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La scolarisation des moins de trois ans. Compte rendu par l’OZP de la rencontre du 25 janvier 2017

6 février 2017

Quelle est l’actualité de l’école maternelle ? Qu’induit la formule officielle « obligation d’instruction » ? Quels en sont les enjeux pour les enfants, les familles et la société ? Et au-delà, observer ce que l’obligation d’instruction à 3 ans provoque pour l’institution Éducation nationale. Que va-t-elle mettre en œuvre pour faire réussir cette première scolarisation ? Réflexions, éclairages et pistes apportés par Viviane Bouysse lors de cette 168e rencontre de l’OZP.

L’âge auquel l’instruction devient obligatoire est donc porté à 3 ans. Le terme « obligation d’instruction » peut être perçu comme l’aboutissement d’une évolution longue. Une idée de continuité dont le point de départ date de 89 avec la mise en place des cycles. Cycles qui rattachent complètement l’école maternelle à l’école élémentaire. En 2005, le socle commun de compétences arrime le collège au bloc que forme l’école primaire. La notion de parcours était donc bien présente dès 89. Mais que signifie-t-elle puisque la majorité des enfants de 3 ans sont inscrits à l’école maternelle ? L’obligation d’instruction induit une « scolarité progressive ». On passe ainsi de la « logique concentrique » qui consistait à refaire d’une année sur l’autre ce que certains enfants n’avaient pas fait parce que non présents et puis on apportait de nouvelles notions à la « logique progressive ». Cette logique d’un parcours progressif peut être regardée comme une valorisation de l’école maternelle. Mais est-ce vraiment cela ? C’est le début de quelque chose que nous ne connaissons pas vraiment qui, on peut le supposer, est en train de se préparer mais quoi ? Quelles sont donc les transformations possibles ?

Selon Viviane Bouysse, la question essentielle à se poser est « Comment l’objectif des apprentissages peut-il s’opérationnaliser sans nuire au bien-être de l’enfant ? ». Si le souci des apprentissages est jugé pour certains trop prématuré, la notion de « bien-être » quant à elle, est souvent perçue comme un laisser-faire. Les apprentissages sont une notion qui nécessite d’être réaffirmée et il convient d’envisager le bien-être de l’enfant comme des réponses adaptées à tous ses besoins. Mais quels sont les besoins du tout-petit ? Besoins moteur, social sans aucun doute mais il est un besoin essentiel : celui de la sécurité. Le tout-petit apprend le monde et apprend à connaître les choses par sa motricité, ses déplacements et ses manipulations. Chez tous les enfants, il y a des besoins de connaissances, de savoirs. Les enfants sont curieux. « C’est quoi ? C’est pour quoi ? » sont les deux questions fondamentales de la vie qu’ils posent dès 2 ans et demi. Cette curiosité porte sur le monde qu’ils perçoivent. Chaque enfant la possède. En revanche, il y a une curiosité que certains n’ont pas, c’est la curiosité symbolique et culturelle.

Quels sont les enjeux de cette première scolarisation pour les enfants, les familles et la société ?

• Les enjeux pour les enfants
o L’accrochage culturel et cognitif
Il s’agit de les faire entrer dans un univers culturel et dans des modes de fonctionnement cognitif. Pour certains enfants, le monde culturel, monde des formes et des symboles, de la culture écrite est un environnement familier. Ils vivent dans un univers d’histoires, de fictions et de représentations depuis des années ; pour d’autres, c’est totalement étranger, ils ont donc tout à découvrir. En éducation prioritaire notamment, on se rend compte lorsque l’enseignant (e) raconte une histoire qu’il y a des enfants qui sont complètement dedans et d’autres qui ne peuvent pas y entrer. Accrocher ces enfants ne se joue pas dans le collectif mais dans la relation individuelle. Il faut que tous les enfants baignent dans un monde d’histoires avant d’entrer dans l’alphabet.
L’accrochage cognitif appelé « le travail des fonctions exécutives » par les neurosciences, qu’est-ce que cela représente pour l’école maternelle ? Apprendre progressivement à acquérir une « attention conjointe et disciplinée ». Obtenir une attention conjointe en maternelle, regrouper les enfants sur un même centre d’intérêt c’est souvent compliqué. Contenir l’attention enfantine, travailler sur la concentration, la persévérance, la planification au sens de l’anticipation et ce, de manière progressive doivent se faire dans le respect du bien-être de l’enfant. L’école maternelle c’est également apprendre à se contrôler. Acquérir un contrôle progressif ne parvient à maturité qu’à la fin de la maternelle. Les enfants issus de familles culturellement favorisées ont travaillé cette attitude d’auto-contrôle. Pas les autres. On peut compter sur une école maternelle bienveillante pour qu’il y ait une véritable résilience pour beaucoup d’enfants. L’école maternelle doit donc être le lieu où ils sont bien traités et où on peut les enrichir d’un point de vue culturel et cognitif.

