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B* Améliorer l’attention collective par l’improvisation dansée : le projet ICREA du collège REP Doisneau de Paris 20e en partenariat avec le Cnrs

12 août 2021

Améliorer l’attention collective par l’improvisation dansée : retour sur 4 années du projet ICREA du collège REP Doisneau à Paris, en lien avec le Cnrs

La pratique de l’improvisation conjointe en danse peut-elle constituer un socle à partir duquel les élèves utiliseraient et développeraient leurs capacités d’attention et d’écoute nécessaires à tout apprentissage ?

Le projet ICREA (Improvisation Conjointe dansée comme dispositif pour le Renouvellement de l’Écologie de l’Attention), soutenu par la Cardie, a associé pendant deux années scolaires, enseignants, danseurs et scientifiques autour de la question de l’attention individuelle et collective des élèves. En 2021/22, un nouveau projet propose de mobiliser l’improvisation dansée comme outil de développement professionnel des enseignants.

Comment améliorer l’attention des élèves ? Comment faire entrer le corps à l’école ? La danse peut-elle concilier ces deux objectifs ?

Le pari fait sur le principe de l’improvisation en danse est de tenter de développer chez l’individu un sens inné de l’observation et de la sensation et donc d’acquérir une sensibilité qui vient accroitre son attention à l’égard des autres personnes qui constituent son environnement. Fort de cette sensibilité, notre hypothèse est de dire que cette expérience si elle est menée avec un groupe classe, chaque individu est amené à devenir plus attentif à ce que fait l’autre et surtout sensible aux interactions qui peuvent se produire dans le groupe. Cette attention accrue, de chacun des individus pourrait permettre à terme, davantage de complicité, une facilitation du travail en groupe et une meilleure cohésion de celui-ci.
Le regard bienveillant et l’esprit de coopération devraient dominer, induisant de fait une meilleure ambiance de classe, une plus grande confiance et une meilleure cohabitation entre les individus, ce qui pourrait augurer de meilleures performances scolaires du groupe ainsi constitué.

Le projet ICrEA associe le laboratoire SFL (CNRS- Université Paris 8) et le collège Robert Doisneau autour d’une communauté de pratiques née de la rencontre entre le collège et le projet ICI.

Un projet qui s’inscrit dans le parcours danse du REP Doisneau

Né de la rencontre du Principal du collège Robert Doisneau, Karim Yahiaoui, et du Directeur du conservatoire du 20ème arrondissement de Paris, Emmanuel Oriol, un parcours danse a été mis en place, non seulement au collège, mais dans l’ensemble du réseau d’éducation prioritaire Doisneau. S’associant les services des associations locales du quartier Belleville–Amandiers, « La Fabrique de la Danse » et « Le Regard du Cygne » entre autres, une démarche de vulgarisation de masse de la danse contemporaine a été engagée dans ce quartier relevant des territoires de la « Politique de la Ville ». Ce projet imposant une heure de danse par semaine à tous les élèves du Collège Robert Doisneau, expose ainsi le corps au regard de l’autre, sans distinction entre le corps de la fille ou le corps de garçon, s’acceptant mutuellement et apprenant à vivre ensemble en toute harmonie.
Après 4 années, les effets positifs de ce projet sur le climat scolaire et l’image de l’établissement sont là. La mixité sociale opère et les résultats scolaires s’en ressentent.

Cette expérimentation d’improvisation conjointe dansée, ne pouvait que trouver sa place au collège Robert Doisneau, d’autant plus si elle parvenait à apporter une justification scientifique des bienfaits de la danse sur le climat et la performance scolaire. Le pari qui est fait, est de montrer que l’improvisation conjointe puisse offrir une approche corporelle, artistique et interactionnelle sollicitant perceptions sensorielles et langages individuels (imaginaire) et partagés (gestualité, mimétisme, émotions, sensorialité, langage verbal).

L’improvisation conjointe pourrait-elle aider les élèves dans leurs apprentissages ?
Pourrait-elle inciter leurs enseignants à éprouver, réfléchir et expérimenter avec leurs élèves d’autres manières de faire ?

Des temps et des espaces définis pour réfléchir et pratiquer ensemble

L’objectif est d’améliorer la qualité des relations dans la classe, de renforcer l’attention des élèves, de développer leur créativité et de soutenir leurs pratiques scolaires.
A la rentrée 2019, une classe de 6ème et 4 enseignants volontaires s’engagent dans le projet ICREA, initié en 2018-2019 par une classe de 4ème et leurs enseignants.
Les artistes travaillent avec la classe et les enseignants lors de temps banalisés en décembre (3 journées en 2018, 3 demi-journées en 2019) puis une après-midi par semaine, inscrite dans l’emploi du temps des élèves, pendant 14 semaines pour préparer une performance.
En 2019/20, un créneau de deux heures le jeudi après-midi est dédié au projet dès septembre. Les ateliers de pratique ont lieu dans la grande salle du 2e étage, vaste et lumineuse, située à l’écart des salles de classe et qui vient d’être dotée d’un parquet en bois. C’est le lieu où tous les élèves du collège expérimentent des pratiques artistiques et culturelles, dans un autre rapport aux pairs et aux adultes.

