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Yazid Sabeg : assumer clairement la discrimination positive en faveur des ZEP

11 novembre 2005

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Extraits du « Figaro » du 10.11.05 : Réussir l’égalité, assumer la diversité

La tragédie urbaine a franchi un nouveau seuil de violence et va empoisonner durablement la vie du pays.
Tout ce beau gâchis était prévu. C’est en partie le résultat de l’échec des politiques publiques de droit commun à assurer l’égalité réelle * Président de la Convention laïque pour l’égalité et auteur de La Discrimination positive - Pourquoi la France ne peut y échapper, aux Editions Calmann-Lévy, et président de CS Communication et Systèmes.

Une fracture territoriale, ethnique et sociale a cassé un à un tous les leviers de l’insertion que sont l’exogamie, la mobilité sociale et l’école, en dépit des proclamations formelles de l’égalité des chances.

C’est une gifle au modèle français. La preuve est faite depuis longtemps que notre pseudo-universalisme, loin d’être aveugle à toute appartenance, est une politique des identités qui s’ignore. La promotion de l’égalité formelle a conduit à la promotion d’une classe homogène d’individus, bien dotés socialement et culturellement, plutôt blancs, au détriment des autres moins nantis et généralement plus colorés.

Notre pays doit sortir de sa cécité et comprendre que le communautarisme existe chez nous, que des populations entières n’ont plus ni sentiment d’adhésion ni fierté d’appartenance à ce pays. Le déni de représentation laisse les minorités visibles sans modèles positifs. Et nos dirigeants ne se sont jamais vraiment saisis d’un sujet qui touche d’abord des populations dont ils ne sont pas issus.

Pour en sortir, les solutions à envisager ne sont plus techno-administratives. Un énième plan Marshall pour les banlieues est voué à l’échec, car ceux-là mêmes qui voudraient sa mise en oeuvre n’ont ni le crédit ni l’autorité nécessaire à l’action. La seule issue est politique. Elle consiste dans la déclaration solennelle d’un changement radical de méthode et de moyens, au nom de l’intérêt général et de l’ordre public.

Pour redonner un sens à l’égalité, il faut avoir le courage de traiter différemment des situations qui sont différentes, au nom de l’équité. Reconnaissons que l’égalitarisme strict aggrave les inégalités de départ. Que les discriminations ont des conséquences sociales spécifiques, que la répression ne peut traiter, et qui exigent des politiques correctrices spécifiques.

Les solutions existent, dans trois domaines clés. En ville, le plan national de rénovation urbaine doit avoir les moyens de son ambition. Les 30 milliards nécessaires ne sont pas sur la table, et les élus locaux ne pourront réaliser leurs projets si leurs moyens annuels ne sont pas doublés. Il est aussi vital que le PNRU ne s’occupe pas seulement du bâti, mais intègre la question scolaire et de l’emploi, sous le contrôle étroit de l’Etat.

A l’école, nous devons assumer pleinement la discrimination positive en faveur des ZEP. Si l’on veut que l’école redevienne le creuset de la civilisation, il faut assouplir la carte scolaire. Les élèves de ZEP doivent pouvoir accéder facilement aux écoles de centre-ville et aux classes prépas, jusqu’aux filières prestigieuses dont on peut démocratiser l’accès sans renier la promotion au mérite, sur l’exemple de Sciences Po. Rétablir un vrai 3e concours à l’ENA pour l’accès sur titres. Ouvrir les diplômes d’ingénieurs aux universités, multiplier les passerelles à tous les niveaux du parcours scolaire. La voie unique du concours n’est pas immuable. Ce n’est ni la seule ni la meilleure manière de repérer le mérite des individus.

(...)

Yazid Sabeg

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1 Message

  • Monsieur,
    vous affirmez dans votre article que’ les politiques publiques n’ont pas réussi à assurer l’égalité réelle’. Pourtant il y a des mesures qui répondent aux besoins spécifiques engendrées par notre société. Les mesures de bourses, d’allocations, en font partie , les indemnités de chômage aussi.

