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Interview de Marc Douaire : Suppression des ZEP : pourquoi les aides personnalisées aux établissements scolaires sont une fausse bonne idée

12 octobre 2012

Suppression des ZEP : pourquoi les aides personnalisées aux établissements scolaires sont une fausse bonne idée

François Hollande, a présenté le 9 octobre les grandes orientations de son projet pour l’école, et s’est prononcé en faveur de la disparition du label Zone d’éducation prioritaire (Zep).

Atlantico : Pensez-vous qu’il faille supprimer le label Zep au profit d’une "aide personnalisée aux établissements" qui différenciera les moyens de chaque établissement en fonction de ses "spécificités territoriales, sociales, scolaires", comme le préconise François Hollande ?

Marc Douaire : L’éducation prioritaire a été fondée il y a trente ans par Alain Savary, ministre socialiste de l’Education, et ne consiste pas simplement à prendre en compte la politique éducative d’un seul établissement mais celle d’un ensemble d’établissements scolaires d’un même quartier de l’école maternelle au lycée sur un territoire en difficulté. Il s’agit d’une politique territoriale. Si on parle de changement et de rupture, alors il faut marquer ce changement et cette rupture avec la politique du précédent gouvernement. Or, cette proposition rappelle la volonté de Luc Chatel, de remettre en cause cette politique territoriale au profit d’une aide personnalisée aux établissements.

D’ailleurs ce n’est pas le label "Zep" en lui-même qui pousse les familles à contourner la carte scolaire. Le fait que ces zones ne soient plus labellisées Zep, ne changera rien aux difficultés sociales et d’éducation de ces quartiers. C’est la réalité des quartiers et la réalité du chômage, les conditions sociales et économiques qui font que les quartiers sont stigmatisés et ne sont plus fréquentés, tout comme les établissements scolaires de ces quartiers.

Pourquoi est-il important de continuer à raisonner en termes de quartiers plutôt qu’en termes d’établissements ?

D’abord parce que la question de l’éducation des jeunes ne relève pas des seuls professionnels de l’éducation. La question du vivre ensemble, doit être abordée avec toutes les personnes qui ont des responsabilités éducatives, en premier lieu avec les familles, mais aussi avec ceux qui travaillent au quotidien avec les enfants, comme par exemple les éducateurs, les animateurs sociaux ou encore les responsables associatifs. Deuxièmement, en éducation prioritaire, on ne peut pas raisonner en termes d’établissement parce qu’il doit y avoir une cohérence éducative de l’entrée de l’école maternelle jusqu’à la fin du collège, c’est-à-dire de 2 à 16 ans.

Afin de redynamiser le projet, ne faut-il pas se focaliser sur la formation des professeurs ?

C’est un élément indispensable et il faut former l’ensemble du personnel du l’éducation à travailler sur les difficultés scolaires, c’est-à-dire à travailler avec des groupes hétérogènes. Ensuite, encore plus qu’ailleurs, le métier d’enseignant en Zep est un travail collectif. Il faut pouvoir construire des apprentissages en cycle et non pas tout seul dans sa classe face à un groupe d’élèves.

Néanmoins, enseigner en Zep n’est pas un autre métier. Il faut que la formation des enseignants prenne en compte que beaucoup de jeunes vont être nommés en zone d’éducation prioritaire. Ces jeunes sont pleins de bonne volonté, mais aujourd’hui le métier d’enseignant, où que ce soit, ne consiste plus simplement à transmettre un cours. Il s’agit de travailler avec un groupe de professionnels, de fixer des objectifs, de construire des évaluations ensemble. Il faut être préparé à cela.

Par ailleurs, cela fait trente ans que l’on entend qu’il faut envoyer des professeurs plus expérimentés en Zep, mais aucune proposition concrète n’a jamais été faite. Par ailleurs, un enseignant expérimenté ne sera pas forcément meilleur qu’un débutant. Et je ne me fais pas trop d’illusions quelqu’un qui a 35/40 ans et enseigne en centre-ville, pourquoi irait-il en Zep ? Les primes ne sont pas forcément les bonnes réponses, mais il faut offrir d’autres conditions de travail. Le travail en Zep requiert du temps de concertation, du temps de liaison avec les familles, et ce temps ne peut pas être du temps bénévole et doit être compris dans le temps de service.

Quelles sont les autres pistes de réflexion ?

Il est très important d’accompagner les équipes car personne de l’extérieur ne vient les voir. Le personnel éducatif a besoin de bouffées d’air parce qu’ils ont le nez dans le guidon. Ils ont besoin de plus de soutien et de plus de reconnaissance. C’est aussi une forme d’attraction que de dire, vous aurez du temps de concertation, vous aurez des formateurs et des inspecteurs qui vous accompagneront et votre travail sera reconnu.

D’autre part, j’ai travaillé pendant longtemps en Zep, et la chose la plus décourageante c’est l’instabilité des politiques mises en place qui changent tous les trois ou quatre ans. Les enseignants et les professeurs en Zep ont besoin d’être reconnus, accompagnés et encouragés. C’est là, la responsabilité des politiques.

En 30 ans les Zep ont-elles porté leurs fruits ? Quel impact sur la réussite des élèves, pour quels moyens ?

Les Zep n’ont certainement pas atteint les objectifs qui étaient visés puisqu’au départ, il s’agissait d’un dispositif provisoire. En trente ans, en considérant la crise, le taux de chômage des jeunes, et les difficultés du vivre ensemble, l’aggravation des problèmes sociaux, ce dispositif a au moins permis que les retards en matière d’éducation de certains quartiers ne s’aggravent pas. Et finalement, il y a eu peu de moyens attribués. Par exemple, les collèges « ambition réussite » créés par Gilles de Robien en 2006 dans le cadre des « réseaux ambition réussite », ont seulement été dotés de quatre enseignants supplémentaires. Nous n’avons pas de plan Marshall pour les Zep et nous ne l’aurons pas demain non plus.

Extrait de atlantico.fr du 11.10.2012 : Suppression des ZEP : pourquoi les aides personnalisées aux établissements scolaires sont une fausse bonne idée

 

VOIR AUSSI l’interview de Marc Douaire par le Café pédagogique du 10.10.12

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