o Le bien-être
Les enfants qui fréquentent les écoles de l’Éducation prioritaire ont peu connu de gardes extérieures à la famille. Ils n’ont donc pas d’expérience de séparation longue. Ceux qui ont connu des modes de gardes extérieures ont construit un sentiment de sécurité. Ils savent que la séparation induit forcément le retour. Pour d’autres, c’est à construire d’où l’importance des premières semaines d’école pour gérer la séparation aussi douloureuse pour le parent que pour l’enfant. Cette transition s’aménage.

D’autres enjeux tout aussi importants :
  un suivi médical rigoureux, un service qui n’est pas rendu à tous les enfants ;
  remobiliser du temps de RASED : observation de certains comportements, ceux qui ne se voient pas forcément mais qui sont en grande détresse ;
  des apprentissages particuliers qui l’école va permettre : un perfectionnement moteur bien pensé, fondamental pour l’autonomie de l’enfant, des apprentissages mathématiques/le monde du vivant et tout ce qui prépare à la lecture, la conscience phonologique.

• Les enjeux pour les familles
L’accrochage au monde de l’école est tout aussi important pour les familles. Pendant longtemps, les parents ont pu entrer dans l’école, voir ce qui se passait, parler avec les enseignants et avec les Atsem sans que soient évoquées les notions de réussite ou d’échec. C’était moins angoissant pour des parents d’entrer dans l’école maternelle. Sans faire jouer aux parents le rôle d’enseignants, on doit pouvoir leur permettre de trouver des réponses aux questions qu’il se pose : comment accompagner mon enfant, comment l’aider à grandir et à apprendre des choses dans la vie de tous les jours ? Il ne faut pas enfermer les parents dans le modèle de l’école mais dans des apprentissages qui soutiennent l’école. Faire comprendre aussi aux parents que ce sont de véritables supporters. Une attitude d’aide, qui encourage, qui valorise, qui soutienne leur enfant. Les parents doivent pouvoir trouver des réponses auprès de personnes ressources dans un espace où ils sont invités régulièrement. Ces personnes ont un autre regard et ont été formées à certaines formes de dialogue et d’échanges avec les familles. Le professionnel de la relation sociale va aborder les choses autrement.

L’école maternelle est une école de la petite enfance et il serait bon qu’elle garde des liens avec toutes les ressources, toutes les instances de la petite enfance. Comment organiser et articuler les temps école/temps libre pour au mieux faire grandir tous les enfants, voilà un enjeu capital.