    Nous sommes malgré les rattrapages et l’adaptation sociale dans une situation où la violence ne peut plus être contenue.’ Vous dites qu’il s’agit d’une gifle au modèle français’. Je dirai plutôt que la France reçoit la gifle seulement aujourd’hui car comme vous l’aviez affirmé lors de votre venue aux rencontres de l’ozp, vous avez connu les émeutes urbaines aux usa dans les années 60. Le modèle social français a seulement retardé l’arrivée des problèmes.

    Il y a eu en France des prémisses de ce qui aujourd’hui a pris feu. Les mouvemnts des années 90 des lycéens portaient des revendications sur les conditions d’habitation et de regroupement urbain . Ces revendications n’ont pas été écoutées, ou très peu :arasement de quelques barres. Ce fut l’occasion pour les habitants qui avaient vécu dans ces barres de raconter leur attachement à ces quartiers, "c’est notre histoire, et on l’aime" a-t-on entendu sur les ondes de la radio qui leur donnait la parole. Voilà des choses qui interrogent, il n’y a donc pas adéquation mécanique entre conditions extérieures et perception subjective de sa condition.

    On peut de la même manière penser que tout ira bien si on habite dans un quartier pavillonnaire, avec le lycée bien côté pour ses enfants. Or, là aussi, l’intégration au modèle économique de référence ne met pas toujours à l’abri du regard que les "autres" portent sur nous.

    Car il me semble que c’est bien de cela dont il s’agit dans cette violence inouïe : c’est une manifestation exacerbée de rejet de part et d’autre des populations des espaces urbains concentrés démographiquement, comme émergence d’un inconscient collectif qui se forge des représentations de l’autre négatives et intolérantes.

    Vous parlez de ’modèle positif inexistant ’ pour les populations "colorées", et je reprends vos termes, vous parlez sans doute des hommes politiques , car l’enseignement lui ,est assuré par énormément de personnes dont les noms ,le visage, le savoir vivre, la communication ,les qualités, la culture sont ceux des maghrébins, qui par-là même contribuent à ce savoir être ensemble , garanti , protégé par l’éducation nationale. Celle-ci ne "peut pas tout", pour reprendre les mots d’une éclairante intervention , mais elle détient la clef qui permettra le vrai changement de mentalité seul capable de modifier la représentation que l’on a de l’autre. Le regard de l’autre qui devient positif donne l’estime de soi.

    Pour arriver à cette estime de soi, vous préconisez des solutions volontaristes d’intégration : accès des meilleurs élèves dans les classes prestigieuses. Cette solution me paraît insuffisante. Elle est honorable, et répond à la recherche inscrite dans les gènes humains de la compétition . Mais la solution profonde ne serait-elle pas , déjà, dans un premier temps d’une meilleure circulation des différentes sphères entre elles .Un appareil "techno-administratif" dites-vous. On voit bien par ces mots que vous en dénoncez la lourdeur et l’immobilisme. Nous sommes tous là à le déplorer. Mais parce que nous voudrions qu’il fonctionne autrement. C’est une culture, "ça s’apprend" comme on dit. Cela aussi fait partie de la tâche des adultes que nous sommes, faire connaître l’environnement des institutions aux jeunes . C’est ce que modestement nous faisons quotidiennement dans nos classes.

    La proposition que vous faites ,l’intervention sur l’urbain est prioritaire car l’éducation de chacun ne prend de sens que dans un lieu social qui propose une habitation décente, les lieux de travail et de culture.
    J’espère que ces mesures seront entreprises et respectées afin que le travail des enseignants trouve une alliance à l’extérieur de l’école pour accompagner les jeunes, afin que toute la société, portant un autre regard sur eux, contribue à créer l’équilibre et l’estime de soi, comme expression de l’équilibre d’une société.

    Generosa Di Filippo

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