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"Changer l’enfant ou changer l’école". Compte rendu par Tout Educ du colloque "Petite enfance - socialisation et transitions" au CNAM (avec une comparaison maternelle/crèche

18 novembre 2015

"La crèche pense à l’école maternelle qui pense à l’école primaire qui pense au collège… Au lieu de donner du sens, on se préoccupe plus de savoir comment on va livrer l’enfant à la fin de l’année au suivant." C’est ainsi que Michel Vandenbroeck, professeur à l’Université de Gand, a résumé les transitions lors de sa conférence introductive au colloque "Petite enfance - socialisation et transitions" qui s’est tenu les 13 et 14 novembre au CNAM à Paris.

Organisé par Experice, le laboratoire de recherche interuniversitaire en sciences de l’éducation qui associe des équipes de Paris 8 et Paris 13, et le CNAM, ce colloque international a réuni des spécialistes de la petite enfance de 14 pays, les uns, dotés de "systèmes intégrés" d’accueil et d’éducation des jeunes enfants, comme les pays du Nord de l’Europe et d’autres de "systèmes divisés" comme la France où les enfants de 2-3 ans peuvent être accueillis en crèche, à l’école maternelle, dans des "dispositifs passerelles", des jardins d’enfants, chez des assistantes maternelles ou en famille.

Sur le thème "socialisation, démocratie et diversités", Michel Vandenbroeck s’est d’abord interrogé sur le terme de socialisation : "On se demande si les enfants sont prêts à l’école et très peu si les écoles sont prêtes pour les enfants ; on se demande comment on va changer l’enfant et non comment on va changer l’école". Il souligne "le mythe de l’homogénéité", de "l’enfant modèle" et "la peur de l’hétérogénéité".

Le PISA choc

Pour Michel Vandenbroeck, "le discours politique sur l’importance de l’école maternelle vient du PISA choc". Il ironise : "En Belgique, on était devenu champion en maths et en inégalités […] Il fallait donc inscrire tous les enfants dans une école maternelle plus axée sur les apprentissages. Ils étaient inscrits mais pas toujours présents. Et bien sûr, l’absentéisme était plus fréquent chez les enfants issus de l’immigration".

De l’homogénéité rêvée des enfants, Michel Vandenbroeck passe à celle des parents : "On préfère laisser les parents dans le couloir, voire dans la rue". Il raconte : "J’ai été étonné par une juriste marocaine dans une école maternelle à Gand. Elle m’a expliqué que sa fille la rejoignant après l’école lui a mis la main sur la bouche en lui disant : - "Ne me parle jamais en arabe quand tu viens me chercher…". Il insiste : "Avec les parents éloignés de l’école, il faut passer du bonding au bridging (du collage au pontage). Il faut laisser la place aux relations informelles et éphémères, il n’y a pas tellement d’endroits où on peut se retrouver, se créer des réseaux […] Il faut considérer la diversité comme une opportunité".

Dans un atelier consacré aux professionnels de la petite enfance, Sophie Odena, sociologue et chercheure au CNRS, a constaté qu’un autre mythe avait toujours cours : "L’idée que l’enfant n’est jamais mieux gardée que par sa mère et que la crèche n’est qu’un pis-aller se retrouve même chez les professionnels". Lors d’une enquête, elle a constaté notamment que "travailler auprès des enfants était bien souvent un second choix, notamment pour les éducateurs de jeunes enfants dont la formation théorique ne correspondait pas au travail de gestion qu’on leur demandait en pratique".

Comme une infirmière

Anne-Lise Ulmann, maître de conférences au CNAM, distingue "les auxiliaires de puériculture pour qui la crèche est souvent un second choix, des titulaires d’un CAP Petite enfance qui, au contraire, la ressente comme positive". Elle s’interroge sur la formation qu’elle trouve "surprenante" : "Les apprentissages sont issus du milieu hospitalier jusque dans le vocabulaire. Les enfants sont traités comme des objets stériles, lorsqu’on parle de nutrition, on dit protocole à la place de recette de cuisine et à la fin de la journée, on fait ses transmissions comme une infirmière… Jouer devient un soin. Pas d’affect, il faut garder ses distances".

Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation à Paris 13, a mené une étude comparative sur "les professionnels des écoles maternelles, des classes passerelles, des jardins maternels et des grandes sections de crèche ; c’est-à-dire ceux qui s’occupent tous d’enfants de 2-3 ans". Résultats : "A l’école maternelle, l’enfant ne fait pas ce qu’il veut, à la crèche, il fait tout à fait ce qu’il veut ; à l’école la maîtresse donne des consignes à reproduire, à la crèche, pas de consignes ; à l’école, on prend très peu en compte les interactions entre élèves alors qu’elles sont très importantes en crèche ; l’école c’est le lieu du traitement collectif, la crèche, de l’individualisation…". Sa conclusion c’est que "les lieux importent moins que la professionnalité. Une professionnalité qui, en maternelle, a du mal à trouver sa spécificité puisqu’elle est la même pour l’ensemble de l’école primaire".

Extrait de touteduc.fr du 16.11.15 : Changer l’enfant ou changer l’école ?

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