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Les nouveaux étudiants, d’hier à aujourd’hui, Dossier de veille de l’IFÉ n°106, décembre 2015 (avec extrait sur l’ouverture sociale et les ZEP)

16 décembre 2015

Les nouveaux étudiants, d’hier à aujourd’hui

Dossier de veille de l’IFÉ :
n°106, décembre 2015

Auteur(s) : Endrizzi Laure et Sibut Florence

Résumé :

Caractériser les étudiants d’aujourd’hui est une entreprise complexe tant leurs profils, leurs expériences et leurs parcours d’études se révèlent diversifiés. L’hétérogénéité de la population, plus ou moins marquée selon les filières, s’est accrue dans la dernière décennie, notamment avec l’arrivée des nouveaux bacheliers professionnels, l’essor des étudiants étrangers et le développement du travail salarié, rendant la socialisation et l’affiliation aux normes d’études plus complexes. Ces populations étudiantes composites, tant dans leurs caractéristiques socio-démographiques que dans leurs projets, se sont définitivement éloignées de la figure idéale du bachelier « à l’heure », ayant intégré une filière choisie. L’entrée dans le supérieur, synonyme de ruptures plus ou moins fortes selon les types d’études, s’accompagne la plupart du temps de l’apprentissage d’un autre rythme et du développement de pratiques d’études plus autonomes.

Dans quelle mesure leurs parcours sont-ils réellement subis ? Les projets formulés en amont sont-ils un gage d’investissement dans les études ? Leurs compétences numériques facilitent-elles cette transition vers du travail autonome ? La qualité d’un cours, selon eux, est-elle liée à une méthode pédagogique plutôt qu’à une autre ?
Ces questionnements, au cœur de ce Dossier de veille, nourrissent une réflexion plus globale sur les expériences d’études, basée sur une exploration de la littérature scientifique récente, essentiellement française. Il s’agit en creux d’examiner les conditions de vie et d’études les plus propices à la réussite étudiante et de mettre au jour les décalages potentiels entre étudiants et enseignants en termes d’attentes et de pratiques.

Ce Dossier est réalisé à l’occasion d’une conférence de consensus organisée conjointement par l’Institut français de l’Éducation (ENS de Lyon) et la Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), à Paris les 16 et 17/12/2015, sur le thème « Réussite et échec dans l’enseignement supérieur ».

Extraits :

[p. 5]
Des étudiants travailleurs aux profils composites

[…]Ces expériences, au final, loin de simplement faciliter l’insertion professionnelle ou de réduire les inégalités économiques, participent à renforcer les inégalités de parcours dans l’enseignement supérieur en les inscrivant dans des trajectoires socialement différenciées (Pinto, 2014).

[p. 8-9]
Des entrées régulées par l’autosélection

L’analyse des vœux d’orientation montre que les bacheliers s’adaptent à la structure hiérarchisée de l’enseignement supérieur : ceux dont les capitaux sociaux et scolaires sont les plus faibles se dirigent vers les filières moins prestigieuses alors que les lycéens les plus privilégiés expriment des ambitions plus élevées. Les filles largement majoritaires dans les filières universitaires de lettres et de sciences
humaines et dans les formations sociales et paramédicales, sont en revanche minoritaires dans les filières sélectives (IUT, CPGE) et en particulier dans les disciplines scientifiques (MENESR, 2015a).
Autrement dit, les choix ne résultent pas d’une démarche rationnelle, combinant à des degrés divers appétences disciplinaires et/ou projets professionnels, mais opèrent « dans les limites d’espaces de
projections possibles » variables selon les lycéens (Bodin & Millet, 2011). Le travail d’Orange sur les STS (2013) ne dit pas autre chose : les bacheliers d’origine populaire se projettent essentiellement voire exclusivement en STS ; l’autocensure intervient donc ici bien en amont du recrutement dans lesdites filières sélectives. Mais l’autosélection intervient dans les deux sens : ceux qui sont issus de milieux favorisés s’interdisent aussi d’aller vers des filières non prestigieuses.

Dans un ouvrage adapté de sa thèse, Pasquali (2014) montre que ce phénomène est bien plus qu’une ambition réprimée à un niveau individuel : elle est clairement le produit des inégalités de classe
et d’un système qui contribue à leur maintien. Il ne suffit pas en effet de placer les bacheliers de ZEP (zones d’éducation prioritaire) dans une classe préparatoire réservée pour qu’ils passent les frontières
sociales. Les trajectoires de ces jeunes « migrants de classe » sont marquées par des tensions fortes entre les différents espaces, et une relation le plus souvent ambiguë à la ZEP, entre volonté de se distinguer et loyauté aux origines. Au delà du cocon de la classe préparatoire, les portes des filières d’élite s’ouvrent à peine et le capital économique pèse également, certains étudiants étant rapidement confrontés à la nécessité de travailler pour assurer leur poursuite d’études, malgré les bourses. Le fait d’achever leurs études dans l’une de ces filières d’élite ne leur assure pas non plus une réussite professionnelle à la hauteur de leurs ambitions : le décalage entre réussite scolaire et réussite professionnelle reste ainsi fréquent (Pasquali, 2014).

Les politiques d’ouverture sociale institutionnalisées au milieu des années 2000, visant à soutenir l’accès de bacheliers issus de milieux défavorisés aux filières d’excellence de l’enseignement supérieur, offrent ainsi des résultats contrastés, comme l’ont bien mis en évidence les travaux de van Zanten (2010). Elles peuvent effectivement permettre d’élever les aspirations de quelques bons élèves qui ont survécu aux différentes étapes de sélection dans le système scolaire, sans toujours bénéficier de l’aide de leurs parents ou de bonnes conditions de travail dans leurs établissements. Mais en l’absence d’une redéfinition de la formation même des élites, la diversification est peu opérante et les élèves bénéficiaires de ces dispositifs, dotés d’un faible capital social, sont très vite en difficulté au vu des exigences des filières sélectives.

[p 14]
Abandons, réorientations et reprises d’étude

[…]Ceux qui présentent le plus de risques en termes de non-réinscription ou de réorientation sont plus souvent issus de milieux populaires ou nés dans des familles de commerçants, d’artisans ou d’agriculteurs, moins bien dotées scolairement. Le type de baccalauréat constitue alors le meilleur
prédicteur, la probabilité de sortir sans diplôme étant en effet nettement plus élevée chez les bacheliers technologiques et surtout chez les bacheliers professionnels (Bodin & Millet, 2011).

Le poids du passé scolaire (et celui de l’origine sociale) diminue au fur et à mesure de l’avancée dans les études […]

[p. 17]
Des formes d’entraide entre pairs

Le rôle de ces interactions est notamment essentiel dans les parcours des « nouveaux étudiants », ceux de la démocratisation universitaire, issus de milieux populaires et qui n’ont pas le capital culturel
ou économique d’autres étudiants. Ces étudiants sont très éloignés de la culture universitaire, et vivent de nombreux décalages par rapport à ce qu’ils imaginaient : amphithéâtres bruyants ; isolement résultant de l’autonomie qui leur est laissée dans l’organisation de leur travail ; difficile rapport à la culture écrite (apprentissage de la prise de notes) ; enseignants peu disponibles ; langage universitaire peu compréhensible (Nicourd, 2011). L’université est loin d’être le lieu de socialisation
attendu. […]

Version intégrale du dossier (40 pages)

Extrait de ife.ens-lyon.fr : Dossier de veille de l’IFÉ, n°106

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