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Le SNUipp reproche à la communication du ministère d’omettre "les résultats décevants" des évaluations nationales et le creusement de l’écart entre l’éducation prioritaire et les autres écoles

22 novembre 2019

Évaluations : des résultats historiques vraiment ?

Début novembre, le ministre rend compte des résultats des élèves de CP et CE1 aux évaluations nationales de début d’année. Il communique sur les progrès « significatifs » des élèves mais il omet d’évoquer les résultats décevants en lecture-écriture ainsi que les écarts qui se creusent entre l’éducation prioritaire et les autres écoles.

Comme à son habitude, le ministre a communiqué par voie de presse sur les résultats des évaluations nationales CP et CE1 cette rentrée. Il évoque des progrès visibles ainsi que les effets du dédoublement des classes dans les quartiers défavorisés. Une communication très politique, en décalage avec les résultats présentés par la DEPP, service statistique du ministère.

Des progrès…

Le document de la DEPP montre des progrès. En CP, en mathématiques 87,7% des élèves savent par exemple écrire un nombre entier, soit une hausse de cinq points par rapport à 2018 et ils sont 92,3% à savoir les lire (+0,2%). En Français, 84% des CP comprennent les phrases lues par l’enseignant, soit une hausse de 1,9%.

En CE1, c’est surtout en français que le progrès des élèves a lieu. Ils sont par exemple 72,5% à savoir lire des mots à haute voix (+4,2), 82,5% à savoir écrire des syllabes simples et complexes (+3) et 82,4% à comprendre les phrases lues par l’enseignant (+5). En mathématiques,les élèves de CE1 progressent en géométrie, en calcul mental et en lecture de nombres.

Mais des reculs aussi !

Si le ministre parle de résultats « historiques », il passe sous silence la baisse d’une partie des résultats dévoilés par la DEPP. Les performances des élèves de CP sont moindres dans la reconnaissance des lettres (-2,1 points) ou dans la compréhension de mots isolés (-3,1%) et en mathématiques ils continuent massivement d’échouer sur l’exercice de la droite numérique.

Au CE1, la lecture à voix haute de textes et de mots et la compréhension orale de mots et d’écriture des mots sont les exercices les moins réussis. En mathématiques, l’exercice de résolution de problèmes et, dans une moindre mesure, ceux d’addition et de soustractions sont les moins bien réussis. L’exercice de la « ligne numérique » tant décrié par la profession et la recherche (voir Brissiaud, UDA 2018) est aussi moins bien maîtrisé.

Quant au suivi de cohorte, si des progrès avait été constatés en janvier 2019 (la Depp avait noté une légère réduction des écarts entre les performances des élèves scolarisés en éducation prioritaire et en dehors), ce n’est plus le cas en ce début de CE1. Bien au contraire : la DEPP relève « une augmentation des écarts entre secteurs de scolarisation ».

Et en éducation prioritaire ?

Globalement les élèves d’éducation prioritaire ont une maîtrise moins affirmée des différents domaines. Au CP, de gros écarts en français sont constatés notamment en compréhension orale (33 points pour la compréhension de mots lus par l’enseignant entre REP+ et public hors EP, et 22 points pour la compréhension orale de phrases). Des écarts moins importants mais qui sont significatifs pour la reconnaissance des lettres (15 points) et pour les compétences phonologiques (11 points pour la connaissance du nom et des lettres et des sons qu’elles produisent). En mathématiques, près de 25 points de différence entre REP+ et public hors EP pour l’exercice de résolution de problèmes.

Même constat pour les élèves de CE1 sur l’ensemble des domaines évalués. C’est en français, en compréhension orale, que les écarts les plus marqués sont constatés. En mathématiques, la DEPP constate un écart de 21 points avec les proportions d’élèves présentant une maîtrise satisfaisante.

Des dédoublements, loin de tenir toutes leurs promesses

Pour améliorer les résultats du système éducatif, le ministère a misé sur la baisse significative des effectifs des classes de CP et CE1 en éducation prioritaire au détriment des plus de maîtres que de classes qui avaient été mis en place dans le cadre de la refondation de l’éducation prioritaire en 2014. Il s’appuie sur plusieurs études dont celle réalisée par Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire en mars 2006 qui indiquait qu’une forte réduction des tailles de classe conduirait à une réduction significative de l’inégalité de réussite scolaire. Mais les premiers résultats des dédoublements sont plutôt décevants.

Les causes de l’échec

Le ministre explique ces écarts par l’oubli qui touchent les élèves les plus fragiles durant les vacances d’été et propose pour y remédier des stages gratuits de soutien scolaire. Comment une semaine de soutien scolaire pourrait-elle compenser ces écarts importants à l’issue d’une année scolaire ?

Le SNUipp-FSU fait le constat que l’abaissement des effectifs s’est accompagné non seulement de la suppression des « Plus de maîtres » renvoyant à un exercice plus solitaire du métier mais aussi de prescriptions autoritaires. C’est à grand coup de note au BO, circulaires, guides, recommandations multiples, contrôle hiérarchique sur les classes sans oublier la révision des programmes que le ministère impose une pédagogie officielle. Ce faisant, des pratiques efficaces mais non conformes aux instructions officielles ont été discréditées, des professionnels démobilisés.

En imposant des évaluations qui mettent la focale sur la fluence et sur le déchiffrage, le travail sur la compréhension et la production d’écrits sont relégués au second plan. Utilisées comme outils pour piloter les écoles, les évaluations ouvrent la voie au « teaching for the test », un bachotage réducteur constaté de longue date en Angleterre et aux états-Unis. Les apprentissages sont centrés sur des compétences de bas niveau et ce sont les élèves les plus fragiles qui sont les plus impactés.
Pourtant comme le rappelle les résultats des élèves français aux évaluations internationales, ce sont les compétences complexes qui leur font défaut (compréhension de l’implicite).

Tout comme lors des précédentes évaluations, le ministère persiste à ignorer les aménagements réalisés sur le terrain. Nombre de PE ont remis en cause la pertinence d’évaluations chronophages peu adaptées aux élèves et à la réalité des classes. Beaucoup ont adapté la passation biaisant la fiabilité des résultats. Pourtant, le ministère s’entête et fixe des normes nationales.
Les évaluations, présentées à l’origine comme un outils de dépistage des difficultés des élèves et d’aide aux enseignantes et enseignants, sont utilisées pour rendre compte du niveau des élèves français. Un détournement au service de la politique éducative mise en place.

Un dispositif qui n’aide pas les élèves à mieux réussir

Le SNUipp-FSU continue de dénoncer l’inutilité de ces évaluations pour les élèves et les enseignants. Il alerte sur les risques de bachotage et refuse l’instrumentalisation des résultats pour piloter les écoles. Faire réussir tous les élèves nécessite une autre ambition.
La transformation du système éducatif ne pourra avoir lieu sans associer les acteurs, sans s’assurer de leur adhésion. L’ enquête TALIS de 2018 rappelle la nécessité d’encourager l’innovation et le développement plutôt que le respect à la conformité.
Si la baisse des effectifs est un levier réel pour obtenir la réussite de tous les élèves, il doit s’accompagner d’une transformation des pratiques d’abord portées par celles et ceux qui font l’école au quotidien.

Pour le SNUipp-FSU, cela passe par l’abandon des évaluations nationales standardisées et le renforcement du travail collectif d’équipes pédagogiques bénéficiant des apports de toute la recherche. Un fonctionnement de l’école dynamique et mobilisateur des compétences et expertises enseignantes, à l’opposé de la mise au pas imposée par le ministre.

Extrait de snuipp.fr du 19.11.19

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