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« Tous capables » pour la philo au bac dans la ZEP de Saint-Ouen (93)

15 juin 2006

Extrait de «  L’Humanité » du 14.06.06 : La philo, une exception française à nourrir

Baccalauréat . À l’issue de leur épreuve de philosophie, hier, des lycéens de Saint-Ouen disent ce qu’ils pensent de cette discipline. Globalement positif, avec quelques bémols.

Monia sourit, tord un peu le nez, mais n’hésite pas vraiment à donner sa réponse. Elle l’a mûrie pendant quatre heures. « La vérité, c’est préférable. » Au bonheur, convient-il d’ajouter, puisque le sujet qu’elle a choisi de traiter met les deux notions en balance. Dissertation achevée, il y a quelques minutes, copie remise à l’examinateur. Monia est libre - jusqu’à la prochaine épreuve - et souffle, réfugiée sous le préau du lycée Blanqui de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Dans la cour, le soleil tape et elle a les bras nus. T-shirt blanc sur jean’s bleu, décontracté mais nickel. « Le plus dur, dans la dissert’, c’est la méthode », poursuit-elle.

Thèse, anti-thèse, synthèse. Avancer une idée, la défendre, l’illustrer. Et puis la contredire. Passer de l’autre côté du miroir, envisager les différents points de vue, se mettre dans la peau de l’autre - des autres -, pour mieux toucher du doigt la complexité de la conscience humaine. Et tenter de dénicher, au milieu des réflexions multiples, sa conclusion à soi. Bref, philosopher tel qu’on vous le demande en classe de terminale.

« Un plus pour l’esprit critique »

Une exception française, une de plus, qui fait de l’Hexagone le seul pays à consacrer tant d’espace à cette discipline. Huit heures par semaine en série littéraire (L), deux à cinq heures dans les autres filières. Un record, qui n’explique pas à lui seul ce qui fait la différence. « En Italie, on a plutôt tendance à enseigner l’histoire de la philosophie », illustre madame Diamant, enseignante, elle aussi à Blanqui. « Alors qu’en France, on demande aux élèves de cheminer logiquement, d’analyser. De produire du concept sur un sujet donné. »

Analyser, discuter, contredire : pour Sarah, en terminale ES - qui vient de cogiter afin de savoir si, selon elle, « la culture peut être porteuse de valeurs universelles » - la démarche est carrément troublante. « On pose le pour, le contre... à la fin on ne sait plus quoi penser. » Sans la juger rédhibitoire, elle n’y trouve rien de transcendant.

« C’est un petit plus pour l’esprit critique. »

Pour Nancy au contraire, c’est une discipline nécessaire. « Elle nous permet de répondre à des questions que l’on se pose souvent, même sans le dire. Pourquoi est-on seul ?, par exemple. Qui ne s’est jamais interrogé là dessus ? » En terminale S, la jeune fille a choisi de commenter le texte de John Stuart Mill. « La philo nous aide, mais c’est dur », conclut-elle. Sofian, scientifique lui aussi, approuve et renchérit. « C’est compliqué d’aborder la conscience, la religion, l’art où encore l’expérience en seulement un an. » Besoin de comencer plus tôt ? Beaucoup approuvent, quelques-uns, non. « Avant, on n’est pas assez mûrs », estime Sadia.

Un programme trop lourd pour être bouclé dans les temps, des notions survolées, voire à peine effleurées et un système de notation qu’ils estiment arbitraire : certains élèves en viennent à s’interroger sur l’utilité de la chose. « La philo est une perte de temps », estime l’un. « On peut passer d’une note de 4 à 16 sans savoir vraiment pourquoi, c’est très subjectif », argumente l’autre. « Cela dépend du sujet », avance un troisième.

« Ça dépend des profs »

Pour Tarak et Sofian, le prof est déterminant. « Il y en a avec lesquels il ne se passe rien. Et d’autre avec qui ça devient intéressant, même passionnant. Leur façon de parler, de voir les choses... » Débattre d’abord, faire le cours ensuite. Ouvrir un espace de réflexion où les opinions peuvent s’entendre et s’échanger : voilà où la philo remporte la mise sur les autres disciplines. La religion, l’art, le travail... Wissem analysait ces notions pour la première fois cette année. « Avant, je pensais que la philo, c’était très difficile, qu’il fallait avoir l’esprit philosophe, et moi je suis plutôt scientifique. » Finalement, il a aimé. « Ça nous ouvre la conscience. »

Démarche ambitieuse, la philo pour les jeunes ? « Extrêmement, assène madame Diamant. Mais ils en sont tout à fait capables. Il faut juste les y aider et leur montrer la voie. »

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