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Séminaire OZP 2017 : Propos de clôture, par Marie-Laure Lepetit, IGEN

7 décembre 2017

Séminaire OZP : Construire des collectifs professionnels dans les réseaux Retour ligne automatique
Paris, 2 décembre 2017

 

Propos de clôture
Marie-Laure Lepetit,
IGEN

Comme en mai dernier, Marc Douaire m’a proposé de jouer le rôle de grand témoin et de retracer devant vous la journée telle que je l’ai vécue. Mon propos a donc été pensé et construit au fil de l’eau. Il requiert, par conséquent, toute votre indulgence car, à coup sûr, il empruntera des chemins qui ne relèvent pas de l’art oratoire mais de l’improvisation.

Votre présence en cette journée d’hiver, à vous acteurs de l’éducation prioritaire, témoigne bien de votre envie et de votre besoin d’échanger entre vous sur vos métiers, sur vos préoccupations de professionnels de l’éducation… prioritaire. L’accompagnement par la recherche des pilotes de réseau et de leur équipe rapprochée, dont Patrick Picard nous a montré des exemples ce matin, confirme cette nécessité.

De cette journée, je dégagerai quatre fils rouges :
- la naissance de nouvelles professionnalités, de nouveaux métiers que cette refondation a générée (comme la réforme des RAR avait fait naître les professeurs référents ou supplémentaires), aussi bien sur les territoires (les IEN, les principaux et les IPR référents deviennent des co-pilotes de réseau ; des professeurs connaissant bien les problématiques de l’EP sont devenus des formateurs éducation prioritaire appelés désormais FEP…) que dans les laboratoires de recherche où chercheurs accompagnent aujourd’hui de façon plus rapprochée que jamais les différents acteurs de l’EP, en passant par l’IGEN puisque désormais, au sein de notre corps d’inspection, il existe un groupe de travail sur l’éducation prioritaire qui se réunit mensuellement ;
- le sentiment -et pardonnez le paradoxe qui peut paraître étrange mais dans lequel je sais que vous vous reconnaîtrez quel que soit l’acteur de l’EP que vous êtes-, le sentiment, disais-je, que votre travail, j’entends votre travail au quotidien, celui que l’on fait « le nez dans le guidon », dans l’urgence de la vie des REP+ et des REP, vous empêche de faire votre travail, et par là j’entends celui qui consisterait à prendre le temps d’accompagner sereinement ces changements de culture professionnelle ;
- la formation et l’accompagnement à tous les niveaux, en direction non seulement des professeurs mais également des pilotes, ce qui constitue une nouveauté et une réponse à un besoin fortement exprimé en 2015-2016 quand nous allions à la rencontre des équipes pour notre rapport ;
- la nécessaire continuité des actions pour une réelle efficacité au sein du réseau, au cœur de la classe. L’on soulignera au passage, à ce sujet, que l’OZP met en œuvre ce qu’il prône avec la présence de l’atelier 3 qui permet de filer sur le temps ce qui a été entrepris dans les autres séminaires et notamment le dernier, en mai.

Mais inscrire les actions dans la durée implique de prendre ses responsabilités de pilotes, de cadres, par la mise en œuvre d’une réelle autonomie, ses responsabilités d’inspecteur « qui sait ouvrir le parapluie » pour garantir cette continuité, a-t-on entendu ce matin.

1. Pilotes-co-pilotes, de nouveaux métiers
En écho à la conférence de Patrick Picard de ce matin centrée sur l’accompagnement des pilotes (et de leur équipe rapprochée), je voudrais m’attarder quelque peu sur ce « nouveau métier ».
D’abord, il convient de mesurer tout le chemin parcouru depuis les observations réalisées par l’IGEN en 2014-2015 où rien ne se disait de cette question, où, du fait de la mise en œuvre de la pondération dans les collèges et des 18 demi-journées de formation dans les écoles, toutes les réflexions étaient centrées sur la formation et l’accompagnement des équipes enseignantes.

