> II- EDUCATION PRIORITAIRE (Politique. d’) : Types de documents et Pilotage > EDUC. PRIOR. TYPES DE DOCUMENTS > Educ. Prior. Positions de l’OZP > Plan de relance des ZEP : dialogue imaginaire entre Gilles de Robien et (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Plan de relance des ZEP : dialogue imaginaire entre Gilles de Robien et un adhérent de l’OZP, par Jean-Paul Tauvel, membre du bureau de l’OZP

15 décembre 2005

Dialogue imaginaire
entre Gilles de Robien et un adhérent de l’OZP

le 14 décembre 2005

NOTE : Même si cet adhérent donne souvent l’impression de parler au nom de l’OZP, ses opinions n’engagent aucunement la responsabilité de l’association.
Quant aux propos prêtés au ministre, ils sont pour l’essentiel repris de ses déclarations récentes.

 

Gilles de Robien :
Comme je l’ai dit dans ma déclaration du 13 décembre à Mantes, regardons les choses en face : trop souvent aujourd’hui, la naissance prend le pas sur le mérite ; trop souvent le lieu où l’on naît détermine le parcours professionnel ! Personne ne peut contempler froidement une telle situation. Continuer sans rien changer, ce serait dire à tous les Français les plus en difficulté : « C’est injuste, mais nous préférons ne rien bouger plutôt que de réviser nos idées, nos habitudes, nos modèles ».

L’adhérent :
Le lieu où l’on naît, où l’on va à l’école et au collège intervient en effet, en plus de la naissance : nous apprécions qu’un ministre l’affirme alors que, depuis 2003, la prise en compte du territoire s’effaçait au profit des individus seulement.

Quant à la révision de nos habitudes et de nos modèles, faisons-la résolument : que les territoires prioritaires le soient réellement, que notre modèle rigidement égalitaire soit oublié, qu’on convienne de la variété des parcours scolaires en recherchant pour chacun le plus haut niveau possible de qualification.

Gilles de Robien  :
Aujourd’hui 15% au moins des élèves de 6ème ne savent pas bien lire ; ils sont 30 à 40% en ZEP ! La méthode globale a été abandonnée en théorie mais dans la pratique, il reste des méthodes « à départ global ».

L’adhérent :
Nous ne discuterons pas de méthodes de lecture, en revanche, nous regrettons que les ZEP aient bon dos dans cette polémique : affirmer que 30 à 40 des élèves de ZEP ne savent pas bien lire n’a pas beaucoup de sens. Rappelons que les ZEP ont, justement, été déterminées par les résultats scolaires constatés : on ne peut donc s’étonner que, justement, les résultats scolaires y soient préoccupants ! Cela dit, il y a un réel problème de niveau scolaire à traiter.

Gilles de Robien :
Eh bien ! justement, parlons des ZEP : à mon avis, aujourd’hui, on donne trop peu, à trop de monde. D’ailleurs, on ne donne pas vraiment à des « personnes », mais à des « zones », qui sont définies de manière trop vague, trop hétérogène, pour des effets qui sont, en conséquence, insuffisants.

L’adhérent :
Les ZEP actuelles sont trop hétérogènes : assurément ! Il y a de tout et il convient de faire le tri, car les zones en grande difficulté ont disparu à cause de l’extension absurde du nombre de ZEP. Cela dit, il ne s’agit pas de « donner » mais que le droit à l’éducation soit appliqué partout dans les mêmes conditions d’efficacité, donc de façon variée selon les zones.

Gilles de Robien :
Je voudrais préciser ma pensée sur le dispositif des ZEP : je pense qu’il a rapidement souffert de quatre défauts majeurs :
 Premier défaut : une extension non pilotée, au gré des pressions locales. Les critères de définition des ZEP sont trop fluctuants d’un endroit à l’autre. Je crois que ce n’est pas conforme à l’égalité des chances que nous voulons promouvoir.
 En conséquence, le dispositif souffre d’un deuxième défaut : le saupoudrage, qui entraîne une baisse de l’efficacité. Aujourd’hui près de 20% des élèves sont en ZEP !
 Troisième défaut : L’éducation prioritaire souffre d’un manque de dynamisme et d’évaluation à court terme, qui peut parfois susciter un certain désespoir ;
 Enfin, dernier défaut : tel qu’il est, le dispositif engendre un sentiment de « relégation » ; cela vient de ce qu’être « classé ZEP » revenait jusqu’ici à reconnaître un échec, plutôt qu’à fixer une ambition. Cela doit changer !