• Les enjeux pour l’institution scolaire
L’école maternelle n’est plus une variable d’ajustement. En quoi cela l’a-t-il été ?
 Au niveau des effectifs notamment avec l’idée que plus ils sont petits et parce qu’ils ne viennent pas tous les jours à l’école, on peut avoir un nombre conséquent d’enfants dans les classes. Or, la qualité a à voir avec le taux d’encadrement. Travailler le langage avec les enfants suppose des interactions. On parle « avec » et cela suppose des effectifs allégés.
 Au niveau des remplacements : ils n’étaient pas obligatoires. Ils le sont aujourd’hui. L’institution montre ainsi l’importance qu’elle accorde à l’école maternelle.
 La formation initiale et continue des enseignants, des directeurs. La gestion humaine est un véritable travail de direction et la formation est nécessaire. Travailler avec les mairies pour la formation des Atsem (implication, aide à l’analyse, etc.) Cela se développe dans un certain nombre de villes.
Pour l’institution scolaire, qu’en sera-t-il de la révision des programmes ? Pour Viviane Bouysse, la question est la conception du parcours d’apprentissage.
Deux logiques : la logique descendante c’est-à-dire que l’on part de l’exigence qui s’applique à l’enfant de CP et on redescend vers la GS, la MS et la PS et on définit ce qui va faire l’ordinaire de l’enfant. Une autre logique qui était la logique du programme de 2015 qui est de dire « Qu’est-ce que c’est qu’un enfant qui arrive à l’école maternelle ? ». Et comment en prenant en compte ce qu’il est, ce qu’il peut, ce qu’il sait, ce qu’il peut faire, on s’organise pour le rapprocher des objectifs optimaux de la fin de la grande section ? On part des besoins à satisfaire tout en s’interrogeant toujours sur ce qu’est l’importance de l’apprentissage de deux manières différentes.
1. Ce que nous a appris la recherche c’est que l’apprentissage entraîne le développement. C’est parce qu’on sait calibrer l’apprentissage qu’on facilite le développement d’un enfant. Les apprentissages bien pensés ne nuisent pas aux enfants. Cela va être un soutien à leur développement.
2. La seconde est ce que l’on appelle « les prédicteurs de la réussite ». On ne peut pas ignorer que cela va avoir une incidence sur ce qui se fait après. Qu’est-ce que je dois aujourd’hui aux enfants pour que leur lendemain soit meilleur ?
Pour conclure, Viviane Bouysse souligne ce qui n’a peut-être pas été pris en compte dans les programmes de 2015 et écarté de la dernière circulaire : l’objectif langage en permanence.

