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Interview d’André Canvel, successeur d’Eric Debarbieux au poste de délégué chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire (et en particulier contre le harcèlement)

28 décembre 2015

André Canvel est, depuis septembre 2015, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Il revient pour nous sur les grands enjeux de son poste et le rôle de l’école face au harcèlement.

Successeur d’Eric Debarbieux, vous avez été nommé depuis le 1er septembre 2015 délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Pouvez-vous nous présenter votre mission et les grands enjeux de votre poste ?

Éric Debarbieux a su développer une action de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire. Tout en organisant et en animant des sessions de formation et d’intervention, il a porté, avec son équipe, la campagne nationale contre le harcèlement à l’école, la mise au point des ressources en ligne sur le site internet dédié et le prix national « Mobilisons-nous contre le harcèlement ». Il faut comprendre l’importance de son apport théorique dans la compréhension des phénomènes de violence en milieu scolaire.

A l’heure actuelle, les enjeux sont toujours les mêmes. Je suis chargé par la ministre de poursuivre et d’amplifier cette mobilisation. Notre travail reste donc articulé autour de trois grandes thématiques : le harcèlement en milieu scolaire, la gestion de crise, mais aussi et surtout dorénavant le climat scolaire qui reste la pierre angulaire de notre dispositif de lutte contre les violences en milieu scolaire. C’est ce travail de fond et de longue haleine sur ces trois thématiques qui permettra de changer les pratiques comme les attitudes.

Un enfant sur dix serait victime de harcèlement à l’école. Pour lutter contre ce phénomène, le ministère de l’Education nationale a décidé de mettre en place un plan contre le harcèlement en milieu scolaire. Que prévoit-il ?
Le plan se décline autour de 4 axes : sensibiliser, prévenir, former, prendre en charge.

Sur le domaine de la sensibilisation, une vidéo de sensibilisation destinée aux enfants âgés de 8 à 11 ans a été diffusée récemment. Nous avons également un site internet permettant de retrouver l’ensemble des ressources utiles aux professionnels, afin qu’ils puissent mettre en place des actions préventives contre le harcèlement. La page Facebook Non au harcèlement à l’Ecole permet aussi d’être au plus près des jeunes, de leur famille et des professionnels, autour de cette question.

La journée nationale de mobilisation pour dire « Non au Harcèlement », mise en place à la rentrée 2015, a fortement été relayée auprès des académies, qui ont conduit de nombreuses actions de sensibilisation au "Non au harcèlement"

Le prix « Non au harcèlement » en est à sa troisième édition. Il a pour objectif de donner la parole aux jeunes pour qu’ils s’expriment collectivement sur le harcèlement à travers la création d’une affiche ou d’une vidéo. Ce prix s’articule avec la mise en place de plans de prévention dans les écoles et établissements. Nous avons aussi une réserve citoyenne qui peut contribuer dans les établissements scolaires à s’engager contre le harcèlement. Les ambassadeurs lycéens contre le harcèlement, dispositif généralisé à la rentrée, permettent aussi de démultiplier les actions de sensibilisation auprès de leurs pairs.

Sur le plan de la prévention, le prix « Non au harcèlement » ne constitue pas la seule ressource : le site du même nom propose des ressources utiles pour mettre en place des actions contre le harcèlement et notamment un plan de prévention type.
Sur le plan de la formation, nous avons développé des parcours de formations en ligne 1er et 2nd degrés dédiés aux enseignants et un renforcement de la formation des personnels via la formation de formateurs. Les formations se démultiplient en académie, sur l’impulsion des référent(e)s harcèlement notamment et de la mission ministérielle.

Pour la prise en charge, le ministère a mis en place d’autres dispositifs comme le numéro vert national 3020 et le réseau de référents « harcèlement » en académies pour accompagner les familles et les établissements dans la résolution des situations. Des protocoles de prise en charge des situations ont également été rénovés, ils sont en ligne sur le site dédié.
Une fois de plus c’est la coordination de l’ensemble de ces actions qui fait la cohérence de notre action publique en faveur d’un meilleur climat scolaire dans les établissements. C’est aussi la pérennité dans le temps de ces actions qui pourront garantir un changement dans les comportements et les attitudes dans le quotidien des établissements scolaires.