L’adhérent :
Voilà une analyse, qui, grosso modo, nous convient. Notons que l’effet de « relégation » se pose surtout pour les ZEP qui n’auraient pas dû, en fonction de leurs résultats scolaires et de leur situation sociale, intégrer le dispositif prioritaire en 1999.

Gilles de Robien :
Pour pallier ces défauts, et redonner un élan à l’éducation prioritaire, j’ai donc décidé de repenser complètement le système. Nous allons le rendre plus ciblé, plus énergique, plus efficace - avec un seul objectif : la réussite des élèves.

L’adhérent :
Nous retrouvons le langage de la première relance, en 1990. Souligner cela ne doit pas être mal compris : à cette époque comme aujourd’hui, il est de la responsabilité du ministre de l’Education nationale d’agir car l’éducation prioritaire est dans une situation d’abandon. Elle ne peut vivre sans énergie à tous les niveaux, notamment à celui du gouvernement : le fatalisme devant les difficultés regagne régulièrement du terrain : il faut que chacun prenne régulièrement ses responsabilités.

Gilles de Robien :
Justement, la refonte que j’envisage passe par une nouvelle logique et par
une action très énergique sur les collèges les plus en difficulté.
Voyons d’abord la nouvelle logique : elle consiste à ne pas découper des zones, mais à définir des publics, selon des critères homogènes et plus précis. Il s’agit avant tout de s’intéresser aux personnes, et d’agir sur tous les leviers disponibles pour améliorer leur situation.

L’adhérent :
Sur cette question, l’OZP n’appréciera pas si vous suivez le « modèle Borloo » : il est certain que toute politique éducative aboutit, in fine, aux élèves, aux individus. Mais ne considérer que les individus c’est oublier la dimension sociale du groupe de pairs et de l’environnement mise en valeur de façon éclatante par le recherche pédagogique depuis une dizaine d’années (et de façon empirique depuis des siècles). S’appuyer sur tous les leviers possibles c’est s’appuyer aussi sur l’action éducative entreprise dans le territoire. Les « quartiers » ont rappelé leur existence de façon dramatique, il y a quelques semaines : ne l’oublions pas.

Gilles de Robien :
Cela implique un nouveau pilotage, mais aussi une action selon trois axes : la réduction des inégalités culturelles, les relations avec les familles et la formation et la carrière des professeurs.

L’adhérent :
Enfin ! Vous parlez du pilotage ! Il est vrai que dès l’été 2005, vous aviez annoncé votre préoccupation à propos des ZEP. Mais en parlant du pilotage on commence à aborder les vraies questions. Et les familles ! En ces temps où un autre ministre ne parle que répression, voilà un sujet intéressant.

Gilles de Robien :
D’abord, je voudrais vous préciser ma pensée sur le resserrement du dispositif : quatre critères nationaux seront retenus pour déterminer la liste de ces établissements, qui constitueront le « niveau 1 » de l’éducation prioritaire :
 La situation sociale des familles (plus de deux tiers de catégories socio-professionnelles défavorisées),
 la part d’élèves ayant un retard supérieur à deux ans à l’entrée au collège,
 l’évaluation des résultats à l’entrée en 6ème,
 le nombre d’élèves non francophones.

L’adhérent :
L’objectif de resserrement est nécessaire. Mais ces critères posent problèmes : pour l’OZP, le choix des zones que vous appelez « de niveau 1 » ne peut pas se faire que par analyse statistique : celle-ci est la base mais elle doit se compléter par les observations de l’Observatoire national des Zones urbaines sensibles (ONZUS) dont les travaux, depuis 2003, ont permis d’avoir une photographie complète et solide des caractéristiques sociales des quartiers ou villes concernés ; elle doit aussi se compléter par une observation au niveau départemental des autorités académiques et des responsables de ZEP et REP.
Car laisser aux seuls statisticiens la charge d’un tel choix, c’est ignorer la réalité fine qui veut qu’à composition sociale comparable et résultats scolaires semblables, ici ce sera vivable et là pas du tout. Certes, les dotations de l’Etat pourront être égales dans les deux cas, mais le travail à faire sera ici de tout repenser et là de conforter, de soutenir, de permettre la poursuite des réussites.
Ajoutons que la prise en compte des élèves non francophones, qu’il serait plus astucieux d’appeler « bilingues » comme on le fait ailleurs en Europe, est fort dangereuse : la relance de 1990 avait, avec raison, évité d’y recourir, au vu des dégâts constatés lors de la mise en place des ZEP en 1982 où ce critère avait été surestimé. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il faille ignorer cette réalité : les dispositifs existants pour les nouveaux arrivants doivent être assurés partout où ils sont nécessaires.

