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"Choix d’orientation et origine sociale : mesurer et comprendre l’autocensure scolaire", une étude de Sciences Po

24 décembre 2014

Additif du 5 mars 2015

ENTRETIEN. Tout comme en Terminale, les mois de janvier à mars sont synonymes d’orientation en classe de Troisième. Il s’agit alors pour les collégiens de choisir entre filières générales, technologiques et professionnelles. Un choix pas forcément aisé, guidé par les notes mais pas uniquement. Elise Huillery et Nina Guyon, chercheuses au LIEPP (Sciences Po) ont démontré, dans un rapport publié en décembre dernier, que les élèves d’origine modeste avaient tendance à s’autocensurer et à éviter la filière générale alors que leur niveau le leur permettait. Et ce, pour des raisons avant tout psychologiques.

 

Quel est le rôle des parents et des professeurs dans ce phénomène ?

Nous avons fait deux constats en comparant les préférences d’orientation déclarées par les élèves à la fin du premier trimestre, avant que les fiches de vœux avec l’orientation effective à l’issue de la Troisième aient circulé entre le foyer et l’institution scolaire.

D’abord, l’action des parents et des professeurs semble limiter l’écart entre le niveau scolaire et les préférences : ainsi, dans ses préférences d’orientation donné tout au début de la procédure, l’élève issu de milieux modestes est plus sévère avec lui-même qu’à la fin de la procédure. Le dialogue avec les parents et les professeurs semble lui avoir permis de viser plus haut.

Cependant, nous constatons l’effet inverse pour les élèves faibles : le dialogue avec les parents et les professeurs survenu à partir du deuxième trimestre a creusé l’écart entre les élèves d’origine modeste et les élèves d’origine favorisée. Ce creusement des écarts peut provenir à la fois de préférences parentales différentielles, et de croyances de la part des enseignants concernant les chances de réussite futures des élèves faibles selon leur origine sociale.

Extrait de educationmagazines.fr du 05.03.15 : Les raisons de l’autocensure des élèves de troisième

 

RAPPORT
Choix d’orientation et origine sociale : mesurer et comprendre l’autocensure scolaire
Nina Guyon (National University of Singapore, Department of Economics et LIEPP)
et Elise Huillery (Sciences Po, Department of Economics et LIEPP)
Décembre 2014

Extrait de sciencespo.fr décembre 2014 : Choix d’orientation et origine sociale

EXTRAIT

VI. Conclusions
Cette étude sur le lien entre orientation, aspirations scolaires et origine sociale visait à réaliser un état de lieux sur les inégalités sociales d’orientation en fin de 3ème et à en comprendre les
mécanismes, notamment celui de l’autocensure par les élèves d’origine modeste.

[...] La réduction des inégalités sociales d’orientation parmi les élèves peu performants doit donc passer par deux types d’actions : la valorisation de la voie professionnelle notamment auprès des familles favorisées d’une part, et l’ajustement des anticipations de l’entourage sur le différentiel de réussite des élèves en voie générale et technologique selon leur origine sociale d’autre part.

Le deuxième résultat concerne les élèves moyens et bons (à la médiane et un peu au dessus).
Pour eux, ce sont clairement les préférences qui sont à l’origine des inégalités d’orientation.
Les élèves d’origine modeste ont une préférence moins importante pour la voie générale et technologique que les élèves d’origine favorisée de même niveau, alors même que leur niveau scolaire permettrait à un nombre plus important d’entre eux de suivre cette voie. L’action scolaire et parentale a pour effet de corriger en partie la faiblesse de leurs aspirations et de réduire l’écart entre élèves d’origine modeste et élèves d’origine favorisée, sans toutefois le faire disparaître. Les inégalités d’orientation pour cette catégorie d’élèves s’apparentent donc à un phénomène d’auto-sélection.

[...] Au final, les raisons des écarts de préférences d’orientation selon l’origine sociale après la 3ème sont à chercher ailleurs.
Cette étude met en évidence deux explications principales pertinentes concernant les inégalités sociales de préférences d’orientation après la 3ème. La première tient au rôle joué par les pairs. Nous observons que les élèves d’origine modeste sont plus influencés par les choix d’orientation de leurs camarades de collège et tendent à s’y conformer,
tandis que les élèves d’origine favorisée cherchent plutôt à s’en distinguer lorsqu’ils sont entourés de camarades d’un niveau scolaire faible.
De plus, nous observons que tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale, sont soucieux de ne pas révéler leurs préférences pour les voies les plus ambitieuses. Tandis que cette gêne est susceptible d’être surmontée lorsque les camarades sont eux-mêmes plutôt ambitieux, elle peut amener les élèves entourés de camarades moins ambitieux à s’autocensurer.

La deuxième explication aux inégalités sociales de préférences d’orientation tient à l’appréciation subjective que les élèves portent sur leur compétence scolaire et sur leurs chances de réussite future. On observe qu’à niveau scolaire équivalent, les élèves d’origine modeste se perçoivent comme moins bons scolairement que les élèves d’origine
favorisée. On peut voir dans cette moindre estime de soi scolaire l’effet des stéréotypes associés à leur origine sociale. Ce constat fait écho à un autre résultat : les élèves attribuent un fort effet de la situation sociale sur les chances de réussite, à niveau scolaire présent donné. Ainsi, les élèves d’origine modeste ont une valorisation d’eux-mêmes inférieure aux élèves d’origine favorisée et se sentent fortement conditionnés par leur situation sociale.

[...] En France, peu d’interventions de ce genre ont vu le jour. Aux vues des inégalités sociales d’aspirations scolaires et d’orientation qui s’ajoutent aux inégalités de performance scolaire, et peut-être les accroissent, il semble pertinent de considérer le déploiement d’actions permettant de réduire l’importance attachée à l’origine sociale et au groupe, et favorisant la revalorisation de soi et le sentiment d’efficacité chez les élèves d’origine modeste. Est-ce que de telles actions suffisent à réduire les inégalités sociales à l’école ? Si elles sont combinées avec des actions de soutien scolaire, permettent-elles d’en accroître l’efficacité ?
Telles sont les questions qui se posent pour de futurs projets de recherche.

 
Nina Guyon et Elise Huillery publient un rapport réalisé par Sciences Po sur les biais sociaux dans l’orientation. Elles concluent au fait que " pour les élèves faibles, l’origine sociale modifie l’arbitrage entre voie professionnelle et CAP d’une part, et redoublement et sortie du public ou privé sous contrat d’autre part. Les élèves d’origine favorisée évitent la voie professionnelle et le CAP plus que ne le font les élèves d’origine modeste."
Le rapport souligne aussi que Les préférences pour les études supérieures sont également différenciées selon l’origine sociale à niveau égal. Par rapport aux élèves d’origine favorisée de même niveau scolaire, les élèves d’origine modeste ont une probabilité 17% plus importante de ne pas donner de préférence et 20% plus importante de préférer ne pas faire d’études supérieures. Inversement, ils ont une probabilité 37% plus faible de préférer des études supérieures de 3 ans et plus.

Extrait de cafepedagogique.net du 18.12.14 : L’orientation au regard des origines sociales

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