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Au sommaire de "Fenêtres sur cours", 12 septembre 2016 : - Investir dans l’école - Questions sur le service civil (témoignage en REP+) - La réforme des programmes en maternelle (témoignage en REP+) - Entretien avec Magyd Cherfi, auteur de "Ma part de Gaulois"

21 septembre 2016

Fenêtres sur Cours n° 427
15 septembre 2016

EXTRAITS

p. 6
Investir dans l’école : le meilleur moyen de lutter contre les inégalités
En cette rentrée, les créations de postes ne seront toujours pas visibles sur le terrain pour les enseignants des classes. Cela prouve que la classe politique ne prend pas la mesure de l’investissement nécessaire et que la France doit investir massivement et
durablement pour permettre à l’école de faire progresser l’ensemble des élèves et réduire le poids des déterminismes sociaux.

L’école en France a une forte tendance à reproduire les inégalités sociales et ses performances globales ne sont pas très bonnes.
Mais comment font les autres pays qui réussissent mieux ? France Stratégie, organisme placé auprès du premier ministre, a publié en mai une note « Quelles priorités éducatives ? ». Elle reprend les données de Regards sur l’Éducation (OCDE 2015) pour comparer 11 pays cibles (Suisse, Belgique, Allemagne, Finlande, Canada...) qui font mieux que la France à la fois sur les résultats moyens PISA 2012 et également en termes d’impact d’inégalités sociales sur les résultats scolaires. Le constat est bien sombre « La France investit moins dans l’éducation que les pays qui font mieux qu’elle sur deux aspects (niveau global et équité sociale), notamment en ce qui concerne la scolarité primaire et pré-primaire ».
Dans le primaire par exemple, ces 11 pays investissent 13 % de plus que la moyenne de l’OCDE tandis que la France investit 15 % de moins. En conséquence,
la taille moyenne des classes en France dépasse toujours largement la moyenne de l’OCDE. On compte un enseignant pour 19 élèves en France contre un pour 12 en Italie ou un pour 15 en Allemagne. Un investissement supplémentaire de 3,5
milliards serait nécessaire pour permettre à la France d’atteindre la moyenne des 11 pays sur le primaire.

Un choix politique
On le voit bien, à puissance économique égale, les choix politiques
ne sont pas les mêmes. Si des créations de postes ont eu lieu depuis 2013, une forte évolution démographique entre 2013 et 2016 et la mise en place de nombreux dispositifs, essentiellement en Éducation prioritaire (maîtres +, scolarisation des moins de 3 ans, remplaçants pour la pondération…) ne permettent toujours pas aux
enseignants de voir du changement sur le terrain.

Sur les 3911 postes créés en cette rentrée, seuls 511 allègeront le ratio professeur/élèves. Au final, le nombre moyen d’élèves en classe depuis 2012 est en augmentation. On est passé de 23,65élèves en élémentaire en 2012 à 23,67 en 2015.
Pire encore, le nombre d’élèves en Éducation prioritaire a augmenté passant de 22,4 à 23. Comment combattre les inégalités quand le taux de scolarisation
des élèves de moins de trois ans a baissé de 23 points depuis la rentrée 2000 ?

Au-delà des effectifs, les pays où les élèves réussissent le mieux sont ceux où les enseignants sont mieux payés et mieux formés.
Virginie Sollunto

 

p. 9-10
Service civique : un engagement à deux visages
Mis en place en 2010 pour permettre aux jeunes de s’engager dans la vie de la nation et offrir aux décrocheurs du système scolaire un tremplin pour une réinsertion
professionnelle, le service civique est victime de son succès.
Mais pour autant le dispositif pose question, certains redoutant qu’il ne serve de substitution à de véritables emplois.
Outil d’insertion sociale et d’accès à la citoyenneté pour les jeunes, ou dispositif
permettant aux associations et collectivités de répondre à des missions de
d’intérêt général sans avoir à en assumer la charge salariale ? Six ans après sa création le service civique (lire ci-contre) est loin de faire l’unanimité. Si initialement, l’ambition affichée était « d’offrir aux jeunes l’opportunité de s’engager, de donner de son temps à la collectivité et aux autres », plusieurs rapports rendus publics en 2011 et 2014 montrent que le dispositif peut aussi avoir des effets pervers.

Pour les premiers intéressés en tout cas, bien souvent le dispositif a fait mouche. Leurs témoignages montrent qu’il répond à une envie de servir le bien commun. « Cette mission de service civique, c’est pour moi une autre manière de construire mon engagement à la Croix Rouge dans la Sarthe où j’étais déjà bénévole. Cela m’a beaucoup apporté au niveau humain », explique Yoan, 24 ans. Le jeune homme titulaire d’un Bac pro en technique du bâtiment, cherche aujourd’hui à
se tourner vers l’enseignement. Contribuer au développement de l’offre éducative de l’ONG l’a aussi conforté dans ses choix.