Et pour les autres niveaux, qu’avez-vous prévu ?

Gilles de Robien :
Pour les autres, je souhaite retenir les deux niveaux qui me sont proposés par les Inspections générales : un niveau 2, qui comprendra les zones urbaines moins sensibles, bénéficiant d’une plus grande mixité sociale (ces établissements continueront de recevoir les moyens actuels) et un niveau 3, qui regroupera les établissements appelés à sortir en trois ans du dispositif de l’éducation prioritaire.

L’adhérent :
Vous rejoignez donc les positions de l’OZP, nous nous en félicitons. Il vous faudra toutefois indiquer l’ordre de grandeur et la méthode de détermination du « niveau 3 ». Envisager un départ progressif en 3 ans est une sage mesure. Mais surtout, il faudra redynamiser le « niveau 2 » qui, comme l’ensemble de l’éducation prioritaire, est laissé pour compte depuis plus de 5 ans.

Gilles de Robien :
Pour l’ensemble, je nommerai un délégué ministériel à l’enseignement prioritaire, aux côtés du directeur de l’enseignement scolaire.

L’adhérent :
Fort bien : l’OZP est convaincu que l’éducation prioritaire doit à la fois être pilotée au niveau national (et le dit depuis 1990) et que chaque zone doit obtenir plus d’autonomie.

Gilles de Robien :
Je reviendrai sur l’autonomie, mais je voudrais vous parler des bourses au mérite : un plus grand nombre d’élèves recevront une bourse au mérite : leur nombre passera de 28 000 à 100 000 en 2006, et pour faire découvrir les filières d’excellence aux élèves motivés, 100 000 étudiants des grandes écoles et des universités s’engageront dans l’accompagnement de 100 000 élèves de collège ou de lycée de l’éducation prioritaire

L’adhérent :
Ces nombres ont déjà été annoncés par le Premier ministre le 1er décembre dernier : nous avons approuvé ce qui était prévu pour les bourses ; pour les 100 000 étudiants, nous restons dubitatifs sur la réalisation. Certes, l’AFEV, par exemple, assure une liaison entre ZEP et universités, mais le nombre annoncé semble disproportionné. Admettons-en l’augure !

Gilles de Robien :
J’en viens au partenariat avec les familles... Beaucoup de parents hésitent à venir au collège, parce qu’ils ne parlent pas bien le français, parce qu’ils ne s’y sentent pas à l’aise.

L’adhérent :
Cette représentation des parents d’élèves de ZEP nous semble réductrice. Bien entendu, des parents sont conformes à votre description, mais la réalité est bien plus variée et complexe : vos conseillers n’ont pas lu les nombreux travaux sur ce sujet, fruits de la recherche scientifique. Nous ne sommes plus en 1975. Expliquer le règlement intérieur ? Créer des « écoles de parents » ? Ces idées sont bien sommaires parmi les nombreux acquis des ZEP. Mais admettons une volonté de resserrer les liens avec les parents : là, nous sommes d’accord.

Gilles de Robien :
Sur la formation et le métier d’enseignant, je pense que les instituts universitaires de formation des maîtres devront enseigner à tous les futurs professeurs les compétences particulières exigées par l’enseignement dans l’éducation prioritaire.

L’adhérent :
Assurément : et quelles sont ces compétences ?

Gilles de Robien :
Ce sera aux IUFM de le déterminer.

