Les ZEP, l’égalité des chances et la discrimination

15 novembre 2005

Extrait de « Ouest France » du 14.11.05 : Intégration, l’état d’urgence

Les feux de voitures déclinent. Les cocktails Molotov s’épuisent et Paris ne brûle pas. Les tensions dans les banlieues connaissent, pour le moins, un répit. Retour à l’ordre public. C’est le bilan espéré de cette dix-huitième nuit de violences urbaines.

Ces deux longues semaines ont ébranlé le pays et le gouvernement. Elles ont suscité angoisse, ressentiment et incompréhension. Elles ont, à la fois, sidéré l’opinion publique et la presse étrangère. Selon un éditorialiste américain, c’est le modèle d’intégration à la française qui vient de se désintégrer. Il y a, dans ces requiem apitoyés, une part de jubilation. Le bonheur de pouvoir claquer le bec aux Français donneurs de leçons. N’empêche, la question est juste. Qu’est-ce qui a brûlé pendant toutes ces nuits ? Surtout des voitures ou une certaine idée de la France ?
Autrement dit, ce pays doit-il désormais abandonner sur le bord de la route, l’idée du « creuset républicain » et du « modèle social à la française » • Depuis plus d’un siècle, des millions d’immigrés italiens, portugais, polonais, maghrébins, africains, entre autres, sont devenus citoyens français à part entière, fiers de ce pays, partageant ses valeurs, son souci de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Aujourd’hui, ce creuset serait donc en panne et il faudrait se tourner vers le modèle anglo-saxon, celui des communautés et du multiculturalisme.

Ce débat divise la classe politique et l’actuel gouvernement. Au plus fort de la crise des banlieues, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy ont mis en sourdine leurs rivalités. Mais ils incarnent bien deux visions opposées. Le premier continue de croire dans ce modèle républicain, au côté de Jacques Chirac, quand le second prône la rupture, souhaite la révision de la loi de 1905 sur la laïcité, défend la discrimination positive, exhorte les imams à ramener le calme dans les quartiers sensibles et, enfin, défend une immigration choisie, à l’américaine.

La crise des banlieues couve depuis trente ans. Longtemps, on a pensé que la priorité était de retaper les immeubles, de détruire les « barres concentrationnaires ». À l’école, on a créé les ZEP, ces zones d’éducation prioritaires chargées d’assurer l’égalité des chances. Le modèle français se croyait à l’abri des ghettos. C’était oublier les effets de la discrimination, « ce poison pour la société », dit Louis Schweitzer.
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Bernard Le Solleu

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