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Les élèves en difficulté démotivés par le numérique ? Une étude de la ville de Bordeaux et un extrait du dossier de veille Ifé sur les pratiques des élèves

3 février 2017

Une nouvelle étude relativise l’impact de l’intégration du numérique dans les écoles

Suffit-il d’équiper une école en tableaux numériques (TNI) et tablettes pour que la pédagogie change ? On se doute que non. Mais la question est renouvelée par l’étude eEduc Eval Bordeaux, que le Café pédagogique s’est procurée. Il faut saluer le courage de la ville de Bordeaux d’avoir diligenté une étude qui évalue scientifiquement l’impact d’une politique généreuse d’équipement numérique des écoles. Elle en est récompensée car l’étude montre des glissements fins des pratiques pédagogiques et des usages qui peuvent conduire à des préconisations.

Le TNI motive-t-il durablement les élèves ?
Cette étude, réalisée par une équipe du laboratoire Cirel de l’Université de Lille 1, pilotée par Jean Heutte, a été soutenue par l’inspection académique de la Gironde et la ville de Bordeaux. Elle s’appuie sur les déclarations de plus de 500 élèves de cm1 et cm2 et près de 130 enseignants. Elle étudie les usages du numérique et évalue le sentiment d’efficacité des enseignants et la motivation des élèves suite à l’introduction de TNI dans les écoles. Elle interroge aussi sur les pratiques pédagogiques en classe.

On a souvent vanté le TNI comme un élément de motivation des élèves. Le ministère avait même écrit que 96% des enseignants ressentaient une amélioration rapide de la motivation scolaire. Cet effet est confirmé par eEduc Eval. Mais il ne l’est que partiellement.

En fait l’effet motivant ne dure que l’année de l’apparition du TNI dans la classe. Il retombe tout de suite après.

Tous égaux devant le TNI ?
Mais le TNI a aussi un effet négatif. " Plus les élèves ont un sentiment d’efficacité personnelle et d’intérêt scolaire élevés", note le rapport, "plus leurs émotions positives sont significativement faiblement augmentées. Cependant, dans le même contexte, plus les élèves ont un sentiment d’efficacité personnelle et d’intérêt scolaire faibles, plus ces effets sont significativement inversés émotions positives sont réduites et émotions négatives augmentées. La présence d’un TNI dans la classe a donc bien un effet significatif sur les émotions des élèves, cependant, cet effet n’est pas favorable aux élèves les plus faibles... Ces émotions négatives vont nécessairement nuire à la motivation et à la qualité des apprentissages des élèves qui ont une compétence scolaire perçue faible". En clair, l’arrivée du TNI dans la classe a une effet démotivant pour les élèves les plus faibles. Une réalité que le maitre doit connaitre.

Les usages enseignants
S’agissant des enseignants, l’étude s’est intéressée aux pratiques numériques des professeurs des écoles bordelais. Elle montre que les enseignants croient dans l’utilité des TIC beaucoup plus qu’ils ne les utilisent. " Les enseignants ont un usage professionnel des TIC globalement peu fréquent (encore plus faible en classe que pour le travail de préparation de classe). Cependant, ce n’est pas parce qu’ils n’en perçoivent pas l’utilité puisque la perception de l’utilité des TIC pour un usage professionnel est significativement plus élevée que la fréquence de leurs usages professionnels déclarés" Il semble que l’usage des TIC soit encore lié à un sentiment d’obligation professionnelle. En tous cas il n’y a pas de lien non plus entre usage du TNI en classe et capacités numériques.

Un impact négatif des TIC
En classe, l’introduction des TIC augmente le sentiment d’inefficacité des enseignants. L’impact est très visible dans l’enquête qu’il s’agisse du sentiment d’efficacité dans l’engagement des élèves, dans les stratégies des élèves ou la gestion de la classe L’introduction des TIC globalement double le ressenti négatif des enseignants. De la même façon le sentiment de bonheur au travail (le flow) des enseignants baisse avec l’introduction des TIC.

Il y a une exception :les professeurs de langues vivantes se sentent plus efficaces avec les TIC dans tous les domaines.