L’adhérent :
Bon. Pour nous, les élèves de ZEP n’étant pas d’une nature particulière, il nous semble que les compétences doivent être communes à tous les enseignants. La différence, pour être capable d’enseigner en ZEP, c’est d’une part d’être convaincu de l’éducabilité de tous les élèves, même ceux qui vivent les situations les plus difficiles de précarité, et, d’autre part, d’être obstiné à exiger le meilleur d’élèves que tout semble prédestiner à de faibles résultats. On peut aussi ajouter la capacité à travailler en équipe, mais cela est valable dans tous les milieux sociaux.

Mais encore faut-il que des équipes puissent se constituer dans les ZEP où la fluidité est souvent trop grande !

Gilles de Robien :
Je les stabiliserai par des dispositifs encourageant les enseignants à y rester au moins cinq ans.

L’adhérent :
Lesquelles ?

Gilles de Robien :
Laissez-moi donc de quoi discuter avec les syndicats ! J’en viens au fer de lance de notre action : j’ai décidé de choisir 200 à 250 collèges dénommés « Ambition réussite »

L’adhérent :
Belle formule, bel objectif. Mais 200 à 250 collèges, c’est beaucoup : il y a grand risque d’un côté à étendre cette disposition spéciale à des ZEP fonctionnant déjà relativement bien, et, d’un autre côté, à abandonner toutes les autres alors qu’une partie d’entre elles ont besoin de soutien. Ajoutons qu’une ZEP ce n’est pas un collège mais un territoire où se trouvent aussi des écoles maternelles et élémentaires, ainsi que, parfois, un lycée, tout cela en lien avec des partenaires. Nous entendons donc par « collège » un territoire interdegrés et partenarial.

Gilles de Robien :
Pour ces quinze mesures, je fais des propositions qui seront soumises à la concertation avec les organisations syndicales, les parents et les collectivités.

L’adhérent :
Très bien.

Gilles de Robien :
Ces collèges pourront former avec les écoles de leur secteur (environ 1 000) des Réseaux de réussite.

L’adhérent :
Il s’agit donc bien d’interdegrés : parfait. Former des réseaux de réussite est l’objectif qui avait été défini en 1998 mais qui n’a pas eu, sauf exception, d’application. Espérons que cette fois-ci, il y aura véritablement un fonctionnement en réseau, ce qui est long et compliqué mais tout à fait efficace quand on y parvient. Pour cela, le rôle du « trio » (responsable, co-responsable et coordonnateur) est primordial. Associé à ce trio, un agent comptable unique, tant pour le premier que pour le second degré, serait extrêmement utile pour gérer les fonds du réseau arrivant de diverses sources.

Gilles de Robien :
Je veux éviter le redoublement et inventer de nouvelles solutions pour empêcher le découragement des élèves, par exemple en dédoublant, dans le second degré, certains cours.

L’adhérent :
Voilà d’excellents objectifs : redoublements et découragements sont en effet catastrophiques, on le sait de façon certaine. Mais pour qu’il n’y ait plus de « passages à l’ancienneté » aussi mauvais que les redoublements et pour qu’il y ait des dédoublements, il faut des postes, il n’y a pas d’alternative. Il faut aussi faire vivre des pratiques pédagogiques telles que les cycles dans les écoles ou les travaux personnels encadrés au lycée...

Gilles de Robien :
Je propose de permettre aux meilleurs élèves de ces collèges de déroger à la carte scolaire du lycée, dès 2006, et qu’ils puissent être inscrits dans un lycée extérieur.

L’adhérent :
Attention ! Les lycées qui, par le fonctionnement ordinaire de la carte scolaire, recrutent ces « meilleurs » élèves de collèges ZEP sont-ils dans la capacité de s’en priver ? Dans l’affirmative, pas de problème, mais il faut voir chaque cas. Il est probable que de nombreux lycées ont besoin de ces élèves-là et ceux-ci ne s’y trouvent pas forcément mal. Cet appel général à la dérogation semble dangereux en l’absence d’étude fine de chaque collège concerné. Ajoutons que pour certains de ces « meilleurs » élèves de collège l’arrivée dans un lycée très différent socialement peut être source de difficultés. Il faut voir au cas par cas.

Gilles de Robien :
Il faut ouvrir plus tôt l’horizon des élèves en difficulté en avançant en classe de 4ème l’option de trois heures de découverte professionnelle.