Or la circulaire définissant la refondation pose en principe la constitution d’un trinôme de pilotes, principe qui, il est vrai, ne tombe pas du ciel puisqu’il s’inscrit dans l’histoire de l’EP de la dernière décennie. Néanmoins, faire travailler ensemble IEN, CE et IA-IPR, cela ne va pas de soi. Tous trois appartiennent à des univers professionnels très différents, tous trois n’ont pas le même lien au réseau, mais tous trois ont le même objectif : la réussite scolaire des élèves. Alors, comment accorder les compétences des uns et des autres, comment les rendre complémentaires, pour constituer « une équipe de pilotes » ? Cela suppose qu’on prenne un peu de temps pour définir ensemble les missions et compétences de chacun, les analyser pour mieux se connaître et pour mieux se comprendre les uns les autres.
Si ce travail des pilotes autour d’un objet commun, la construction du réseau au service de la réussite de tous les élèves, permet la connaissance et re-connaissance de l’autre et de ses compétences, il fait également émerger la re-découverte de soi, de son moi professionnel. Aussi rencontrons-nous, en 2015-2016, des pilotes qui se posent des questions qu’ils n’exprimaient pas la première année de la refondation :
- « Je sais être principal de collège, mais pilote de réseau, je ne sais pas : on ne m’a jamais appris et on ne m’a pas donné le temps d’apprendre » ;
- « Comment être IEN de circonscription mais aussi IEN, pilote de réseau ? »
- « On m’a recruté comme IA-IPR essentiellement sur mes compétences disciplinaires : comment passe-t-on d’IA-IPR disciplinaire à IA-IPR référent ? »
  « Je suis IPR référent de plusieurs collèges : quelle différence avec ma fonction d’IA-IPR référent, pilote de réseau d’EP ? »
- « Comment être pilote quand on n’est pas dans le réseau ? » et « Comment être considéré comme pilote par les autres -et notamment les co-pilotes- quand on n’est pas dans le réseau ? »
- « Pilote, je sais faire, c’est le travail du CE, mais co-pilote, je ne sais pas » etc
Chacune de ces questions est intéressante en elle-même, mais ce qui me paraît le plus révélateur, c’est qu’au final, elles convergent toutes vers un même point : ce que les uns et les autres découvrent, c’est que le pilotage mais surtout le co-pilotage d’un réseau implique la construction de nouvelles professionnalités, et par là-même la re-construction de sa propre professionnalité.

A cette construction du trio de pilotes s’ajoute le travail avec une équipe élargie dans laquelle on trouve encore un nouveau métier, les formateurs REP+, désormais appelés FEP, sigle -marqueur d’appartenance au paysage de l’Education nationale !- que j’ai récemment découvert lors d’un séminaire EP à l’Ifé, comme d’aucuns, ce matin, dans la salle, en ont visiblement fait la découverte à leur tour. Nos observations, depuis 2014 et encore aujourd’hui, mettent en évidence la difficulté pour ces formateurs REP+ d’entrer réellement dans les réseaux. Tantôt ils peuvent être perçus comme « l’œil de Moscou », tantôt ils peuvent inquiéter parce que bien mieux formés que les pilotes eux-mêmes -et la DGESCO, en leur proposant des formations que tous ont qualifiées de très grande qualité, a d’ailleurs fait ce qu’il fallait pour qu’ils soient des experts-. Ce constat, associé aux demandes récurrentes des pilotes qui ont vu le jour dans le courant de l’année 2015-2016, nous a poussés à préconiser dans notre rapport la mise en œuvre de formations pour les pilotes, au niveau national comme au niveau académique, afin de les aider dans le pilotage PEDAGOGIQUE du réseau.
Parallèlement ce besoin d’aide sur le pilotage du réseau a poussé des équipes à solliciter elles-mêmes un accompagnement, notamment par la recherche. On aboutit alors, par exemple, au travail dont Patrick Picard vous a fait un compte rendu ce matin et qui s’incarne dans la « boussole » qu’il vous a présentée. Cette boussole est un outil pour mettre en place des situations de métacognition, essentielles à un pilotage intelligent, contrôlé, dominé. De fait, elle renvoie à ce que les professeurs font avec leurs élèves, quand ils leur apprennent à comprendre, leur apprennent à apprendre. En effet, elle permet de mettre des mots sur ce qui doit être fait, de se poser pour regarder les objets du travail quotidien et pour les analyser. Elle est une aide pour cesser un instant d’être dans le tourbillon et l’urgence du quotidien.
Bien sûr, on en est encore au début de l’accompagnement des équipes de pilotes et tous les réseaux n’en sont pas au même point d’aboutissement en matière de pilotage pédagogique. Mais il y a encore deux ans, nous n’aurions pas parié sur le fait que certains réseaux -et ils commencent à être en nombre- arrivent à ce stade ! Et c’est ce chemin parcouru que je souhaitais vous inviter à regarder aujourd’hui…

