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La revue Diversité-VEI (Ville Ecole Intégration) a fêté ses 40 ans : les comptes rendus du GFEN et du Café pédagogique

21 décembre 2013

 

Diversité : 40 ans de solidarité
par Isabelle LARDON

La revue Diversité, du Sceren-CNDP fêtait le 18 décembre au musée de l’histoire de l’immigration à Paris, un anniversaire : 40 années de présence dans le paysage éditorial de l’Education nationale, de la recherche et de la formation. Ça compte !

Mais le rédacteur en chef, Régis GUYON et son équipe n’ont pas souhaité en faire une commémoration. A l’image de la revue elle-même, ce fut un moment, éclectique, de rencontres et d’échanges, rythmé par des projections de webdocumentaires réalisés par des élèves et une représentation théâtrale.

Jacques TOUBON, président du conseil d’orientation du musée, a prononcé le mot d’ouverture en se félicitant de la collaboration entamée avec le CNDP et « qui ne demande qu’à se poursuivre ».
Ce Palais colonial de la Porte dorée transformé en musée de l’immigration était tout indiqué pour accueillir la revue dont l’objectif premier était de fournir des ressources aux formateurs d’adultes migrants qui arrivaient en France. On est dans les années 1970. Migrants-formation n’est qu’une brochure de quelques pages, le centre et la revue sont sous l’égide du CNDP... Régis GUYON tient en main le premier et le dernier numéro.
Auparavant spécialisé dans l’alphabétisation, l’immigration et la scolarisation des enfants d’immigrés, le centre s’ouvre à une réflexion plus large sur les « publics en difficultés », l’exclusion, la politique de la ville, l’illettrisme et l’échec scolaire. La revue prend le nom en 1998 de Ville - Ecole - Intégration, beaucoup plus conforme avec la réalité, puis VEI - Enjeux avant de devenir Diversité, maintenant au sein d’un département « Education et société » au CNDP. « Elle poursuit ses publications, fidèle plus que jamais aux principes originels : la pluralité des points de vue et l’éclairage des recherches les plus récentes pour enrichir la réflexion et aider les acteurs de l’éducation » (extrait du n°150 de septembre 2007, qui retraçait l’histoire de la revue).

Bernard BIER, ancien rédacteur en chef de la revue, interroge dans une table ronde trois chercheurs et experts sur le thème « La revue, espace d’expression de la recherche en éducation, reflet des politiques publiques depuis 40 ans ».

Quelle perception avez-vous de la revue ?
Georges FELOUZIS, professeur de sociologie à l’université de Genève, estime que la revue représente un lieu d’expression sur des questions qui sont scientifiques, où la parole est libre sur l’éducation, la ségrégation, l’immigration. Il est un des premiers à avoir parlé de discrimination ethnique à l’Ecole. Et à l’époque, seule Diversité avait accepté ses articles.

Françoise LORCERIE, directrice de recherche au CNRS et professeur à l’université d’Aix en Provence, a fait, quant à elle, quatre sondages dans la revue, en 1979, 1989, 1999 et 2009 pour voir les changements intervenus. La revue a changé, elle s’est orientée peu à peu vers les quartiers et moins vers les migrations mais elle n’est jamais tombée dans l’idéologie, n’a jamais censuré quoi que ce soit. Elle a su garder son « cap matriciel », ce en quoi elle est une revue « vivante ».

Pour Patrick PICARD, responsable du centre Alain Savary, Ifé-ENS de Lyon, la revue est un terrain de « controverses scientifiques » sur la discrimination. Pour le numéro spécial 40 ans, il a fait un énorme travail d’analyse des titres d’articles publiés par année, et ainsi mis en avant les mots et derrière eux les notions, les « paradigmes »interrogés au fil du temps par la revue. Les questions d’inégalité et d’ethnicité sont présentes dès les années 1990 et sont toujours au coeur des préoccupations trente ans après. Voir le rapport sur l’intégration qui vient d’être remis au premier ministre, avant un débat au Parlement et des rendus en début d’année.

Quel écho de la recherche trouve-t-on dans la revue ?
Françoise LORCERIE travaille sur l’influence des classements ethniques dans l’analyse des inégalités et quelles incidences ils ont sur le fonctionnement des différents professionnels. Comment s’y prennent-ils avec les questions ethniques ? Dans l’école rien n’est pensé sur ce sujet, ni en formation des enseignants, ni dans celle des cadres de l’institution. « Nous avons des élèves musulmans », c’est peut-être un champ peu stabilisé mais il faut se poser ce genre de question.

Selon FELOUZIS, l’interprétation de LAHIRE sur les inégalités sociales de réussite scolaire dues à la discontinuité culturelle entre la famille et l’école ne suffit plus à expliquer la recrudescence d’élèves en échec scolaire. Il y a des inégalités très fortes d’offre scolaire, des ségrégations entre établissements, des contextes pédagogiques défavorables... Voir les travaux de VAN ZANTEN dans « L’école de la périphérie ».

