identique à celle de l’original papier

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