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Des enseignants de REP+ commentent les mesures de Robien à Gennevilliers, à Angers et dans l’Yonne

15 décembre 2005

20 % des élèves habitant l’Yonne sont en ZEP

Extrait de « L’Yonne républicaine » du 15.12.05 : Un élève icaunais sur cinq scolarisé en Zone d’éducation prioritaire : nouvelles mesures pour les ZEP

Sarkozy voulait supprimer les ZEP. Villepin et Robien viennent de décider de donner plus à 250 collèges et moins à 150 autres.

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On connaissait la méthode qui consiste à agiter des pistes de réforme pour faire réagir l’opinion et à rectifier le tir en fonction de cette réaction... Depuis quelque temps, le gouvernement innove en disant un jour blanc par la voix d’un de ses ministres et noir le lendemain par la bouche d’un autre.

À l’aise dans l’exercice, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy et le premier ministre Dominique de Villepin viennent de s’illustrer autour des « zones d’éducation prioritaires ». Des ZEP qui à défaut d’offrir un véritable enseignement à la carte aux élèves en difficultés, disposent d’un plus fort taux d’encadrement.

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Dans une ZEP d’Angers

Extrait du site « maville.com », le 15.12.05 : D’accord pour les 1 000 profs, prudence pour le reste

Classé en Zep, le collège [ECLAIR] Jean-Lurçat accueille 381 élèves pour 18 classes. Les mesures préconisées par Gilles de Robien y sont commentées à chaud par un enseignant et un assistant social, dans l’attente des négociations promises.

Accolé à un lycée, entouré d’immeubles, le collège Jean-Lurçat est classé en zone d’éducation prioritaire depuis sept ans. Ici, 69 % des élèves sont boursiers, 55 % issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées, 36 % de familles monoparentales.

Cet établissement ne sait pas encore s’il fera partie des 200 à 250 collèges labellisés « Ambition réussite ». « Quels critères vont être retenus ? Quelles priorités ? », s’interroge Samuel Delépine, assistant social syndiqué. Il regrette que le ministre n’ait pas prévu de recrutements supplémentaires dans son corps de métier, mais se félicite de la création de postes annoncée. « 1 000 enseignants supplémentaires, déchargés de classe, c’est une excellente idée. Mais est-ce leur rôle de soutenir leurs pairs ? 3 000 assistants pédagogiques, d’accord, mais à condition qu’ils bénéficient d’un vrai contrat, d’une formation et d’un poste clairement défini. »

Appauvrir les lycées de banlieue

Jean-Philippe Vérité, enseignant en sciences physiques et découverte professionnelle, acquiesce. « Ici, les assistants pédagogiques font un boulot remarquable. Mais ils prennent en charge les enfants les plus en difficulté, là où des professionnels qualifiés devraient le faire. » Il porte également un regard critique sur l’aide aux devoirs quatre soirs par semaine. « On ne peut pas non plus décharger totalement les familles de leurs responsabilités. »

La dérogation à la carte scolaire, pour ceux qui décrochent le brevet avec mention bien ? « Le risque est d’appauvrir les lycées périphériques, alors que ce qui peut sauver les élèves, c’est l’hétérogénéité maximale, sur le plan social, culturel... » Jean-Philippe Vérité propose donc une refonte de la carte scolaire « pour mélanger au maximum les populations ».

Le professeur passe beaucoup de temps à accompagner les collégiens, rencontrer les familles, peaufiner les préparations de cours : « Quand on entre en classe, on doit titiller les élèves jusqu’à ce qu’ils s’intéressent. Il faut aussi prévoir des travaux différents pour s’adapter à tous les niveaux. » Jean-Philippe Vérité travaille « plus de 50 heures par semaine. La fatigue s’instaure, les équipes s’usent : l’an passé, 7 ou 8 collègues parmi les plus impliqués sont partis ».

Ahmed El Bahri, le principal du collège, sait que la clé de voûte de son établissement repose sur « ces personnels qui s’efforcent de dépasser toutes les difficultés rencontrées pour essayer, coûte que coûte, de participer à la réussite des élèves ». Il concède : « Travailler ici, c’est un autre métier. »

Laurent Beauvallet

« Ouest-France » du mercredi 14 décembre 2005

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Dans la ZEP du Luth à Gennevilliers (92)

Extrait du « Nouvel Obs » du 15.12.05 : ZEP, comme zone d’efforts partagés

Gennevilliers, terminus nord de la ligne 13 du métro parisien. Jeunesse, pauvreté, métissage. Toute la ville est classée en ZEP. « On ose s’interroger sur l’utilité de ce dispositif ? s’insurge Jean-Luc Faïssé, directeur de l’école des Grésillons. Mais il nous a changé la vie ! Dès 1981, les effectifs sont tombés de 26 à 18 par classe, nous avons eu droit à des maîtres de soutien pour les élèves en difficulté... » Aujourd’hui, ils sont remontés à 21 élèves. Mais le label a fini par être synonyme d’une autre façon de travailler. « Chez nous, les instituteurs enseignent par militantisme », poursuit le directeur. Aux évaluations de CE2, l’école atteint pratiquement la moyenne nationale. Toutefois, ces bons résultats n’ont pas suffi à faire oublier l’effet repoussoir de l’étiquette « éducation prioritaire ». Et à l’entrée en sixième, près d’un élève sur cinq file vers les collèges... privés.

ZEP, comme zone d’efforts partagés ? Jacques Bourgoin, maire communiste de Gennevilliers, a conscience que le classement en ZEP a surtout permis de soigner « les conséquences de la dégradation des quartiers, et non la cause ». Alors, lui s’emploie à améliorer le cadre de vie. Plus au nord, par exemple, dans la cité du Luth, les barres ont été cassées, des centaines de logements détruits pour percer une rue qui rompt l’isolement du quartier. De 11 000 habitants, la population est tombée à 7 000.

Le collège Guy-Môquet, au Luth, y a gagné en sérénité. Pour Luigi di Pietro, le principal, le label ZEP est un précieux argument de négociation. « Nous avons fait valoir au conseil général que le collège était la seule manifestation de la puissance publique au Luth », raconte-t-il. Résultat ? Le département a ripoliné son établissement cet été, en vert et bleu, avec des patios intérieurs plantés de bouleaux et un centre de documentation à faire pâlir d’envie un agrégé... « Nous capitalisons de multiples aides. Mais l’essentiel est de redonner aux élèves la fierté d’eux-mêmes, sans laquelle ils ne sont pas disponibles pour mener à bien leur scolarité », poursuit le principal. Classes dédoublées, soutien individuel, ateliers manuels, accueil des familles, voyages scolaires à l’autre bout du monde... Une stratégie payante : 55% des élèves passent en seconde générale, trois petits points seulement en dessous de la moyenne académique. « On ne cherche plus à fuir le collège de la cité. » Que lui manque-t-il ? « Plus d’autonomie. Il faudrait conjuguer des directives nationales plus claires et une plus grande confiance en notre expertise. »

Caroline Brizard

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