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Journée OZP 2006. Atelier : "Suppression du redoublement (dans les collèges Ambition Réussite)"

20 juin 2006

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Journée nationale OZP : 13 mai 2006

Atelier n°2

Tenir compte du rythme personnel des élèves

la suppression du redoublement
(dans les collèges Ambition Réussite)

 

Intervenants : Didier Bargas,
IGAEN,

Régis Guyon ,
professeur d’histoire géographie au collège Pierre Brossolette
de La Chapelle-Saint-Luc (Aube), contact

Animatrice : Michèle Coulon ,
responsable du CAREP de Reims

 

Cet atelier est ouvert par deux présentations :
 un bref cadrage général de la problématique par Didier Bargas,
 un témoignage sur une expérience d’équipe par Régis Guyon.

Intervention de Didier Bargas

La question du redoublement au collège est une question ancienne dont la cause est entendue depuis plus de trente ans.
En effet, les pays qui ne pratiquent pas le redoublement ont dans l’ensemble de meilleurs résultats que ceux qui le pratiquent.

D’autre part, on a amplement montré que le redoublement était une pratique inefficace pédagogiquement, désastreuse psychologiquement, et ruineuse financièrement puisque le redoublement utilise des moyens qui font défaut ailleurs.

Malgré tout, le redoublement perdure ; alors, pourquoi ?
Il y a collectivement un refus de l’évidence qui s’appuie sur des cas particuliers : certains enfants ont pu progresser légèrement lors d’un redoublement, mais n’auraient-ils pas progressé également, voire davantage, en passant au niveau supérieur ? On sait en effet que les élèves « un peu justes » profitent plus du passage que du redoublement.

Le texte de mise en place des réseaux ambition réussite donne une nouvelle jeunesse à ce débat, sans éviter une certaine ambiguïté.
Va-t-on vers une interdiction du redoublement ou faut-il « tendre vers » sa suppression ? Cette dernière orientation est sans doute la plus réaliste et la plus rationnelle.

Supprimer le redoublement est en effet très facile - il suffit de le décider ! - mais la question la plus importante et la plus difficile est bien de savoir ce qu’il convient de mettre à la place pour des élèves en échec qui n’ont pas le niveau requis.

Dans les faits, on fait passer un élève dans la classe supérieure sans prévoir d’accompagnement particulier, ce qui ne peut satisfaire personne.

Les équipes qui ne souhaitent ni le redoublement - fausse solution - ni le passage automatique - position quasi-cynique - sont donc dans une vraie difficulté.

 

Intervention de Régis Guyon

Travailler autrement au collège : l’expérience d’un travail d’équipe

Quelle que soit la position adoptée, redoublement ou passage automatique, tout le monde veut lutter contre l’échec scolaire, le décrochage. Tout le monde veut une école de la réussite où les apprentissages se fassent dans les meilleures conditions, où les acteurs vivent et travaillent dans les meilleures conditions possibles.

Des évidences, d’accord ! Mais des évidences qui sont toujours au cœur des débats lorsque l’on parle de l’école. Or, parler du redoublement au collège, c’est aussi parler des élèves en échec, des élèves décrocheurs, en rupture, avec leur famille, l’école, le monde qui les entoure...

Face au problème de ces élèves décrocheurs - et des autres - au collège, deux pistes existent et peuvent coexister :

 S’intéresser en aval à la « réparation », par de la remédiation. Proposer aux élèves en difficulté un parcours spécifique, individualisé, afin de pallier les manques, les difficultés. Tous les élèves en difficulté n’ont pas à tout reprendre ni à tout revoir (ni à tout revivre).

Cette première solution est réalisable à condition que l’on réunisse les modalités permettant de mettre en place ces parcours plus individualisés au collège, sans stigmatiser l’élève ni son expérience scolaire.
Donc, en veillant à la socialisation et en travaillant sur les apprentissages et les compétences exigées - les deux étant intimement liés chez des enfants qui deviennent des adolescents - il s’agit de les aider à construire leur personnalité en même temps que leurs apprentissages.

 L’autre stratégie, qui peut cohabiter avec la première, consiste à se focaliser sur l’amont, sur la prévention. Le travail n’est pas plus facile, tant la tâche est immense. On travaille ici aussi sur les apprentissages et la socialisation, mais avec tous les élèves, avec toutes leurs différences (personnalité, histoire, parcours, style d’apprentissage...).
Pour cela il est nécessaire d’avoir pointé, à partir d’une évaluation, les compétences à retravailler : on retrouve là l’idée du socle commun.
.
Il s’agit toujours de chercher à donner du sens à ce que les élèves font, de les motiver, d’éviter les décrochages.

Lorsque notre équipe - une douzaine de professeurs, toutes disciplines confondues - a lancé le projet « Travailler autrement au collège », nous n’avions pas mené notre réflexion aussi loin. Et notre volonté était de tout (peut être trop) faire : nous voulions, en amont et en aval, veiller à la socialisation autant qu’aux apprentissages, en pensant que, si nous abandonnions un des deux objectifs, nous perdions en cohérence.
Grande ambition, d’autant que notre équipe n’a que quelques classes d’un collège normal de ZEP : il faut aussi gérer le regard des autres enseignants non impliqués dans le projet.