L’adhérent :
Sur cette question, l’OZP est clair : non à l’apprentissage à 14 ans, mais oui à la rénovation du collège unique afin que tous les élèves y trouvent ce qui leur convient et qui les porte tous (100 %), au moins au niveau CAP-BEP. Cette mesure est-elle un moyen d’introduire l’apprentissage à 14 ans sous couvert d’une « ouverture d’horizon ». Il est vrai que la formule n’est pas précise et qu’on peut ici faire un procès d’intention, mais l’OZP reste très vigilant à ce sujet.

Gilles de Robien :
Dans les écoles du réseau de réussite, il faut soutenir les élèves qui ne peuvent pas être aidés après la classe en organisant des études accompagnées obligatoires, quatre soirs par semaines du CE2 au CM2,

L’adhérent :
Rien de nouveau, sauf le caractère obligatoire de ces études. L’idée est intéressante, mais il faudra demander au Conseil d’Etat dans quelle mesure les heures de classe peuvent être obligatoirement plus importantes dans ces réseaux, par rapport au reste du territoire français.
D’accord pour offrir un nouveau service mais de quel droit impose-t-on une obligation nouvelle à ces familles ? Il faudra surtout voir qui assurera ces heures : l’évidence porte à penser que ce seront les professeurs des écoles, mais la charge de travail ne peut augmenter sans limites, d’autant plus que les enseignants de ZEP ont besoin d’heures de concertation et ont un travail plus fatigant que dans des zones favorisées. Les assistants pédagogiques auront-ils un rôle dans ce domaine ?

Gilles de Robien :
Je vous répondrai plus tard à ce sujet. Revenons sur les collèges étiquetés « Ambition réussite » : ils seront plus autonomes et évalués avec attention. Les inspections académiques établiront des contrats de 5 ans sur le projet pédagogique : une grande latitude sera assurée pour l’expérimentation et l’évaluation annuelle.

L’adhérent :
Et le pilotage ? Probablement est-il inclus dans la contractualisation et l’évaluation, cependant, il n’est pas indiqué explicitement. Les ZEP sont laissées à l’abandon depuis de nombreuses années et, sauf en quelques endroits, les recteurs et les IA n’y portent guère attention. Espérons que l’hiver 2005-2006 verra enfin le système éducatif s’y intéresser à nouveau, et pas seulement pour les ZEP qui deviendront « réseaux de réussite ».

Quant aux contrats, l’expérience de 1999 à 2005 nous a montré l’absence de valeur de ces soi-disant contrats de réussite que les enseignants, qui ont à les mettre en œuvre, ne connaissent même pas (sauf exception, bien entendu). Ces nouveaux contrats seront-ils élaborés par ceux qui auront à les mettre en œuvre ou bien par quelques personnes en vase clos ? Auront-ils une valeur pour les IA ou les recteurs qui, on l’a vu depuis 1999, les oublient quand ils ont besoin de récupérer des moyens ici ou là ?

Qui sera signataire des contrats ? Le responsable de la ZEP est logiquement le signataire, mais il faut qu’il soit le représentant effectif d’une équipe unie, volontaire, formée et soutenue qui aura élaboré le projet (ou qui y aura adhéré clairement) et qui sera prête à l’appliquer.

Enfin, la durée de 5 ans est un progrès. Pour des territoires en grande difficulté, cette périodicité est bonne, avec des évaluations régulatrices annuelles.

Gilles de Robien :
Un inspecteur général suivra directement les réseaux de réussite : toutes les questions que vous posez seront traitées, en premier lieu, par lui. Venons-en maintenant à l’estime de soi qui me semble essentielle à acquérir chez les élèves de ZEP : il faut donner aux élèves l’estime de soi grâce à une dimension d’excellence des collèges « ambition réussite ». Cela peut être dans le domaine technologique, sportif, linguistique, culturel ou autre.
J’aimerais aussi que ces collèges soient parrainés par des universités, des labos, des
organismes de recherche ou encore des personnalités.

L’adhérent :
Inventées au début des années 90, les zones d’excellence ont déjà été expérimentées depuis 1999 : on en a vu l’intérêt et les limites. L’OZP souhaite que cette politique continue, ce qui semble aujourd’hui le cas. Il faut se souvenir des observations d’applications perverses que l’on a constatées ici ou là (par exemple la création de filières d’excellence bien étanches dans un collège dont les autres classes sont délaissées). Il faut tenir compte de l’expérience acquise.