Autre exemple, celui d’Héléna à Evreux dans l’Eure. « J’avais envie de travailler avec des enfants. J’ai postulé sur une mission de 7 mois de service civique “ contribuer aux
activités éducatives, pédagogiques et citoyennes de l’École ” proposée par le rectorat
de Rouen », confie-t-elle avant d’ajouter, « j’ai l’impression d’être utile et j’ai appris beaucoup de choses. Mon travail à l’école Michelet est très varié. Sorties, aide pendant les ateliers et les évaluations, actions de médiation et de gestion des conflits
pendant les récréations ».
La jeune femme, qui souhaite aujourd’hui devenir AESH, s’enorgueillit d’avoir
pu mettre en place dans l ’école « une activité citoyenne, la “ cour propre ”,
avec les élèves de cycle 3 ».

Ces témoignages ne font pas exception. Selon une étude TNS-Sofres publiée fin janvier, 86 % des jeunes qui ont bénéficié du dispositif l’ont trouvé utile pour leur avenir professionnel. 61 % affirment d’ailleurs que le service civique aide à trouver un travail. Et puis, depuis 2010, année de création du service civique, l’engouement
a été tel que trois demandes sur quatre ne peuvent être satisfaites aujourd’hui.
Le service civique rencontre son public

Mais pour autant, tous les objectifs ne sont pas tenus. Le dispositif a connu une montée en puissance : 6 000 volontaires en 2010, 35 000 en 2014, 53 000 en 2015, 110 000 ont été annoncés cette année, mais les objectifs de mixité sociale
ne sont pas atteints. Selon les chiffres 2015 de l’Agence du service civique, parmi les volontaires, seulement 17 % sont issus des quartiers « politique de la ville » pour un objectif de 25 % et seulement 17,5 % n’ont aucun diplôme contre un objectif cible de 35 % fixé pour 2013. Quant à la proportion d’handicapés parmi les volontaires, elle n’est que de 0,4 % (pour un objectif de 6 %).

Cela n’empêche pas des avis positifs, du côté des organismes et institutions bénéficiant de la présence d’un jeune : « ces services civiques répondent à de vrais besoins mais ne sont pas sur des missions fondamentales de la Croix
Rouge, explique Pierre Catalan, responsable du bénévolat pour l’association. Cependant, s’ils disparaissaient, certaines associations en souffriraient ». « La présence d’Héléna représente un vrai plus surtout quand il y a plusieurs enfants avec des troubles du comportement dans une classe », ajoutent de leur côté les
enseignants de l’école élémentaire Michelet d’Évreux. « La mission d’Héléna est différente de celle d’un AESH. C’est une mission transversale et globale sur la gestion des conflits et la mise en place d’une relation privilégiée avec les parents dans cette école en REP+ », ajoute Marie-Yvonne Bataille, la directrice.

D’évidence, les missions assurées par ces jeunes sont utiles et nécessaires, alors, pourquoi ne pas les recruter ?

Ne pas se substituer à l’emploi
La question n’est pas dénuée de sens. Dès novembre 2011 un rapport parlementaire pointait « les dérives des missions en l’absence de contrôle », regrettant notamment « un glissement vers de la substitution à l’emploi » ou « une tendance à recycler des expériences antérieures ». Trois ans plus tard, la Cour des comptes enfonçait le clou, recommandant une plus grande vigilance dans le choix et la qualité des missions « qui se trouvent pour la plupart dans des secteurs (santé et sport) et dans des catégories de structures (associations et collectivités territoriales) où les risques de substitution à l’emploi sont plus importants que dans d’autres types de secteurs ou de structures ».
Maud Simonet, sociologue et chercheure au CNRS, spécialiste du travail bénévole, a un avis beaucoup plus tranché sur la question. Pour elle, ce dispositif a un objectif dissimulé, celui de « compenser un certain échec des politiques de l’emploi des jeunes en France ».
Ces contrats ne relevant pas du droit du travail, les jeunes ne sont pas tenus de s’actualiser chaque mois auprès de Pôle emploi et disparaissent ainsi des statistiques.