Notre collège n’est pas classé Ambition Réussite mais en a toutes les caractéristiques :
 des familles aux faibles revenus : 85 % des familles sont classées dans la catégorie « défavorisés » ;
 de nombreuses nationalités étrangères sont représentées (quinze nationalités en 2003-2004, soit 14% du collège en 2004-2005) ;
 30% des familles comptent quatre enfants ou plus ;
 j’ajoute que 30% d’élèves sont en retard scolaire à l’entrée en sixième. De plus, les effectifs du collège baissent sensiblement d’année en année (le quartier se vide par destruction-déplacement).

D’après ces données, nous travaillons dans le collège le plus difficile de l’Académie de Reims. Toutefois, les résultats des évaluations d’entrée en sixième ainsi que le taux de réussite au brevet sont parfois supérieurs à la moyenne académique. Ce sont ces bons résultats qui expliquent sans doute que nous n’ayons pas été retenus parmi les collèges Ambition Réussite ; sans doute aussi l’effet de notre action.

Objectifs et actions

Lorsque le projet est né, il y a deux ans, au moment du Grand Débat sur l’Avenir de l’Ecole du printemps 2004, notre objectif principal était - et reste en grande partie - de (re)motiver et de (re)donner du sens au collège et aux apprentissages, en reprenant ainsi la question 8 de la consultation.

Et quelque part notre objectif passait par la nécessité de permettre à tous les élèves d’aller le plus loin possible, de ne leur fermer aucune porte, mais au contraire de donner à tous les moyens de réussir et de trouver une place dans la société et dans l’école. Les actions que nous avons prévues répondaient essentiellement à cette double nécessité.

Notre projet s’appuyait sur la création de deux classes de sixième expérimentales dès la rentrée 2004 (dans un collège ZEP normal). Cette année (2005-2006), nous suivons trois classes du collège (deux cinquièmes et une sixième). Nous sommes en train d’effectuer un bilan intermédiaire de notre action, avec notamment l’aide du CAREP de Reims, et nous poursuivons à la rentrée avec deux classes (une sixième et une cinquième).

 Les ateliers (axe Apprentissages)
Une fois par semaine, les élèves participent à des ateliers où le travail se fait en groupes sur des thèmes transdisciplinaires. L’équipe est présente pendant toute la durée de l’atelier. Ici, c’est l’autonomie qui est visée : faire des élèves les acteurs de leurs apprentissages et les auteurs de leurs connaissances.
Nous veillons à établir des ponts avec les disciplines et nous attachons également à ne pas briser le lien entre ce qui est fait en atelier et ce qui est fait en classe, notamment en terme d’objectifs transversaux et de compétences à acquérir.

 L’accueil (axes Apprentissages et Socialisation)
La journée débute avec un accueil de quinze minutes. Il rassemble un Quoi de neuf et une revue de presse préparée par un élève. Pendant le Quoi de neuf, tous les sujets peuvent être évoqués. Le choix des thèmes abordés est révélateur de la vie des élèves, de leurs problèmes, et parfois de leur absence d’intérêt pour le monde qui les entoure, de près ou de loin. En ce sens, c’est un indicateur de la vie des élèves et de la classe.
A travers cette activité, l’élève doit s’approprier le langage pour parler de lui aux autres et l’adulte, en retour, doit accepter et prendre en compte cette parole.

- Le tutorat (axes Apprentissages et Socialisation)
Le tutorat est un autre moment important où la parole de l’élève est mise au service des apprentissages. Sa première partie - dix minutes environ - est consacrée à un Quoi de neuf scolaire pendant lequel les élèves reviennent sur leur semaine, leurs réussites et leurs problèmes. Cette activité métacognitive, qui débute cette année, est passionnante à suivre.

Commence alors le tutorat à proprement parler, avec des mises au point méthodologiques et des aides au travail, dans la mesure du possible entre pairs. Une particularité : nous avons dans chaque groupe de tutorat une dizaine d’élèves qui viennent des trois classes et qui, ne suivant pas forcément les mêmes progressions, doivent néanmoins trouver le moyen de s’aider.

- Lien avec les familles (axe Socialisation)
Pour terminer cette présentation, il faut insister sur les liens tissés avec les familles pour
dédramatiser le collège et la scolarisation, bref les rendre accessibles et compréhensibles.
Cela passe par des petites choses mais surtout par des invitations réitérées aux parents à
venir au collège et à voir leurs enfants au travail, à rencontrer aussi les enseignants - qui
de leur côté souhaitent souligner le positif, les efforts, les réussites.

Et de fait les parents viennent au collège pour un accueil pendant lequel les élèves montrent ce qu’ils font en atelier et en classe (une matinée par trimestre). Les remises de bulletins sont faites aussi dans cet esprit-là avec dialogue et explication des appréciations, ce qui parfois demande des trésors de pédagogie.