Quelle est l’actualité de l’école maternelle ? Qu’induit la formule officielle « obligation d’instruction » ? Quels en sont les enjeux pour les enfants, les familles et la société ? Et au-delà, observer ce que l’obligation d’instruction à 3 ans provoque pour l’institution Éducation nationale. Que va-t-elle mettre en œuvre pour faire réussir cette première scolarisation ? Réflexions, éclairages et pistes apportés par Viviane Bouysse lors de cette 168e rencontre de l’OZP.
L’âge auquel l’instruction devient obligatoire est donc porté à 3 ans. Le terme « obligation d’instruction » peut être perçu comme l’aboutissement d’une évolution longue. Une idée de continuité dont le point de départ date de 89 avec la mise en place des cycles. Cycles qui rattachent complètement l’école maternelle à l’école élémentaire. En 2005, le socle commun de compétences arrime le collège au bloc que forme l’école primaire. La notion de parcours était donc bien présente dès 89. Mais que signifie-t-elle puisque la majorité des enfants de 3 ans sont inscrits à l’école maternelle ? L’obligation d’instruction induit une « scolarité progressive ». On passe ainsi de la « logique concentrique » qui consistait à refaire d’une année sur l’autre ce que certains enfants n’avaient pas fait parce que non présents et puis on apportait de nouvelles notions à la « logique progressive ». Cette logique d’un parcours progressif peut être regardée comme une valorisation de l’école maternelle. Mais est-ce vraiment cela ? C’est le début de quelque chose que nous ne connaissons pas vraiment qui, on peut le supposer, est en train de se préparer mais quoi ? Quelles sont donc les transformations possibles ?
Selon Viviane Bouysse, la question essentielle à se poser est « Comment l’objectif des apprentissages peut-il s’opérationnaliser sans nuire au bien-être de l’enfant ? ». Si le souci des apprentissages est jugé pour certains trop prématuré, la notion de « bien-être » quant à elle, est souvent perçue comme un laisser-faire. Les apprentissages sont une notion qui nécessite d’être réaffirmée et il convient d’envisager le bien-être de l’enfant comme des réponses adaptées à tous ses besoins. Mais quels sont les besoins du tout-petit ? Besoins moteur, social sans aucun doute mais il est un besoin essentiel : celui de la sécurité. Le tout-petit apprend le monde et apprend à connaître les choses par sa motricité, ses déplacements et ses manipulations. Chez tous les enfants, il y a des besoins de connaissances, de savoirs. Les enfants sont curieux. « C’est quoi ? C’est pour quoi ? » sont les deux questions fondamentales de la vie qu’ils posent dès 2 ans et demi. Cette curiosité porte sur le monde qu’ils perçoivent. Chaque enfant la possède. En revanche, il y a une curiosité que certains n’ont pas, c’est la curiosité symbolique et culturelle.
Quels sont les enjeux de cette première scolarisation pour les enfants, les familles et la société ?
• Les enjeux pour les enfants
o L’accrochage culturel et cognitif
Il s’agit de les faire entrer dans un univers culturel et dans des modes de fonctionnement cognitif. Pour certains enfants, le monde culturel, monde des formes et des symboles, de la culture écrite est un environnement familier. Ils vivent dans un univers d’histoires, de fictions et de représentations depuis des années ; pour d’autres, c’est totalement étranger, ils ont donc tout à découvrir. En éducation prioritaire notamment, on se rend compte lorsque l’enseignant (e) raconte une histoire qu’il y a des enfants qui sont complètement dedans et d’autres qui ne peuvent pas y entrer. Accrocher ces enfants ne se joue pas dans le collectif mais dans la relation individuelle. Il faut que tous les enfants baignent dans un monde d’histoires avant d’entrer dans l’alphabet.
L’accrochage cognitif appelé « le travail des fonctions exécutives » par les neurosciences, qu’est-ce que cela représente pour l’école maternelle ? Apprendre progressivement à acquérir une « attention conjointe et disciplinée ». Obtenir une attention conjointe en maternelle, regrouper les enfants sur un même centre d’intérêt c’est souvent compliqué. Contenir l’attention enfantine, travailler sur la concentration, la persévérance, la planification au sens de l’anticipation et ce, de manière progressive doivent se faire dans le respect du bien-être de l’enfant. L’école maternelle c’est également apprendre à se contrôler. Acquérir un contrôle progressif ne parvient à maturité qu’à la fin de la maternelle. Les enfants issus de familles culturellement favorisées ont travaillé cette attitude d’auto-contrôle. Pas les autres. On peut compter sur une école maternelle bienveillante pour qu’il y ait une véritable résilience pour beaucoup d’enfants. L’école maternelle doit donc être le lieu où ils sont bien traités et où on peut les enrichir d’un point de vue culturel et cognitif.
o Le bien-être
Les enfants qui fréquentent les écoles de l’Éducation prioritaire ont peu connu de gardes extérieures à la famille. Ils n’ont donc pas d’expérience de séparation longue. Ceux qui ont connu des modes de gardes extérieures ont construit un sentiment de sécurité. Ils savent que la séparation induit forcément le retour. Pour d’autres, c’est à construire d’où l’importance des premières semaines d’école pour gérer la séparation aussi douloureuse pour le parent que pour l’enfant. Cette transition s’aménage.
D’autres enjeux tout aussi importants :
  un suivi médical rigoureux, un service qui n’est pas rendu à tous les enfants ;
  remobiliser du temps de RASED : observation de certains comportements, ceux qui ne se voient pas forcément mais qui sont en grande détresse ;
  des apprentissages particuliers qui l’école va permettre : un perfectionnement moteur bien pensé, fondamental pour l’autonomie de l’enfant, des apprentissages mathématiques/le monde du vivant et tout ce qui prépare à la lecture, la conscience phonologique.

• Les enjeux pour les familles
L’accrochage au monde de l’école est tout aussi important pour les familles. Pendant longtemps, les parents ont pu entrer dans l’école, voir ce qui se passait, parler avec les enseignants et avec les Atsem sans que soient évoquées les notions de réussite ou d’échec. C’était moins angoissant pour des parents d’entrer dans l’école maternelle. Sans faire jouer aux parents le rôle d’enseignants, on doit pouvoir leur permettre de trouver des réponses aux questions qu’il se pose : comment accompagner mon enfant, comment l’aider à grandir et à apprendre des choses dans la vie de tous les jours ? Il ne faut pas enfermer les parents dans le modèle de l’école mais dans des apprentissages qui soutiennent l’école. Faire comprendre aussi aux parents que ce sont de véritables supporters. Une attitude d’aide, qui encourage, qui valorise, qui soutienne leur enfant. Les parents doivent pouvoir trouver des réponses auprès de personnes ressources dans un espace où ils sont invités régulièrement. Ces personnes ont un autre regard et ont été formées à certaines formes de dialogue et d’échanges avec les familles. Le professionnel de la relation sociale va aborder les choses autrement.

