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Patrick Weil : des quotas d’élèves de lycées pour l’accès au Supérieur

21 février 2006

Extrait du « Monde » du 21.02.06 : "Les meilleurs de chaque lycée doivent accéder aux prépas"

Entretien avec Patrick Weil

Comment jugez-vous les tentatives actuelles pour faciliter l’accès des élèves des lycées les plus défavorisés à certains établissements d’excellence de l’enseignement supérieur ?

Ce sont des réponses expérimentales à un phénomène de masse. Les dispositifs mis en place par les IEP de Paris, Aix et Lille, ou par l’Essec, permettent aux meilleurs élèves de quelques lycées d’accéder à ces établissements, mais ils ne concernent que 2 à 3 % des lycées, alors que le phénomène de la discrimination sociale et territoriale dans l’accès aux cycles les plus sélectifs du supérieur touche une très grande quantité de jeunes.

L’un des aspects positifs de ces expériences, c’est qu’elles démontrent que des élèves issus des lycées parmi les plus défavorisés s’en sortent bien une fois qu’ils ont franchi le seuil de ces écoles. Elles ont, en outre, un effet dynamisant sur leurs lycées d’origine.
Mais si l’on veut que de telles expériences ne deviennent pas l’alibi cosmétique d’une discrimination de masse persistante, il faut à présent sortir de la phase expérimentale pour passer à des mesures plus générales. Sinon, la majorité des lycées et des élèves qui ne bénéficient pas de ces mesures se diront fort légitimement : "Pourquoi ne fait-on rien pour nous ?".

Voyez-vous à l’étranger des dispositifs qui seraient transposables en France ?

Quatre Etats américains - le Texas, la Californie, la Floride et l’Etat de Washington - ont mis en place des politiques visant à assurer une plus grande justice sociale dans l’accès au supérieur, tout en dépassant les critères d’appartenance à une minorité ethnique, qui organisaient traditionnellement les politiques d’affirmative action aux Etats-Unis.

Au Texas, depuis cinq ans, on permet aux 10 % des meilleurs élèves de chaque lycée - les mieux comme les moins bien situés - d’accéder à la première année des universités publiques de l’Etat, dont l’université du Texas, qui est l’une des meilleures des Etats-Unis. Ce dispositif n’a pas d’impact négatif sur la représentation des minorités dans ces effectifs, au contraire. Les lycées des zones rurales traditionnellement délaissés sont ainsi équitablement représentés.
Ajoutons que 40 % des places de première année dans ces universités restent réservées à l’admission sur dossiers individuels.

Comment voyez-vous la version française d’une telle politique ?

On pourrait proposer que 7 à 8 % des meilleurs élèves de chaque lycée de métropole et d’outre-mer puissent se voir proposer d’accéder directement aux premières années des cycles du supérieur qui sélectionnent à l’entrée (classes préparatoires aux grandes écoles, IEP de province et de Paris, Dauphine...).

Si l’on compte que certains de ces élèves préféreraient malgré tout suivre une autre voie, on peut imaginer que 50 % des places disponibles seraient ainsi pourvues. Pour certains, cela ne changerait rigoureusement rien : les 8 % les meilleurs d’Henri-IV y entrent déjà ! Mais cela changerait beaucoup pour les nombreux lycées qui n’envoient jamais aucun de leurs élèves dans ces filières. Plus aucun lycéen ne pourrait se dire : "Je n’ai aucune chance parce que je suis dans un mauvais lycée."
La dynamique positive que cela créerait dans chaque lycée pourrait également avoir un effet vertueux sur les parents qui s’échinent aujourd’hui à contourner la carte scolaire...

Propos recueillis par Thierry Pech

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