Gilles de Robien :
Je serai généreux : 1 000 enseignants expérimentés en plus dès la rentrée 2006 et 3 000 assistants pédagogiques pour le soutien scolaire. J’y ajoute au moins une infirmière scolaire par collège et la priorité pour créer un dispositif « relais ».

L’adhérent :
On parle des assistants pédagogiques depuis des mois : cette insistance est un peu pénible, nous préférerions qu’il s’agisse d’une annonce suivant une mise en place effective.

En revanche, les 1 000 enseignants « expérimentés » qui vont rejoindre les collèges « ambition réussite » ou les écoles des « réseaux de réussite » nous plongent dans l’interrogation : de qui s’agit-il ? Les opérations de « mouvement » des enseignants ont déjà commencé dans le second degré. Elles commenceront prochainement pour le premier degré. Va-t-on attirer des enseignants de plus de 40 ans dans les ZEP avec des sur-salaires ? Une telle opération nous semble hasardeuse. Qui y répondrait ? Peu de gens sans doute. Pour l’OZP, la question de la constitution d’équipes stables tient à l’adhésion à un projet de réussite. L’âge des enseignants se révèle secondaire, dans la mesure où il n’y a pas que des très jeunes. L’expérience montre que les jeunes enseignants, mobilisés sur un projet se montrent efficaces.

L’infirmière scolaire à plein temps est un progrès appréciable. Elle doit aussi s’adresser aux écoles environnantes. Pour elle aussi, le fonctionnement en réseau doit s’appliquer et non le fonctionnement traditionnel par degré d’enseignement.

Enfin, les dispositifs relais sont utiles mais ne représentent qu’une formule particulière qui ne répond pas aux problèmes généraux du « réseau de réussite ».

Gilles de Robien :
Pour les 1 000 enseignants, je précise qu’ils seront recrutés sur des « postes à profil ». Ils auront pour tâche d’accompagner les élèves dans le cadre des programmes personnalisés de réussite éducative et de participer à la formation des jeunes enseignants.

L’adhérent :
Décider que ces postes seront à profil est courageux. L’OZP est d’accord : il faudra donc adopter le projet du « réseau de réussite » pour postuler à un poste dans ce réseau. Fort bien. Mais comment seront établis ces projets ? Par qui ? La constitution d’équipes autour d’un projet est une opération importante mais délicate : beaucoup de l’avenir de ces réseaux se jouera à ce moment.

Gilles de Robien :
Il y a aussi les 3 000 assistants pédagogiques qui seront recrutés pour assurer de l’aide aux devoirs et faire du soutien scolaire. Ce sont des étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement. Voilà la réponse à la question posée que vous posiez avant sur les études surveillées.
Abordons un autre problème : le « fossé numérique » entre les élèves. Le ministère lancera avec la Caisse des dépôts et consignations un appel à projet en direction des collectivités territoriales pour permettre à chaque élève de bénéficier d’un ordinateur et de contenus pédagogiques numérisés.

L’adhérent :
Très bien. Nous avons observé dans ce domaine des avancées, bien timides quantitativement il faut le dire, depuis 2002, dans ce domaine. Ce qui nous inquiète, c’est le lien avec des réseaux commerciaux, des sponsorings qui n’apparaissent aucunement désintéressés. Aujourd’hui, à s’en tenir à vos déclarations, il s’agit d’une action conjointe entre l’Education nationale et la Caisse des Dépôts, comme nous l’avons déjà connue en 1991. Si c’est cela, nous l’approuverons car nous devons travailler dans ce domaine de façon résolue.

Gilles de Robien :
Que pensez-vous, d’une manière générale, de ces mesures ?