Du chômage.
Même tonalité du côté du collectif Génération précaire dont les membres se sont illustrés ces dernières années en organisant des flashmobs, munis de masques blancs, pour dénoncer l’explosion du nombre de stagiaires. « La montée en puissance
du service civique va accentuer la précarisation des jeunes », prédisent-ils.
Virginie Sollunto

 

p. 19-20
À Mons-en-Baroeul, la maternelle joue la carte des réussites
Comme dans les 14 754 écoles maternelles de France, l’équipe de l’école [REP+] Anne Frank à Mons-en- Baroeul dans le Nord s’est réunie pour la pré-rentrée avec un programme chargé. Il faut organiser les mesures de sécurité et mettre en place les
nouvelles évaluations.
Nous on entre directement dans le vif du sujet ! » Pascale Calcoen, maîtresse de
PS-GS et directrice de l’école Anne Frank à Mons-en-Baroeul (59), en Rep+,
peut s’appuyer sur une équipe stable, de sept enseignantes, titulaires et compléments de poste, pour se plonger illico ce mercredi 31 août dans l’organisation de la rentrée. Organisation pratique avec les listes des classes à vérifier, les emplois du temps des salles partagées, BCD, salle de motricité, la prévision des sorties culturelles. Mais aussi un gros sujet, les mesures de sécurité. « J’aurai beaucoup de questions à poser à la réunion de directeurs », souligne Pascale, « car je ne me vois pas du tout confiner toute la maternelle, allonger les enfants par terre, en silence, en barricadant les issues, même sous forme de jeu ! » Pour l’instant, sont donc perpétuées les mesures de l’année dernière, alertes incendie et danger chimique, fermeture de la grille en dehors des heures d’entrées et de sorties.

Des programmes proches de leurs pratiques
Un autre chantier d’envergure cette année sera la refonte du règlement intérieur de l’école, « pour le mettre en conformité avec la convention des droits de l’enfant ». Il sera tripartite avec les droits et devoirs des élèves, des parents et des professeurs. Enfin, l’équipe poursuit la mise en oeuvre des nouveaux programmes, qui n’ont pas bouleversé les habitudes, « Pour une fois ils sont en cohérence avec ce que l’on fait », se félicitent ainsi Stéphanie Hadiri et Sabine Firringeri, maîtresses des TPS-PS-MS. Elles y retrouvent leur souci d’exigence et de bienveillance, la mise en valeur des
réussites et tout le travail sur le langage oral « avec le quoi de neuf, les présentations, la création de textes en dictée à l’adulte ».
Ce qui a le plus changé concerne « les maths, avec l’insistance sur les premiers nombres », explique Charline Ouattara, en PS-GS, mais la manipulation était déjà là, grâce aux tangrams, géoplans et abaques dans les classes. L’équipe prévoit cette
année de mettre l’accent sur « le spectacle vivant », clairement stipulé dans les textes, l’APC y sera consacrée pour préparer des saynètes de théâtre en petits groupes, à partir des textes d’élèves. La formation à ces nouveaux programmes a été… succincte, avec juste une animation pédagogique.

Élaborer un « album de mes réussites » Les enseignantes ont donc surtout travaillé en interne, en conseils de cycle et lors de deux demi-journées Rep+ sur les neuf réservées à leur réflexion d’école. Au menu : l’élaboration de leur « album de mes réussites à l’école maternelle », qu’elles ont ensuite été invitées à présenter
à la circonscription. « On a pris un peu d’avance ». Elles ont commencé par lister toutes les compétences à travailler par grand champ d’apprentissage, autonomie, langage, découverte du monde… avec des images en noir et blanc. À chaque fois qu’un enfant avait acquis une compétence, lui ou son professeur collait l’image en couleur pardessus.
Ce travail leur a permis de bien s’imprégner des nouveaux textes, se rendre compte de ce qu’elles faisaient moins, en sciences, en mesures. Mais la gestion s’est
avérée harassante, surtout pour les GS puisqu’il fallait rattraper tout ce qui avait été fait auparavant.
Le carnet, présenté en juin, s’est révélé parfois anxiogène, des parents s’inquiétant de ce qui n’avait pas été mis en couleur. Et puis on en revenait presque aux bons points « Des enfants demandaient “Qu’est-ce que je dois faire pour avoir l’étiquette” ? » Résultat, l’équipe s’est remise à la tâche, « mais cette fois-ci pour simplifier, qu’il soit plus parlant ». Toujours par champ d’apprentissage, elles ont ajouté « des
pages vierges, comme cela on colle au fur et à mesure, on voit mieux la progression ».

p.26 Grand Interview 30 ENTRETIEN AVEC Magyd Cherfi, chanteur, écrivain

« L’école, ça peut marcher mais ça ne suffit pas »
Dans votre dernier livre : « Ma part de Gaulois », vous racontez votre adolescence dans un quartier de Toulouse. Pourquoi ce choix ? C’est un moment-clé de ma vie pendant lequel s’affrontaient de façon intense les composantes de ma schizophrénie personnelle : suis-je Français, ne le suis-je pas, vais-je le devenir ? Suis-je Maghrébin, musulman ? Suis-je de gauche ? Pourquoi croire en la gauche et en avoir peur en même temps ? Pourquoi viser le bac, devenu improbable pour l’élève moyen que j’étais, alors qu’il représentait pour ma mère le sens ultime de son existence ?

