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Philippe Meirieu dans "Eduquer après les attentats", ESF, août 2016) : Proportionner complétement les dotations selon les difficultés sociales pour sortir des problèmes inhérents au classement ZEP

24 août 2016

" Exiger que la barbarie ne se reproduise plus est l’exigence première de toute éducation". Face à la menace terroriste, à la radicalisation et au repli identitaire, l’Ecole a un rôle à jouer. C’est ce que Philippe Meirieu explique dans cet entretien à l’occasion de la publication de son livre "Eduquer après les attentats" (ESF Sciences humaines). L’Ecole peut-elle devenir un laboratoire social ? Peut-elle participer à la création du commun ? Peut-elle éduquer à la démocratie et maintenir l’autorité du maître ? Philippe Meirieu revient sur les enjeux fondamentaux de l’éducation à cette rentrée pas comme les autres.

[...] Aujourd’hui l’École française souffre d’une triple ségrégation : académique, sociale, ethnique. Peut-on en faire abstraction ?

Certainement non. Cette ségrégation est un des pires contre-témoignages de notre École au regard des valeurs de la République. Mais je serais bien prétentieux si j’avais une solution toute faite pour lutter contre cela. Là encore, je vois des perspectives, mais qui nécessitent une vraie mobilisation des politiques, de l’administration et de tous les acteurs.

La première perspective, fondamentale à mes yeux, est de poursuivre inlassablement la recherche et l’innovation pédagogique pour lutter contre la fabrication des inégalités à laquelle nous assistons aujourd’hui. À vrai dire, sur les processus qui produisent cette inégalité, nous y voyons assez clair ; en revanche, la recherche en éducation a trop négligé, à mon sens, le travail sur les « exceptions notables » – ces élèves qui avaient tout pour échouer et qui, quand même, ont réussi – et sur les pratiques ou les comportements qui permettent de briser les fatalités sociales.

La deuxième perspective que je considère comme essentielle est de recentrer la gestion du système sur ses finalités – et, en premier lieu, l’éradication de ces formes de ségrégation – tout en donnant plus de responsabilités aux écoles et établissements : s’agissant, par exemple, de la mixité sociale, il conviendrait qu’elle soit un des « chapitres obligés » du projet d’école ou d’établissement et que chacun d’entre eux ait l’obligation de la décliner concrètement. Ce renversement des modalités de gestion du système devrait, évidemment, s’accompagner d’une réflexion en profondeur sur toutes les formes d’évaluation et de contrôle : celles-ci restent encore trop infantilisantes ou intimidantes, basées sur des critères souvent technocratiques qui privilégient la conformité à l’inventivité et découragent même, parfois, ceux et celles qui voudraient vraiment s’investir.

Une troisième perspective, plus contraignante, consisterait à prendre des mesures claires, simples et fortes à la fois, dans le sens que la ministre a déjà indiqué : proportionner complètement la dotation de tous les établissements publics et privés sous contrat aux difficultés sociales des élèves et de leurs familles, pour sortir, enfin, des problèmes de « classements » inhérents à la mise en place des ZEP… Reste que j’ai bien conscience à quel point cela renvoie précisément à un projet de société qui requiert une forme de consensus. Consensus que nous n’avons pas aujourd’hui et que l’éducation pourra peut-être, justement, nous permettre de construire. Nous retrouvons là la maxime qui sert de sous-titre aux « Cahiers pédagogiques » : « Changer la société pour changer l’École, changer l’École pour changer la société ». Nous ne sortirons pas de cette dialectique.

Extrait de cafepedagogique.net du 24.08.16 : Philippe Meirieu : Aider nos élèves à se sentir pleinement solidaires des autres humains et pleinement libres

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