L’adhérent :
L’évolution envisagée est positive, mais de nombreuses questions se posent. Certes, avant d’entamer les négociations que vous annoncez, vous ne pouvez donner tous les détails, mais nous nous interrogeons dans différents domaines.
Ainsi, votre volonté déclarée d’identifier des établissements et non des zones nous semble à la fois non justifiée et erronée. Il faudra donc voir ce qui changera réellement à partir d’une telle déclaration d’ordre général.
Vous voulez engager un nouveau souffle, positif, dynamique, exigeant, rigoureux, et un véritable sentiment de fierté pour les ZEP : parfaite déclaration d’intention. Vous ajoutez que les objectifs et les résultats ne doivent pas être une variable d’ajustement dans notre système ! Alors là, nous approuvons sans réserve car l’expérience des dernières années a montré des pratiques exactement inverses de la part des recteurs des inspecteurs d’académie !
Nous souhaitons que l’éducation prioritaire, quels que soient les termes anciens ou nouveaux, soit profitable aux élèves des zones les plus en difficulté : ces mesures répondront-elles à notre préoccupation ? Nous l’espérons mais n’en n’avons pas encore la certitude.

Répondre à cet article

3 Messages de forum

  • Cher collègue,

    Permets-moi de te tutoyer : tu dois être, comme moi, un prof de ZEP adhérent de l’OZP.
    Je trouve que tu es honnête et cohérent mais naïf.

    Tout ce que tu dis me convient parfaitement, de même que les termes du communiqué de l’OZP. Je pense même qu’il a fallu du courage et de la cohérence à l’OZP pour dire publiquement que le ministre avait eu du courage et montré de la cohérence.

    Alors, pourquoi ai-je parlé de naïveté ?

    Parce que tu sembles oublier que ce ministre (homme estimable, certainement) appartient à un gouvernement réactionnaire qui conçoit les relations avec les parents de ZEP de la manière la plus brutale, qui organise la régression de l’obligation scolaire (ce qui n’avait jamais été imaginé depuis 125 ans) par la création d’une voie officielle de relégation à 14 ans, qui a supprimé des milliers de postes d’enseignants, d’aides-éducateurs, de personnels administratifs, etc. qui, par la bouche son seul Ministre d’Etat, injurie les jeunes de ZEP, qui est incapable de faire significativement baisser le chômage, qui multiplie les "boucliers" fiscaux pour éviter aux riches de payer (mais aussi, on n’en parle pas, aux entreprises via la taxe professionnelle)...

    Tu vas me dire, cher collègue, que je tiens des propos politiciens de tribune, ou des phrases de bistro... ça en a tout l’air, il est vrai. Mais reste qu’un ministre peut faire toutes les annonces qu’il veut, il lui faut ensuite appliquer ses décisions. Or quelle majorité politique va le soutenir dans ce sens ? Aucune ! L’UMP n’a rien à faire des ZEP et son électorat s’en débarrasserait volontiers (voir Sarkozy), tout en versant des larmes de crocodile sur les pauvres.

    Je pense donc que l’appui que tu apportes aux déclarations de Gilles de Robien est à mettre au crédit de ta cohérence, à celui de la fidélité à tes idées, à l’honnêteté devant un ministre qui reprend un certain nombre des propositions de l’OZP... mais que tu restes bien naïf devant la politique actuelle du gouvernement.

    Nous verrons, en septembre prochain, si effectivement les mesures annoncées deviennent des réalités et, dans 5 ans, si elles ont produit des effets.

    En 2011, tu m’écriras peut-être (je l’espère) que le "naïf" était en fait le "clairvoyant" et qu’envers et contre tous, le ministre de l’Education nationale de l’époque était bien parvenu à relancer les ZEP au profit des élèves qui avaient le plus besoin d’un service public d’éducation performant.

    Répondre à ce message

    • votre dialogue (réel) complète bien celui (imaginaire) avec le ministre.

      je pense que "FC" a oublié ce qu’était une association : elle peut faire une analyse politique de la situation mais ne doit pas en dépendre. Elle ne peut que prendre pour argent comptant les déclarations d’un ministre.

      Qu’aurait dit "FC" si le ministre, présentant les mêmes mesures, ce qui est imaginable, avait été membre d’un gouvernement de gauche ? Aurait-il dit que, ipso facto, le ministre était crédible ? Alors qu’il dit que de Robien ne l’est pas "par appartenance à un gouvernement de droite" ?

      Une association comme l’OZP doit rester objective et ne pas refuser une parole, sauf si elle émane d’un menteur, or celui qui a parlé ne nous a pas menti (encore ? on verra bien).

      Répondre à ce message