Pas d’évolution des pratiques
Le numérique fait-il évoluer les pratiques pédagogiques ? "Le TNI n’a pas d’effet sur la collaboration entre les enseignants", note le rapport. " Paradoxalement c’est parce qu’il ne révolutionne pas les pratiques enseignantes que le TNI est facilement adopté. L’usage projeté du TNI a finalement peu d’impact sur la préparation d’une séquence pédagogique, les activités de référence ne sont pas fondamentalement modifiées... De façon générale, l’enseignant est conscient des changements qu’apporte l’usage du TNI dans le déroulement de son cours, mais il ne change pas pour autant ses pratiques pédagogiques existantes. Effectivement, le TNI n’est pas un déclencheur de nouvelles pratiques pour l’enseignant, mais un amplificateur et un facilitateur de pratiques existantes."

Faut-il jeter les TNI ?
Alors le TNI est-il au mieux sans effet , au pire nuisible et les investissements municipaux sont-ils de l’argent jeté dans la Gironde ? En fait, l’étude observe une série de glissements qui invitent à nuancer le tableau.

" Avec le TNI, l’élève arrive mieux à suivre sur sa feuille lors de correction d’exercices, dans la mesure ou la même feuille est projetée au TNI", "les élèves ne sont pas perdus avec leur feuille puisqu’ils peuvent suivre avec le tableau", déclarent par exemple les enseignants. "Mes séances [sont] plus riches parce qu’on a des supports" , "ma satisfaction de cet outil en classe c’est de savoir manipuler les technologies".

Le TNI s’avère un outil porteur de plaisir pour l’enseignant qui montre. Il augmente la "sapience" de l’enseignant qui peut montrer beaucoup de choses à l’écran, voire répondre instantanément à une question. Il agit en "double visuel" et renforce la relation maitre - élève. C’est quelque chose qui est ressenti positivement par les enseignants. Il est noté par exemple qu’il n’est jamais allumé quand les élèves travaillent en petit groupe avec leur maître.

Le TNI permet aussi de garder une trace écrite du cours. En ce sens il facilite le "bricolage enseignant" et la reprise des notes..

"S’il ne modifie pas en profondeur les pratiques professionnelles , ceux ci perçoivent très rapidement le bénéfice de son introduction", note le rapport. " L’attrait du TNI en tant qu’objet de médiation est indiscutable", conclue le rapport. Celui ci attire l’attention sur les tablettes qui semblent apporter un réel changement dans les pratiques pédagogiques.

Au final, le rapport valide des idées que Jean Heutte avait déjà émises au début de ce siècle. Plus que faire évoluer les pratiques, les TIC en renforcent les effets sur les apprentissages. Leur impact n’est pas neutre ne terme d’inégalités. Il y a urgence à penser la pédagogie pour remédier à ce phénomène.

Extrait de cafepedagogique.net du 02.02.17 : Une nouvelle étude relativise l’impact de l’intégration du numérique dans les écoles

 

EMI : PARTIR DES PRATIQUES DES ÉLÈVES, dossier de veille de l’IFÉ n° 115, Jan. 2017

Sommaire
Page 2 : Éducation aux médias et à l’information : de quoi parle-t-on ?
Page 8 : Ce qu’on sait des pratiques médiatiques et informationnelles des élèves
Page 14 : Bibliographie

[p.11-12]
[...] Après avoir distingué trois niveaux de jugement portés par les élèves sur leur propre expertise de l’outil de recherche numérique (expertise « affirmée », expertise « nuancée » et non-expertise), elle note que moins de 10 % des collégiens se déclarent non-experts, mais qu’aucun élève d’un établissement situé en réseau d’éducation prioritaire ne se déclare expert affirmé. Cherchant à aller plus loin dans l’analyse du processus de formation des pratiques informationnelles numériques et du sentiment d’expertise qui s’en dégage, elle fait apparaitre que la familiarisation se fait principalement grâce au réseau familial, alors que seuls 4 à 7 % des élèves interrogés citent l’école primaire comme un élément de leur acculturation.[...]

EMI : Partir des pratiques des élèves (16 pages)

 

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