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Les jeunes et les enseignants en éducation prioritaire vus par Edouard Zambeaux, journaliste engagé de l’émission Périphéries (entretien avec les Cahiers pédagogiques)

29 septembre 2017

les Cahiers pédagogiques. N° 539, Pouvoir d’agir et autonomie, de l’école au lycée
« L’épanouissement est une quête »
Entretien avec Édouard Zambeaux

Édouard Zambeaux, journaliste engagé, a produit pendant douze ans l’émission Périphéries sur France Inter, qui s’est arrêtée cet été, contre son gré. Il y défendait une autre vision des banlieues, y donnait la parole aux jeunes et moins jeunes vivant dans ces périphéries méconnues.

[...] Quelle image de l’école percevez-vous chez les jeunes que vous avez rencontrés ?
Je n’ai pas du tout le sentiment que les jeunes sont contre l’école. Au pire, ils s’en moquent, au mieux, ça les sauve. Ce que j’en comprends, c’est que la chose la plus fondamentale qui peut se jouer pour un adolescent à l’école, c’est la rencontre avec un ou des enseignants, qui peuvent être des déclencheurs d’émancipation. La force de l’école, c’est aussi d’être un lieu de respiration, de neutralité.

Le principal problème, pour ces jeunes, ce sont les conseillers de «  désorientation  ». Je me souviens d’un jeune qui m’avait dit : «  Toute ma vie on m’a dit : “T’es bon qu’à tirer des câbles et planter des clous.”  » Dans les quartiers populaires, la question fondamentale, la véritable inégalité, c’est celle du champ des possibles. C’est la plus grande des injustices. Comment rétablir un horizon pour ces gosses ? Quand j’étais petit, moi, on ne me disait jamais «  c’est impossible  » ! Je ne sais pas si c’est de l’autocensure. Il s’agit de savoir jusqu’où le regard peut porter, à quelle distance l’horizon devient bouché. Il faut leur donner le droit d’avoir envie. Sinon, on risque que des gosses sans envie deviennent des adultes sans vie.

Que proposeriez-vous pour que l’école devienne plus juste dans les territoires qu’on dit abandonnés ?
Il faudrait sortir de la machine à trier. La meilleure perspective d’un gamin de collège en REP +, c’est d’être désectorisé et d’intégrer un lycée de centre-ville. On génère des contrexemples pour se donner bonne conscience : ça n’est pas une politique publique ! Pourtant, dans ces établissements-là, je n’arrête pas de croiser des professeurs exemplaires, qui sont à la limite de leur rôle. Certains appellent leurs élèves le jour du bac pour vérifier qu’ils se sont bien levés. L’institution est donc peuplée d’êtres exemplaires qui perdent beaucoup de temps à ramer contre elle. On court le risque de l’épuisement, voire de la dérive quand on se laisse porter par le courant.

Évidemment, les professeurs avec lesquels je suis en contact ouvrent leur classe et acceptent d’être observés dans leurs pratiques. Ce n’est pas le cas de tous. Je dirai que le principal problème des enseignants, c’est de n’avoir jamais quitté l’école : ils ont toujours eu un directeur, c’est un problème indéniable pour la prise de décision, la construction de projet.

Il faut peut-être aussi se mettre en tête que l’épanouissement est aussi une quête, il n’y a pas que le diplôme, la reconnaissance professionnelle ou sociale. L’école doit valoriser ça aussi.
Mais je n’ai pas la moindre idée d’une réforme à mener, c’est d’une telle complexité !
Propos recueillis par Cécile Blanchard

Extrait de cafepedagogique.com du : L’épanouissement est une quête

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