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La conversation Marcel Gauchet
« L’expérience démocratique par excellence c’est celle de la contradiction »
Figure de la scène intellectuelle française, il a publié plusieurs essais ayant fait date. Mais le personnage - philosophe et historien - divise. Pour ses détracteurs, il a viré néoréac. Ses aficionados saluent, au contraire, son âpre lucidité. Convaincu que l’époque s’égare dans bien des domaines, l’intéressé assure toutefois ne pas fétichiser le passé.
[...] Donc, oui, pour revenir à votre question, je crois vraiment que l’individualisation par le droit est devenue centrale dans nos sociétés. Et cela impacte tout. À commencer par l’idée même de transmission, donc l’éducation.
En quoi ?
L’enfant est désormais considéré comme un être de droit. Il a des droits, bien sûr, mais une fois cela posé, comment éduque-t-on un être de droit ? Cela pose immédiatement la question des contenus. Car transmettre un contenu revient, de fait, à inscrire l’enfant dans une histoire et dans un champ de savoirs… qui ne se choisissent pas. Ils représentent une contrainte objective vis-à-vis de laquelle personne n’est libre. Problème… C’est ainsi qu’on assiste à une mise à l’écart de l’idée de transmission (ceux qui savent enseignent à ceux qui ne savent pas) au profit de l’idée d’apprendre (l’enfant construit lui-même ses apprentissages). L’école ne se sent plus légitime à imposer un savoir ; elle ne fait plus qu’accompagner une libre démarche d’acquisition par soi-même.