 

Débat

Trouver une alternative au redoublement implique de mettre en place des dispositifs qui permettent de gérer l’hétérogénéité, de prévenir les difficultés ou d’y remédier lorsqu’elles sont installées. Or, dans ce domaine, les expériences sont décevantes : les résultats, c’est-à-dire les progrès des élèves, ne sont pas toujours à la hauteur des espérances.
D’autre part, l’aide apportée aux élèves, avec heures supplémentaires pour certains quand les autres peuvent sortir, peut être vécue comme une punition.

Travailler autrement met les enseignants au cœur de contradictions difficiles.
Le collège est à la fois un pré-lycée et un lieu de formation pour tous et dont tous doivent tirer partie.
Les modes d’évaluation doivent permettre de situer l’élève dans la classe mais aussi par rapport à lui-même dans un souci de communication avec les familles.

Tout ceci met en évidence le besoin criant des personnels enseignants en matière de formation et d’accompagnement pour faciliter une analyse fine des difficultés des élèves (et par-là même une remédiation plus efficace), une prise en compte de l’hétérogénéité dans le quotidien des cours, une prévention des obstacles prévisibles aux apprentissages.

Les différentes interventions dans l’atelier témoignent de ce manque de moyens dans la formation et l’accompagnement et de l’absence d’outils pour repenser notre façon de travailler.

La discussion a permis également de poser la problématique du redoublement en termes de liaisons indispensables :

 liaison entre les différents niveaux d’enseignement (entre le primaire et le collège, entre le collège et le lycée) ; et, si des progrès ont été faits pour atténuer la rupture cycle 3 /6ème, beaucoup reste à faire entre le collège et le lycée : la classe de seconde est encore trop souvent synonyme de redoublement ou de réorientation ;

 liaison et complémentarité entre une individualisation de l’enseignement et de l’aide, une prise en compte pendant le cours ou dans la classe de l’hétérogénéité du groupe, et une approche collective.

L’expérience qui a servi de base de discussion autant que les témoignages qui ont suivi nous rappellent que tout changement de pratiques n’est possible qu’à certaines conditions :

 des valeurs professionnelles partagées : la confiance dans la capacité de progrès de tous élèves, la confiance dans sa capacité à être enseignant ;

 le goût indispensable du travail d’équipe et le rôle déterminant du projet comme déclencheur du travail et de la réflexion collective ;

 une direction d’école ou d’établissement qui impulse et/ou facilite les évolutions ;

 un lien dynamique avec les familles leur permettant de comprendre la démarche des enseignants et de s’impliquer.

Avons-nous finalement discuté d’une stratégie collective plus que d’une stratégie d’excellence ?

Compte rendu rédigé par Michèle Coulon

Ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée

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1 Message

  • Je suis tout à fait d’accord avec la prise de position de Didier BARGAS sur le redoublement.

    Je doute que la majorité des acteurs de l’Instituton partagent son avis, et partant, qu’une suppression progressive et consensuelle soit réalisable en quelques années.

    Qu’on le veuille ou non la décision de faire doubler un élève, même si l’on est convaincu que c’est avant tout pour son bien, a aujourd’hui une dimension de sanction : "il n’a pas progressé comme on attendait de lui qu’il le fasse, quel que soit son parcours scolaire vers la sortie des études, il devra y consacrer une année de plus de sa vie, avec des plus jeunes que lui, les autres ont progressé, lui il régresse."

    Bien sûr si aucun soutien personnalisé, dans et à l’extérieur de l’établissement n’est mis en place, seul le constat d’échec de l’éleve et dans une certaine mesure de l’Institution sera anticipé. Mais si en définive un élève doit de toute façon quitter le lycée sans obtenir un Bac dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est totalement hors de sa portée, n’est-ce pas un avantage pour lui d’en avoir fini avec ce parcours voué à l’échec, un, deux, ou trois ans plus tôt qu’à l’heure actuelle ? Au passage je pense que le doublement doit rester possible l’année du diplome de fin d’études.

    Ma pratique de bénévole du soutien scolaire personnalisé en Z.E.P. m’a amené à la conclusion que le principal handicap de nombreux jeunes, est l’absence d’une maitrise suffisante de la langue Française qui leur permette de suivre les cours d’une part et d’utiliser leurs manuels d’autre part. bien souvent ils tentent d’apprendre des textes dont ils ne comprennent pas le sens, et doivent résoudre des problèmes dont ils ne comprennent pas l’énoncé. De plus, comment peut-on espérer apprendre une autre langue si l’on n’en maitrise pas au moins une ?
    L’accession au Français d’usage devrait être l’affaire de tous, dans et autour du collège.

    Enfin je crois que l’on ne résoudra rien sans revaloriser aux yeux de tous la filière professionnelle et que cette croyance qu’il n’est point de salut hors de la filière générale est un fléau contre lequel il faut lutter, en particulier au sein de l’Institution.

    En dernier lieu, je voudrais féliciter Régis GUYON et ses collègues pour leur courage et la direction prise dans leur travail, même si comme je crois le comprendre ils ne sont pas encore pleinement satisfaits des résultats, je suis convaincu qu’ils sont sur la bonne voie et je leur souhaite bonne route.

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