L’école maternelle est une école de la petite enfance et il serait bon qu’elle garde des liens avec toutes les ressources, toutes les instances de la petite enfance. Comment organiser et articuler les temps école/temps libre pour au mieux faire grandir tous les enfants, voilà un enjeu capital.

• Les enjeux pour l’institution scolaire
L’école maternelle n’est plus une variable d’ajustement. En quoi cela l’a-t-il été ?
 Au niveau des effectifs notamment avec l’idée que plus ils sont petits et parce qu’ils ne viennent pas tous les jours à l’école, on peut avoir un nombre conséquent d’enfants dans les classes. Or, la qualité a à voir avec le taux d’encadrement. Travailler le langage avec les enfants suppose des interactions. On parle « avec » et cela suppose des effectifs allégés.
 Au niveau des remplacements : ils n’étaient pas obligatoires. Ils le sont aujourd’hui. L’institution montre ainsi l’importance qu’elle accorde à l’école maternelle.
 La formation initiale et continue des enseignants, des directeurs. La gestion humaine est un véritable travail de direction et la formation est nécessaire. Travailler avec les mairies pour la formation des Atsem (implication, aide à l’analyse, etc.) Cela se développe dans un certain nombre de villes.
Pour l’institution scolaire, qu’en sera-t-il de la révision des programmes ? Pour Viviane Bouysse, la question est la conception du parcours d’apprentissage.
Deux logiques : la logique descendante c’est-à-dire que l’on part de l’exigence qui s’applique à l’enfant de CP et on redescend vers la GS, la MS et la PS et on définit ce qui va faire l’ordinaire de l’enfant. Une autre logique qui était la logique du programme de 2015 qui est de dire « Qu’est-ce que c’est qu’un enfant qui arrive à l’école maternelle ? ». Et comment en prenant en compte ce qu’il est, ce qu’il peut, ce qu’il sait, ce qu’il peut faire, on s’organise pour le rapprocher des objectifs optimaux de la fin de la grande section ? On part des besoins à satisfaire tout en s’interrogeant toujours sur ce qu’est l’importance de l’apprentissage de deux manières différentes.
1. Ce que nous a appris la recherche c’est que l’apprentissage entraîne le développement. C’est parce qu’on sait calibrer l’apprentissage qu’on facilite le développement d’un enfant. Les apprentissages bien pensés ne nuisent pas aux enfants. Cela va être un soutien à leur développement.
2. La seconde est ce que l’on appelle « les prédicteurs de la réussite ». On ne peut pas ignorer que cela va avoir une incidence sur ce qui se fait après. Qu’est-ce que je dois aujourd’hui aux enfants pour que leur lendemain soit meilleur ?
Pour conclure, Viviane Bouysse souligne ce qui n’a peut-être pas été pris en compte dans les programmes de 2015 et écarté de la dernière circulaire : l’objectif langage en permanence.

La loi de refondation a pensé la scolarisation des moins de trois ans. À l’heure où des enquêtes sont en cours dans 14 académies pour observer sa mise en œuvre, enquêtes qui seront disponibles à la rentrée prochaine, que peut-on en dire aujourd’hui ? Quels objectifs pédagogiques à atteindre lors d’une scolarisation précoce ? Quel est le sens de cette mesure ? C’est à ces questions que Viviane Bouysse, Inspectrice Générale de l’Éducation Nationale a répondu au cours de cette rencontre de l’OZP.

Au lendemain de l’année scolaire suivant la mise en œuvre de la scolarisation des moins de trois ans, une première enquête comptabilisait de nombreux éléments de satisfaction et constatait que l’approche qualitative souhaitée commençait à se mettre en place. Elle pointait cependant la nécessité d’approfondir le travail pédagogique et notamment de répondre au besoin de formation et d’accompagnement des enseignants. Cette enquête insistait également sur l’importance de travailler avec les familles et les collectivités locales pour « attirer » ces enfants pour lesquels une scolarisation précoce ne pouvait être que bénéfique.