2. La formation et l’accompagnement
Partons de l’actualité, la mise en place de ce que l’on appelle aujourd’hui les « CP à 12 ». L’atelier qui lui était consacré s’intitulait : « de PDMQDC à CP à 12 ». C’est donc le passage de l’un à l’autre que vous souhaitiez interroger, quand dans beaucoup de réseaux les deux dispositifs cohabitent.
Cet atelier a été l’occasion de faire le bilan des remontées d’une enquête réalisée auprès de PE engagés dans ce dispositif et de faire le point sur vos premières observations. Quelques éléments parmi d’autres, car je ne peux être exhaustive, ont attiré mon attention.
D’abord, les effets de ce dispositif sur les pratiques pédagogiques : j’ai entendu « plus de différenciation », « plus de jeux pédagogiques », « plus de manipulation », « davantage de réflexion sur l’organisation de la classe », « plus de travail sur l’oral », « plus d’ateliers » -avec ce bémol apporté par certains d’entre vous sur la mise en œuvre d’ateliers qui sont trop souvent des « ateliers-maternelle mal compris, sans temps de métacognition, sans réels apprentissages »-. Mais je n’ai pas entendu : « cela n’a aucun impact sur les pratiques pédagogiques des professeurs » et pourtant, il m’a été donné d’observer des classes où le professeur, sur son estrade, dispensait un enseignement devant douze élèves, alignés en rangées. Je vous vois sourire… Cet exemple montre bien que la question de l’apprentissage à 12 doit se poser et que des formations, pour aider les professeurs à concevoir leur enseignement dans le cadre de ce dispositif, sont nécessaires.
De fait, depuis septembre, des formations « CP à 12 » ont été dispensées en grand nombre sur le territoire. Et, dans cet atelier, vous êtes revenus dessus pour dire que, si beaucoup de professeurs expriment leur satisfaction d’être formés à ce dispositif, beaucoup également regrettent que ces formations soient trop souvent « conçues de manière descendante ». Elles sont ressenties comme « un cadrage », plutôt que comme « un accompagnement » où l’on amène les professeurs à réfléchir et à construire ensemble savoirs et savoir-faire. Les enseignants, désormais habitués à l’esprit des formations REP+, c’est-à-dire à la mise en œuvre de collectifs de travail, ne se retrouvent plus dans les formes de formations frontales.

Concernant l’accompagnement, un autre point que l’on aimerait voir d’actualité est la prise en compte de l’importante différence qui existe entre REP+ et REP. Les témoignages sont récurrents sur cette question et l’on entend dans l’atelier 3 que si les REP ont réussi à organiser des formations internes et mis à disposition des ressources, la logique d’accompagnement est problématique. De fait, les REP arrivent aujourd’hui « à la limite des possibles » : ils ne peuvent -sinon au sein des instances, mais c’est insuffisant- faire ce que les temps de concertation en REP+ permettent, à savoir des allers-retours entre temps d’accompagnement et pratiques de classe de manière à réguler, à interroger ce que l’on expérimente. En effet, « en REP, sans le temps de concertation institutionnalisé, comment organiser l’accompagnement des professeurs sur leurs changements de pratiques ? Surtout si dans un premier temps ça ne marche pas, surtout si ça crée du conflit au sein des équipes… », s’interroge l’un d’entre vous.