Patrick PICARD joue la controverse pour pimenter un peu le débat. Il défend LAHIRE et prétend avec BERNARDIN et BONNERY dont il cite les livres, qu’il faut descendre dans le microscopique de la classe pour se rendre compte que l’Ecole met en difficulté les élèves face aux réquisits des savoirs. Il faut analyser la nature des difficultés des élèves, comprendre leur rapport au savoir et à l’apprentissage pour penser et surtout agir !

Et les politiques publiques ?
« Il faut penser multiscalaire », dit Patrick Picard (en géographie, démarche pour comprendre l’organisation et l’aménagement d’un territoire en l’étudiant à différentes échelles). Il faut renforcer le travail inter-métiers, articuler et comprendre le « faire apprendre », le « enseigner-former » et le « piloter ».

Comment se projeter dans les... 40 années ! à venir ?
Françoise LORCERIE préconise des pédagogies alternatives, non reconnues par l’institution, de type Freinet (elle cite l’école de Mons en Baroeul étudiée par Yves REUTER), les démarches du GFEN qui favorisent les interactions collectives pour apprendre et donnent du sens aux savoirs.
Le filtre des préoccupations professionnelles de Patrick PICARD, centrées sur les « questions de métiers » lui fait dire qu’il faut créer des collectifs de métiers pour qu’il y ait de la transformation, pour que les métiers soient moins solitaires et plus solidaires.
[...]

Extrait de gfen.asso.fr : Les 40 ans de la revue Diversité

 

Si la revue Diversité voulait montrer qu’elle est un lieu de débat elle a réussi. Elle fêtait le 18 décembre ses 40 années. Presque un demi siècle pour passer d’un bulletin de liaison de formateurs à une revue qui est passée de l’analyse territoriale à la sociologie de l’intégration. Pour l’événement, la revue avait invité trois experts, G Felouzis, F Lorcerie et P Picard pour échanger sur l’intégration et confronté des points de vue qui se sont avérés assez différents. Le défi que pose l’intégration à l’école française fait encore débat.

Sociologue, professeur à Genève, Georges Felouzis a soulevé le premier le tabou de la discrimination ethnique dans l’’école française dans un travail sur les collèges bordelais publié il y a presque 10 ans. Il avait mis en évidence la concentration des jeunes d’origine immigrée sur quelques établissements. Il se rappelle que la revue Diversité était une des rares à accueillir ses articles (avec le Café pédagogique qui avait rendu compte de son travail). "A l’époque on expliquait cette situation avec la théorie de discontinuité culturelle de Lahire", rappelle G Felouzis. "Or quand on atteint cette échelle ce n’est plus possible". D’où la réflexion sur la discrimination qui souleva un véritable tabou.

Patrick Picard (IFé) reste dans la notion d’échelle pour demander qu’on se focalise au plus près du terrain. Pour lui ce n’est pas tant un phénomène global que les difficultés précises des jeunes avec le travail scolaire qu’il faut étudier. "Il faut mieux connaitre la nature des difficultés des élèves ", avant de tirer des conclusions.

Françoise Lorcerie remarque que le système se garde bien par exemple de diffuser les pratiques pédagogiques qui répondent aux difficultés d’intégration scolaire. Elle donne en exemple l’étude de Yves Reuter sur les écoles Freinet de Mons. Les bons résultats de ces écoles ne sont pas utilisés par l’institution scolaire.

Pour G Felouzis, la taille même des inégalités scolaires, comme Pisa le montre, ne peut pas relever que de la pédagogie. Il convoque les travaux d’Agnès Van Zanten sur les collèges "de la périphérie" pour montrer que la situation matérielle qui est faite à ces collèges, avec des moyens réduits et une forte concentration d’élèves en difficulté , crée en soi l’inégalité scolaire. Il y a donc bien pour lui discrimination par le système. Ce que réfute bruyamment une partie de la salle.

Présidente de l’ACSE, Naïma Charaï conclue l’échange. Elle évoque les 150 000 sorties sans diplome et les 400 000 orientation subies au sein de l’école. Pour elle on ne peut pas expliquer le taux d’exclusion du système éducatif uniquement par la crise économique. Il faut évoquer la discrimination. POur y faire face la politique de la Ville ne suffit pas. Il faut que l’Ecole aide. Un rappel d’autant plus urgent que l’intégration fait débat au Parlement et que le gouvernement annoncera une nouvelle politique début janvier.

Le dernier numéro de Diversité aborde ce débat avec notamment un article de F. Dhume sur l’événement raciste, de JY Dutercq sur le vivre ensemble à l’école.

Extrait de cafepedagogique.net du 19.12.13 : La Diversité face à la discrimination

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