> Carte de l’EP et Carte scolaire en EP, > Carte de l’EP > Carte EP. Modifications (entrée/sortie) locales et acad. > L’extension des ZEP de La Courneuve était prévue avant l’arrivée de Sarkozy

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

L’extension des ZEP de La Courneuve était prévue avant l’arrivée de Sarkozy

20 juin 2006

Extrait de « Libération », le 19.06.06 : Un an après le « Kärcher », « c’est la même merde »

A La Courneuve, habitants, élus et acteurs sociaux disent leurs espoirs déçus après le passage de Nicolas Sarkozy et ses promesses oubliées.

Que reste-t-il de son passage, un an après ? On avait presque oublié Nicolas Sarkozy à La Courneuve. Jusqu’à ce que le maire communiste de la ville de Seine-Saint-Denis, Gilles Poux, convoque il y a huit jours la presse pour dresser un bilan du passage du ministre de l’Intérieur le 19 juin 2005, jour de la mort de Sidi-Ahmed, 11 ans, fauché par une balle perdue lors d’une fusillade. C’est ce jour-là que Nicolas Sarkozy a utilisé le mot « Kärcher » à propos de la Cité des 4000 qu’il s’agit pour lui de « nettoyer ». Quelques jours après, il revenait faire des annonces, promet des emplois, plus de sécurité. Bref, de l’avenir.

Aujourd’hui, en arrivant à La Courneuve, à l’ombre de la barre Balzac où a été tué Sidi-Ahmed, partout, sur les murs, des graffitis : « Kärcher », « niquer la police », « Sarkozy T mort ». A la descente du RER, un jeune homme propose du shit. Lundi, devant les journalistes, le maire, entouré par les élus réunis à la médiathèque, est « en colère ». « Quand il est venu, j’ai dit banco. Je suis prêt à mouiller la chemise. Force est de constater que le résultat n’est pas au rendez-vous », dénonce Gilles Poux. « Quand il y a autant d’enkystement et de difficultés, comment faire croire qu’on va régler le problème d’un coup de baguette magique ? » Le maire assure qu’il ne « rechignera » pas à s’expliquer avec le ministre de l’Intérieur.

Toute la semaine, La Courneuve a d’ailleurs cru à la venue du ministre de l’Intérieur. La mairie l’a annoncé chez Orangina. « On l’attend », soufflait mystérieusement un appariteur, jeudi matin, devant la mairie. La grande salle a même été préparée pour l’accueillir. Mais Sarkozy fait savoir qu’il ne répond pas aux « convocations ». Il préfère les missives. Une lettre de huit pages est envoyée aux rédactions, avec ce commentaire d’un conseiller : « Comme ça, vous aurez un autre son de cloche. » Le « son » Sarkozy à l’égard du maire est clair : « Désolé de vous dire que je ne partage pas votre point de vue. »

« Il fait sa petite pub ». Les Courneuviens, eux, ne goûtent pas le sien. Au rez-de-chaussée du mail de Fontenay, énorme barre encore debout (trois ont été démolies ces dernières années), Saïd, 21 ans, explique : « Ce que Sarkozy est venu faire ici, c’est du cinéma. Les choses auraient pu empirer en mettant autant de CRS. » Maiga, responsable associatif, nuance : « Les gens ont ressenti sa venue comme une agression et un manque de respect. » Un animateur résume : « Il joue avec les médias, il fait sa petite pub. Il est reparti et on est toujours dans la même merde. » Une enseignante constate : « Il n’a pas enlevé, ni ajouté. Il est passé. Voilà... » Mustafa est un des rares à soutenir le ministre de l’Intérieur : « C’est par l’intermédiaire de ce monsieur-là qu’on peut faire avancer les choses. » Mustafa connaît au « moins trois personnes » qui ont bénéficié de la venue du ministre. Azim, de l’association Africa, parle de promesses intervenues dans un contexte où les gens « en ont tellement marre qu’ils se rattachent à n’importe quel espoir ».

Cet espoir a existé. Djibril, 20 ans, qui cherche du travail depuis qu’il a quitté l’école il y a plus d’un an, dit que Sarkozy « aurait pu donner un coup de main ». Pour vivre, Djibril dit : « Je me débrouille. » Saïd, 21 ans, intérimaire, en veut à ce ministre qui assurait à La Courneuve que « certains ne veulent rien faire » : « Tout le monde veut s’en sortir. Si quelqu’un vient ici et propose du travail, on le suit, sauf pour balayer la rue. » Le bilan côté chiffres ? « C’est une comptabilité à la con », souffle, énervée, une responsable associative lors d’une réunion-bilan en mairie. Selon le ministre, 241 emplois ont été créés. Le maire en compte 70. « Aucun des deux ne ment. Tout est question d’angle », tente d’expliquer un responsable de mission locale. Le maire utilise les chiffres des emplois proposés par les entreprises sollicitées par le ministre. Le ministre ajoute ceux de l’ANPE et des missions locales.