D’hier à aujourd’hui
L’accueil des moins de trois ans n’est pas une nouveauté dans l’histoire de l’école, explique Viviane Bouysse. En effet, l’accueil de très jeunes enfants est mentionné dans un décret datant de 1881. La scolarisation des jeunes enfants est donc quelque chose qui est possible depuis la création de l’école maternelle. Cette scolarisation a eu des hauts et des bas, excepté dans certaines régions comme le Nord de la France où le travail rémunéré des femmes conduisait les parents à confier leurs petits enfants à l’école maternelle.
L’année faste de la scolarisation des tout-petits c’est 1982. La gauche est au pouvoir, des postes d’enseignants du premier degré sont créés et la démographie n’est pas élevée. Ces facteurs contribuent à développer l’accueil de jeunes enfants ; puis on enregistre une baisse sensible et constante jusqu’à la fin des années 2000. Ce sont les petites sections qui seront impactées.
Il faut attendre la loi de refondation et la circulaire de 2012 pour percevoir une politique nouvelle, celle qui pense vraiment la scolarisation de jeunes enfants dans les milieux sociaux défavorisés. Elle précise ainsi que les tout-petits doivent être comptabilisés dans les prévisions d’effectifs d’élèves pour la rentrée et non plus accueillis en fonction de places disponibles comme cela était le cas. Appuyée sur les nombreux travaux existants, l’hypothèse sous-jacente est que, dans les milieux défavorisés, les enfants cumulent un certain nombre de désavantages. Par exemple, ne pas bénéficier d’interactions en langue française ; ce peut être également vivre dans une famille où les parents ont eu une scolarisation ratée, écourtée ou inexistante ; ce peut être également vivre dans des conditions matérielles qui ne sont pas favorables à des activités pour les plus petits. Ces jeunes enfants, pour parvenir aux mêmes résultats de préparation aux apprentissages de l’école élémentaire, vont bénéficier d’un parcours scolaire en quatre ans au lieu de trois. L’idée est bien de prendre du temps pour leur assurer des apprentissages plus solides dans des conditions de bien-être qui correspondent à leurs besoins.

Une année sensible : celle des 3 ans
Cette année est particulièrement importante pour le développement langagier. Un phénomène d’accélération des acquisitions lexicales s’opère à cette période précise. Plus on a de mots, plus on peut faire des phrases et plus on peut faire de phrases, plus les phrases supposent l’usage de mots de catégorie différente. C’est également une année où toutes les facultés de représentation que peuvent exprimer les enfants se développent, où les enfants commencent à avoir l’idée que leurs tracés sur le papier peuvent représenter quelque chose et où ils entrent dans l’univers du sens. La fonction symbolique c’est aussi tous les jeux, les jeux de faire semblant ou les jeux de rôle. Si les enseignants s’adaptent à la spécificité de ces enfants, il est alors possible d’accélérer et de stimuler le développement de toutes ces facultés.

Une politique d’accueil
La circulaire de 2012 développe un cahier des charges comprenant des indicateurs de qualité :
• l’accueil différé : commencer l’année scolaire avec un faible effectif et permettre que des enfants puissent arriver en cours d’année ;
• la classe, un environnement adapté c’est-à-dire possédant un matériel spécifique de jeux et de jouets dédié à cette tranche d’âge ;
• un projet éducatif et pédagogique inscrit dans le projet d’école et présenté aux parents, intégrant également l’accueil et la participation des parents ;
• des horaires assouplis ;
• la formation des enseignants, des personnels municipaux et de tous ceux qui auront à accompagner les équipes.

Dans certaines villes, il y a eu une participation très forte des collectivités locales qui se sont engagées dans cette charte en aménageant les locaux et en recherchant les personnels les plus compétents pour travailler avec ces très jeunes enfants. Cela n’a pas été le cas partout parce que les élus doivent faire face à une pression de la part de familles qui travaillent et qui demandent la scolarisation de leurs enfants. Il leur est très difficile de faire entendre à ces familles que cette scolarisation est pensée en priorité pour les enfants des familles défavorisées et qu’ils ne peuvent matériellement répondre à la demande spontanée de toutes les familles qui souhaitent scolariser leurs enfants.
En revanche, l’Éducation nationale leur demande d’aller « chercher » les mères qui, parce qu’elles ne travaillent pas, trouvent normal et légitime de garder leur enfant elles-mêmes à la maison. Un dialogue est nécessaire avec ces familles pour susciter une scolarisation précoce. Quelques villes, en s’associant avec les services sociaux, ont ainsi permis l’accueil dans le monde scolaire des tout-petits.
Travailler avec les parents c’est aussi leur permettre d’être présents dans la classe et gagner leur confiance pour les convaincre qu’il est préférable que leur enfant vienne régulièrement et non de manière épisodique.