Comment s’est construite cette « part de Gaulois » ?
Ma mère m’a jeté dans les bras du premier instituteur, du premier curé, du premier médecin, de la première voisine venus, porteurs d’une identité française, qu’elle souhaitait me voir acquérir pour sortir de ma condition. Je passe la majeure partie de mon temps auprès de familles françaises qui me donnent le meilleur d’elles-mêmes, m’expliquent que je suis le meilleur d’entre eux. En même temps, je vis avec des parents qui se considèrent comme des arabes donc bons à rien, dans un quartier où on nous renvoie qu’on est des bicots, des bougnoules, des ignares analphabètes…

Je me construis donc à la fois avec cette aspiration à aller vers un côté plus éclairé qui est celui du savoir et d’autre part, la sensation de devenir un traître auprès des « miens » qui pensent que je les abandonne pour choisir le camp des oppresseurs.

De quelle façon êtes-vous sorti de cette contradiction ?
Je me suis toujours senti plus Français qu’autre chose, jusqu’à ce que je me dise : est-ce que tu ne l’es pas trop devenu ? Notamment quand j’ai pris conscience que la gauche au pouvoir n’apportait pas ce qu’elle avait tant promis. Si la gauche n’est pas prometteuse de fraternité et d’universalité, il n’y a plus rien à attendre de la lumière apportée par la République et les Droits de l’homme. Et donc, il me faut vite redevenir Algérien et peut-être même musulman. Je n’ai pas cédé, mais j’ai été pris de ce doute dans lequel beaucoup sont tombés depuis.

Pourquoi cette difficulté de l’école à aller contre le déterminisme social ?
L’école, ça peut marcher mais ça ne suffit pas. Ce qui m’a tiré, c’est mes parents, mes instits, le curé, l’épicier… Mais l’école vous rend « gaulois » et vous écarte un peu plus de ceux qui ne réussissent pas. Pour eux, elle est trop rigoureuse, pas assez dans la complexité.
L’école réussit à merveille quand il existe une deuxième machine qui roule dans le même sens, sinon elle accorde peu de chances aux plus faibles.

30 ans après, la situation dans les quartiers a-t-elle changé ?
L’échec scolaire massif perdure et génère une désillusion. La crédibilité et la stature qu’avait l’école il y a 30 ans ont disparu. Les parents ne croient plus en la République et développent une forme de suspicion envers l’état de droit. L’école se retrouve seule, ayant perdu les militants qui l’entouraient : éducateurs, curés, accompagnateurs divers… L’idéologique et l’utopique se sont
fanés. Aujourd’hui, on voit des garçons avec des barbes et des gandouras, des filles voilées qui passent le bac, en contradiction avec les valeurs de l’école républicaine.
Trouver un ado qui s’affirme athée dans les quartiers, comme nous l’étions avec mes amis il y a 30 ans, devient impossible. Ces mômes considèrent l’islam radical
comme un outil pour « faire ch... » la République.

Dans ce contexte tendu, comment retrouver foi en l’avenir ?
Ce qui me paraît prioritaire, c’est la façon dont on transmet le récit français. Si vous prenez l’État, la République, la Nation, il n’y a pour le moment aucun symbole auquel les mômes des quartiers puissent se raccrocher. On leur demande de devenir citoyen, d’aimer la France, le drapeau, Marianne… d’emblée, gratuitement, mais ils sont suspects s’ils ne chantent pas la Marseillaise, s’ils arborent un drapeau marocain ou algérien. L’enjeu est de faire en sorte, quand on raconte l’histoire de la République, devenue diverse et cosmopolite, que ces mômes se retrouvent grâce à des symboles qui leur parlent. Nos parents qui sont en France depuis soixante ans n’ont même pas le droit de vote, il aurait fallu leur donner il y a longtemps car ils sont devenus Français. Nos grands-parents qui ont combattu pour la France doivent être ré-illuminés dans des stèles, des récits. Ce ne sont pas tant des lois contre
la discrimination qu’il faut, mais une réelle empathie pour ceux qui sont aussi les fils de la France.

Extrait de snuipp.fr du 12.09.16 : Fenêtres sur cours (26 pages)

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