Pour évaluer l’effet de l’improvisation conjointe

Des outils écologiques innovants sont exploités en 2019, résultants de l’expérimentation menée en 2018. Il s’agit de mesurer les dimensions cognitives et kinesthésiques de l’attention chez les élèves et la qualité de leurs interactions. L’élaboration de protocoles qualitatifs et quantitatifs est réalisée en collaboration étroite entre chercheurs, artistes, enseignants et élèves.
Les réunions hebdomadaires entre chercheurs et enseignants permettent de réguler les activités conduites pendant les ateliers. Au sein de l’équipe pédagogique, les conseils de classe sont l’occasion d’évaluer concrètement la dynamique de classe (indicateurs vie scolaire : absences, retards, mentions à l’issue du conseil de classe).
Le climat de classe et son évolution au fil de l’année permet d’évaluer qualitativement l’impact du travail mené avec les chercheurs du CNRS. Enfin, l’évolution des relations interpersonnelles entre enseignants et élèves ou entre pairs (enseignants et élèves) est un autre indicateur qualitatif.
Les productions écrites des élèves au fil du temps permettent d’évaluer leur perception de se qui se fait en atelier. La quantité et la qualité des écrits des élèves sont des indicateurs de leur investissement dans et de leur compréhension du projet.

De décembre à juin : Conduite du projet ICREA

L’équipe du CNRS intervient auprès des élèves et leur propose de partager des pratiques corporelles variées, qui, dans un premier temps s’appuient sur le collectif. Au fil des séances, les pratiques font alterner travail collectif en grand groupe et en paire, puis travail individuel au sein d’un groupe. L’objectif est de faire prendre conscience aux élèves, par une expérience corporelle, comment leur attention peut être influencée -ou non- par le groupe, et comment eux-mêmes influent sur le groupe. Les chercheurs du CNRS collectent des données chiffrées à l’aide de tablettes et de jeux attentionnels conçus et ajustés par rapport aux besoins exprimés lors de la recherche conduite en 2018-19.

Un travail de mise en commun (une heure par semaine) des perceptions des adultes, sollicitant l’expertise des professeurs principaux (français et EPS) et celles des danseurs-chorégraphes-chercheurs qui animent les propositions d’improvisation dansée, permet de faire évoluer le regard des uns et des autres. Pour l’enseignante de français, la prise en compte des élèves dans leur corporéité et leurs interactions avec leurs pairs et les adultes du projet, l’observation des élèves dans un autre contexte que celui de la classe et la participation à des activités conjointes avec les élèves est une occasion de réfléchir aux pratiques enseignantes en classe et aux rapports avec les élèves. Pendant le confinement, de mi-mars à fin juin 2020, les adultes du projet se réunissent à distance pour réfléchir à la conduite du projet. Une séance à distance est envisagée, mais la place primordiale du corps et du rapport entre l’individu et le groupe, qui fondent la recherche, montrent les limites d’une travail à distance. Cependant, les élèves sont déçus de ne pouvoir conduire le projet à son terme et ne ne pouvoir offrir la performance de fin de projet à leurs familles. Un compromis est trouvé sous la forme d’un cahier multimédia où les élèves peuvent déposer dessins et mots à destination de l’équipe du CNRS.

Et la suite ? Transformation du projet ICREA

Les chercheurs-chorégraphes-danseurs et enseignants du collège Robert Doisneau engagés dans le projet restent convaincus, pour l’avoir expérimenté au cours de pratiques communes, de la pertinence de la pratique de l’improvisation dansée pour travailler les compétences attentionnelles. Les nombreux échanges autour des pratiques communes et la posture réflexive engendrée invitent à poursuivre dans un projet recalibré autour des équipes enseignantes, à l’échelle du collège et du REP.
La perspective de vivre cette expérience avec un groupe d’adultes enseignants de différents établissements scolaires des 1er et 2nd degrés d’un même réseau d’éducation prioritaire, pose comme postulat l’idée de développer la sensibilité des enseignants afin qu’ils soient plus attentifs à ce qui se passe dans leur environnement de classe, mais aussi à travailler la cohésion entre personnes qui se connaissent peu (ou pas), en développant la confiance, la coopération et l’entraide bienveillante.

ICREA Alyah

Extrait de ac-paris.fr du 13.07.21

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