Des facteurs de qualité
• L’environnement pédagogique
Plus les enfants sont jeunes plus on va susciter l’activité. Il faut qu’ils agissent pour que le langage prenne du sens. Faire des leçons langagières ne sert à rien. Et pour qu’ils agissent, il faut que le milieu soit favorable, donc organisé pour répondre aux besoins de ces enfants. Les enfants doivent apprendre que, dans une classe, il y a des espaces destinés à certaines activités, qu’il y a une mobilité autorisée. Ils apprennent une organisation progressive dans le temps.
• Le temps
Avec les nouveaux rythmes, la question du temps est devenue quelque chose de difficile et peut poser problème. On considère souvent que l’idéal, si les jeunes enfants ne se sont pas levés trop tôt, est un repas au calme et une sieste immédiatement après. Mais ce temps de repos arrive beaucoup trop tard parce que se posent des problèmes liés à des contraintes de locaux, d’encadrement et de personnel. Souvent, ces enfants risquent d’avoir moins d’école.

Des besoins fondamentaux
L’école maternelle s’est développée par le haut, par les grandes sections, puis les moyennes. On ne s’est pas intéressé aux tout-petits. Plus on accueille les petits, plus on est proche des débuts et les enseignants ont à faire face à des difficultés d’ordre pédagogique. Avant d’entrer dans la pédagogie, il est essentiel de prendre en compte les besoins propres à ces tout-petits, qui sont d’un ordre différent de ceux des plus grands.
o Physiologiques : se reposer dans la journée, être assisté lors des passages aux toilettes.
o Moteurs et psychomoteurs : ils ont besoin de stabiliser leur motricité, ils découvrent le monde dans leurs déplacements, leurs manipulations. Les tout-jeunes enfants sont des enfants "déménageurs", qui désordonnent leur monde pour pouvoir le comprendre. Une des activités pédagogiques les plus faciles à pratiquer est certainement de ranger. Et ranger avec eux, c’est catégoriser, rapprocher les choses que l’on va mettre ensemble.
o Expression et communication : le problème c’est qu’il est difficile de se comprendre entre enfant et adulte et que c’est quelque chose de peu sécurisant pour ces petits. Des relations non-verbales sont observées qui peuvent sembler agressives (se tirer la langue, se griffer, …) mais en aucun cas, il ne s’agit d’une forme de violence délibérée.
o Découvertes et connaissances : à l’approche de 3 ans les tout-petits sont sans cesse en interrogation. Ils ont besoin d’étiqueter le monde, d’imiter, d’explorer et de beaucoup de répétitions. On doit mettre à leur disposition de belles images, de beaux objets, de beaux sons, de la musique. Il s’agit de développer leur attention esthétique.
o Sécurité : ce besoin renvoie à un besoin social. Pour que le petit puisse être disponible pour les activités, il faut qu’il se sente en sécurité. Cette fonction de sécurité est liée à la manière dont il va se séparer de ce pôle de sécurité que constituent les parents. Pour certains, ce moment est celui de la première séparation et c’est un moment est important. Il faut s’interroger sur les habitudes de consolation et de réassurance des tout petits. Imaginer que le doudou est un élément sécurisant pour tous les enfant est une erreur. Pour certaines familles étrangères, le doudou n’a aucun sens. Il convient, par un dialogue avec les familles, de chercher à savoir ce qu’elles font pour rassurer et pour consoler leurs petits enfants.

• Des étapes successives
S’habituer aux autres n’est pas simple. La socialisation est précaire. Dans un premier temps, les enfants vont être les uns à coté des autres. Dans une seconde étape, ils commencent à imiter, à faire comme les autres ou comme un autre. L’objectif est ensuite qu’ils fassent avec l’autre. Le collectif est en train de se mettre en place, mais il ne faut pas vouloir faire du collectif trop tôt avec les petits parce que, au départ, cela n’a pas de sens pour eux. Pour les petits, il y a toujours une première fois. Il ne faut donc pas trop attendre du collectif mais on peut tout de même commencer à leur faire vivre des moments collectifs avec des activités qui s’y prêtent : on chante, on fait des comptines avec des jeux de doigts, on leur raconte une histoire. Ce sont des moments agréables où l’on fait ensemble.