Déception. Cette question de présentation vaut aussi pour « l’ouverture d’un commissariat dès le 28 juin 2005, avec mise à disposition de dix policiers supplémentaires sur la commune », que Sarkozy s’attribue. Le projet était dans les tuyaux depuis trois ans. La ville a payé (300 000 euros) et peiné pour l’obtenir. Même chose pour le classement de deux établissements scolaires en ZEP. Un enseignant, responsable syndical : « Les conditions étaient réunies bien avant le passage du ministre. » Idem pour la décision de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) d’accorder un taux dérogatoire de 60 % pour les subventions de l’Etat sur les opérations de réhabilitation. « Les négociations ont eu lieu deux ans auparavant, dit l’adjoint au logement. Peut-être que son intervention a permis que le dossier passe en septembre au lieu de novembre... »

Quant à l’effet « Kärcher », son efficacité est relative. Le chiffre des vols avec violence a doublé sur les cinq premiers mois de l’année. Les habitants se plaignent de la présence des CRS qui contrôlent, jour après jour, au faciès. Sarkozy insiste sur « l’activité renforcée » des services de police qui ont permis de « relever » 18,5 % de faits supplémentaires depuis le début de l’année. Le maire reconnaît que le ministre a contribué à installer des relations suivies avec la préfecture et les partenaires. Même si, après, elles se sont « effilochées ». Les aides de l’Etat (150 000 euros pour les opérations « ville vie vacances », plus 33 % pour la dotation de solidarité urbaine) ont, selon sa missive, suivi. Reste que les associations disent l’avoir peu senti, que cela n’a pas suffi. L’une va licencier. « La précarisation est toujours là », renchérit un autre.

Services publics fermés. Sans compter les services publics qui désertent. La Poste réduit ses horaires d’ouverture à cause de l’insécurité. Une antenne du Trésor public doit fermer. Le service accueil d’un bureau EDF est menacé de disparition. Un syndicaliste et le maire l’ont rappelé en choeur. Le « bilan » du passage de Sarkozy, c’est aussi l’occasion de pointer les difficultés à trouver des solutions durables aux difficultés d’une ville « stigmatisée ». De son côté, Nicolas Sarkozy, assure son entourage, reviendra très bientôt.

Didier Arnaud

----------

Extrait d’un communiqué du PS, le 19.06.06 : « Rien n’a changé... pire le sentiment de haine est plus présent »

"Tromperie", "effets d’annonce", "coup de pub", "mensonge"... Les mêmes mots reviennent dans la bouche de ceux ayant crû aux paroles de Nicolas Sarkozy il y a un an à la cité des 4 000 de la Courneuve. « Le coup de Karsher » a embrasé les banlieues au lieu de leur redonner l’espoir tant nécessaire. Un an après ces déclarations tonitruantes, sept mois après les émeutes de novembre dernier, les quartiers pointés du doigt à l’époque semblent laissés à l’abandon.

« Il n’y a eu aucun changement explique Medhi Hafsi, membre du collectif Sid-Ahmed, du nom du petit garçon qui avait essuyé une balle perdue lors d’un affrontement entre bandes à la Courneuve il y a un an.

"Les promesses que Nicolas Sarkozy avaient lancées à la suite de ce drame, sont restées des promesses. Il n’y a aucune ouverture. Rien n’a changé, bien au contraire. Le ressentiment de haine est bien plus présent qu’il l’était. »

Alors que le ministre de l’intérieur avait fait mine de remuer ciel et terre, la situation est de plus en plus préoccupante : 37 % des habitants de la cité des 4 000 sont au chômage, 10 % des habitants de la Courneuve vivent du RMI... L’embauche en masse de « tous ceux qui acceptent se lever tôt », dixit Sarkozy, est restée sans effet, sans effet non plus le plan de rénovation urbaine pour les quartiers de Jean-Louis Borloo. Que dire maintenant de la suppression des 15 000 fonctionnaires de l’éducation nationale annoncée par Dominique de Villepin. Pour ces ZEP cette coupe budgétaire est suicidaire.

La politique de la droite en faveur, en défaveur pourrait-on dire, des banlieues, se résume à une série d’effets d’annonces. À l’heure où une politique spécifique s’annonce comme inévitable, l’entêtement du gouvernement à mener une politique de l’autruche fait craindre le pire, analyse Medhi Hafsi : « Les quartiers sont construits sur de la dynamite, c’est comme un volcan qui pourrait entrer à nouveau en irruption à tout moment ! »

Damien Ranger

Répondre à cet article