Dans l’objectif d’avoir un climat scolaire serein et apaisé, que souhaitez-vous instaurer dans les établissements pour lutter contre les différentes formes de violences ?

Par la formation, nous souhaitons sensibiliser le plus grand nombre de personnels de l’Education nationale. Nous avons aussi retravaillé tout le répertoire des punitions et des sanctions. Ceci doit permettre à la fois d’être dans une forme de justice scolaire plus réparatrice et de reconnaissance des droits. Les sanctions doivent être ajustées le plus finement possible à la nature des agressions subies. Leurs contenus doit être précis et connus de tous.

Le plus important est de toujours donner la possibilité, que ce soit à l’élève auteur de faits de harcèlement ou victime, de pouvoir rencontrer une tierce personne pour en parler. Le silence ne doit pas s’installer. Il faut donner la parole et l’accueillir avec objectivité dans le respect des personnes concernées. C’est le but du numéro vert et le rôle des référent(e)s harcèlement.

Doit-on revoir les sanctions scolaires envers les élèves violents ?
Non, je pense que nous disposons de tout l’arsenal suffisant. Il ne faut pas revoir les sanctions scolaires, il faut juste savoir les utiliser à bon escient.

Le rôle de l’école n’est pas de sanctionner sans cesse. Le rôle de l’école est d’éduquer, de former, de donner une chance à la personne qui s’est trompée de réparer son erreur. Nous sommes dans la réparation, la reconstruction et l’accompagnement.

Nous avons également un réel travail à faire de sensibilisation des parents, qui parfois, considèrent que l’école est injuste, qu’elle ne punit pas suffisamment. Mais l’école n’est pas faite pour punir ! Elle est là pour construire de la confiance entre les générations.

Comment les enseignants et les personnels de l’Education nationale peuvent-ils lutter contre ce fléau ?
Par la formation, bien évidemment. Elle se développe d’ailleurs de plus en plus dans les académies auprès des personnels.
Nous devons également prendre conscience de la nécessité de se sentir responsable de l’autre. Nous devons nous interroger sur ce qu’il fait, comment il se comporte, etc. C’est ce que j’appelle l’attention bienveillante. C’est par exemple, l’assistant(e) d’éducation qui va surveiller la cour de récréation, l’enseignant qui va être devant sa porte au moment des intercours pour contrôler ce qu’il se passe dans les couloirs… Nous devons créer une vision collective de la protection des individus. Nous sommes tous responsable les un.e.s des autres.

Lorsque vous employez les termes « harcèlement en milieu scolaire », parlez-vous uniquement de harcèlement envers les élèves ou cela englobe-t-il également les personnels de l’Education nationale ?
C’est malheureusement un phénomène qui a toujours existé. Personne n’est à l’abri du harcèlement ! Personne ne peut y échapper. C’est la raison pour laquelle la démarche climat scolaire que nous portons comporte un volet « qualité de vie au travail » et lutte contre les risques psycho-sociaux. Les métiers de l’enseignement et de l’éducation sont des métiers qui requièrent des compétences de haut niveau car ce sont des métiers où on est exposé, où l’on doit savoir allier transmission des connaissances et construction de la personne, où on ne choisit pas ses interlocuteurs, où on conjugue sans cesse entre réussite individuelle et ambition collective. Les sources de tension sont inévitables et elles doivent être assumées pour être travaillées.
Avez-vous des conseils à transmettre aux élèves ou aux personnels dans cette situation ?

Parler, parler, parler ! Trouver un interlocuteur, ayez confiance en lui, et racontez-lui votre situation, sans mensonge, sans nier la réalité. Parler est la première solution, c’est le premier pas. Vous savez la parole libère, on se sent plus léger uniquement par le fait d’avoir pris le temps de dire et d’écouter. Vous remarquerez que ce sont aussi les deux conditions d’un apprentissage réussi. L’apprentissage collectif est au cœur de la refondation de l’Ecole.

Fériel Boudjelal

Extrait de vousnousils.fr du 18.12.15 : André Canvel : Personne ne peut échapper au harcèlement

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