Les objectifs pédagogiques
Ils sont inscrits dans les nouveaux programmes, avec des priorités pour les tout-petits :
• communiquer, comprendre et se faire comprendre ;
• stabiliser et enrichir leur motricité ;
• découvrir les possibilités du corps ;
• explorer l’environnement et prendre des repères ;
• entrer dans l’univers des signes, l’univers de l’écriture.

Une base fondamentale pour entrer dans les apprentissages esf l’imitation.
Lorsqu’ils manipulent, les enfants privilégient les objets que d’autres enfants ont, d’où l’importance d’avoir en classe deux exemplaires de chaque objet. Cette tendance à faire comme l’autre permet de combler un moyen de communication quand le verbal n’est pas encore très développé. On peut aussi envisager de mettre des enfants de 2 ans avec des enfants un peu plus âgés. Instaurer un petit écart d’expérience pour entraîner plus vite les plus jeunes dans des activités plus complexes est une question qui mérite réflexion.

Les situations pédagogiques
Les jeux : avec les petits, ce sont les aspects moteurs, sensoriels et de manipulation qu’il faut privilégier.
Les symboliques : créer tous les « coins » où les enfants peuvent jouer. Les enseignants disent parfois que les enfants ne savent pas jouer. En effet, cela ne va pas de soi. Une interaction avec un adulte est souvent nécessaire pour commencer à jouer. La présence d’enfants un peu plus grands peut être un facteur de déblocage. Il faudrait avoir dans ces coins de jeux des objets que les enfants connaissent déjà. Ils vont entrer dans le jeu s’ils peuvent faire le lien entre ce qu’ils connaissent et ce qu’on leur propose.

Les pratiques de grande motricité : il est déterminant de ne pas réduire ce temps. Il faut qu’ils expérimentent la motricité dans le plaisir. Il faut laisser libre cours à tous les scénarios, avoir des objectifs pédagogiques simples, puis complexifier au fur et à mesure, sans être dans l’urgence.
La motricité fine : il s’agit de développer les gestes de la main, mais sans que que cela soit déjà une préparation de l’écriture. On propose par exemple des pistes graphiques fixées sur un mur ou sur un plan incliné pour que les enfants puissent s’exprimer à la hauteur de leurs moyens. Il s’agit juste de faire des gestes et puis ils vont faire, dans un premier temps, le lien entre un geste et une trace et, dans un second temps, entre la trace et le sens.
Les activités langagières : il est nécessaire que le tout-petit ait des interactions aussi fréquentes que possible même brèves avec un adulte ou dans un tout petit groupe. L’adulte se fait alors le commentateur et l’interprète de ce qui se passe dans la classe. Mettre du langage avec des phrase simples, courtes, dire, relier, commenter, faire répéter. Cette première étape langagière est très difficile. Reformuler ce que vient de dire un petit, lui donner une bonne forme pour que l’enfant puisse le redire après n’est pas une chose simple. L’attitude déterminante de l’enseignant est de valoriser, d’encourager, donner un écho, être attentif à la fois à l’activité de compréhension et à l’activité de production. Les enfants comprennent davantage qu’ils ne produisent. Les adultes doivent apporter une expertise et faire progresser les enfants.

Viviane Bouysse conclut en soulignant, comme elle l’avait déjà fait au début de la rencontre, le grand intérêt du site dédié aux moins de trois ans sur Eduscol. Ce site propose des ressources et des activités précises, livrées clés en main, avec des scénarios d’activités construits, mis en œuvre sur le terrain et élaborés par deux inspectrices, une conseillère pédagogique et une enseignante d’une classe de petits. Voici les liens vers les différentes rubriques ce site :
- Sommaire
- Une rentrée réussie
- Un projet pédagogique et éducatif
- Un aménagement de l’espace bien pensé
- Du langage oral au langage écrit

Compte rendu rédigé par Brigitte d’Agostini

 

Voir aussi sur le site OZP
La scolarisation des moins de trois ans. Compte rendu par le Café de la rencontre OZP avec Viviane Bouysse (IGEN)

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