En réponse à ces questions, l’une d’entre vous propose une piste, celle de la mise en œuvre de collectifs de travail autonomes, que l’on voit se déployer dans le cadre de la réflexion sur les « organisations apprenantes » et que l’on peut mettre en parallèle avec le souhait souvent exprimé par les enseignants de se former entre pairs, comme on se le dit et redit dans l’atelier 2. Avec ces collectifs de travail, une nouvelle culture professionnelle est en train de naître : il est important de l’accompagner. Et l’on se demande, dans cet atelier, quel rôle peut jouer l’OZP.
Le groupe d’expertise de l’IGEN sur l’Education prioritaire, qui se réunit tous les mois, a fait des « réseaux apprenants » son objet de travail de l’an passé. Je vous livrerai par conséquent quelques éléments de notre réflexion et certaines des conclusions auxquelles nous avons abouti. Un premier constat est la difficulté, plus grande pour le second degré que pour le premier, de la mise en place de ces collectifs de travail : le principal ne dispose pas des relais dont dispose l’IEN, même si l’IA-IPR référent est très présent. Les chefs d’établissement sont donc de plus en plus nombreux à trouver des stratégies pour contourner ce problème et initier un pilotage pédagogique de proximité en s’appuyant sur le concept d’organisation apprenante : des référents sont désignés spécifiquement sur certains thèmes ou problématiques de manière, par exemple, à animer et à nourrir les temps de concertation. Une lettre de mission leur est attribuée et des bilans réguliers sont réalisés en conseil d’administration. Pour cela, -et je reprends les propos que certains d’entre eux nous ont tenus-, il convient que les chefs d’établissement sachent « lâcher prise », faire « le pas de côté » nécessaire au développement de leur capacité à repérer le potentiel des enseignants, à les missionner, à déléguer, à s’appuyer sur eux. Au-delà de ce renforcement du pilotage, une telle démarche permet un véritable développement professionnel des enseignants, comme cela avait pu être constaté avec les professeurs supplémentaires dans les RAR.
Les REP+, dont les pilotes mettent en œuvre ce type de pilotage de proximité, sont alors construits comme un véritable système à visée participative. De fait, dans ces REP+, les collectifs de travail se multiplient et fonctionnent de manière quasi autonome au bout d’un certain temps, c’est-à-dire sans l’intervention obligatoire des pilotes. Les équipes sont confrontées à une difficulté, qui devient un objet de travail autour duquel elles veulent réfléchir. Le rôle des pilotes est alors de savoir proposer la structure ad hoc correspondant à leurs besoins.
Nos observations nous ont permis de constater qu’il existe trois types de groupes apprenants :
- le petit groupe qui travaille sur un thème : il se forme à partir d’une opportunité mais il ne dure pas dans le temps ;
- les communautés de professionnels pour améliorer la pratique, accompagnées ou non ;
- les communautés d’apprentissage professionnel : des groupes de pairs réfléchissent à l’apprentissage des élèves dans le cadre d’une activité précise (« écrire dans toutes les disciplines ») et portent un regard critique et collectif sur ce que les élèves apprennent dans le cadre de cette activité.
Il existe cinq caractéristiques majeures de ces communautés d’apprentissage :
- le partage des valeurs (par exemple, l’éducabilité) ;
- le focus sur l’apprentissage des élèves (la réflexion se focalise sur des objets centraux, et non périphériques, qui s’inscrivent au cœur de la classe) ;
- la « déprivatisation » de la pratique (à savoir la pratique de la « co-animation », du « co-enseignement », de la « co-observation », etc.) ;
- la collaboration entre enseignants ;
- le dialogue réflexif ouvert visant à analyser et évaluer la qualité de l’enseignement.

Au final, dans les REP+ pilotés selon le concept d’organisation apprenante, le développement professionnel des enseignants est reconnu non seulement par eux, mais également par les CE et les inspecteurs qui doivent accepter l’inscription de ce travail dans la durée pour obtenir des résultats, ce qui nous ramène à l’un des points mis en évidence au début de ce propos…

Je vous remercie !

Marie-Laure Lepetit,
IGEN

 

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