> II- EDUCATION PRIORITAIRE (Politique. d’) : Types de documents et Pilotage > EDUC. PRIOR. TYPES DE DOCUMENTS > Educ. prior. Positions (et publications) militantes > Dépense publique inférieure de 30 % dans les ZEP, selon l’Institut Montaigne

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Dépense publique inférieure de 30 % dans les ZEP, selon l’Institut Montaigne

6 septembre 2006

Extrait des « Echos » du 04.09.06 : Libérez les écoles primaires !

Aujourd’hui, 6 millions d’élèves de primaire font leur rentrée. Quelle école vont trouver nos enfants, avec quelle promesse de réussite ? Hélas, la réponse à cette question dépend trop de l’adresse postale de leurs parents ! L’école républicaine uniforme et son projet émancipateur ont explosé avec l’espace social. Pour rebâtir, sans doute est-il temps d’assumer une plus grande variété des pédagogies et des moyens mobilisés. De libérer les écoles primaires !

Le principe d’égalité des chances à l’école commande que l’origine sociale ou l’appartenance à une minorité visible ne préjuge en rien de la destinée scolaire de l’élève. Nous sommes très loin de cette fiction car la ségrégation urbaine débouche sur une ségrégation scolaire qui commence dès les petites classes. Exemple : le manque de diversité de nos grandes écoles. Comme l’écrivait Jacques Attali, « en poussant jusqu’à l’absurde... on pourrait même sans doute établir que la majorité des élèves des plus grandes écoles françaises ont commencé leur scolarité dans une ou deux centaines de classes maternelles ».

Rétablir l’égalité des chances dès l’école primaire est une nécessité urgente, car c’est le maillon faible de notre système éducatif, notamment les écoles situées en ZEP, ZUS et REP, voire dans certaines zones rurales.

Si elle apparaît comme un havre de tranquillité à l’abri des turbulences qui agitent notre système éducatif, cette vision est erronée, comme le soulignent plusieurs analyses récentes. Le socle que constitue l’école primaire se fissure sans bruit mais chaque jour : 15 % des élèves (110.000 enfants) sont en grande difficulté au sortir de l’enseignement primaire. Ce pourcentage peut atteindre le double, voire le triple, dans les zones sensibles.
Il s’agit là d’un problème majeur, car les dysfonctionnements de l’école primaire sont à l’origine de ceux du système éducatif dans son ensemble. Le débat autour du collège unique, l’échec en premier cycle universitaire, la faible diversité sociale dans les grandes écoles, le malaise enseignant sont autant de questions qui plongent leurs racines dans nos écoles primaires. C’est pourquoi l’Institut Montaigne propose de redonner à l’école primaire son rôle fondamental, afin que tous les jeunes Français maîtrisent les acquis de base avant d’entrer au collège.

Nous préconisons de déléguer à plusieurs centaines d’écoles volontaires situées en zone sensible des pouvoirs de gestion, actuellement dévolus à des autorités supérieures (inspection d’académie, rectorat, ministère, etc.), dans le cadre d’un contrat avec l’Etat et de mettre en oeuvre une procédure d’évaluation.

Chaque école devrait apporter une réponse tenant compte de son bassin de recrutement, de son environnement, de la capacité d’initiative de chaque acteur. Loin des empoignades idéologiques, la bonne méthode - que ce soit pour la lecture, l’écriture, ou l’arithmétique - est celle qui est mise en pratique par ceux qui la comprennent et en partagent les vues. La meilleure méthode est inopérante si elle est appliquée par un exécutant récalcitrant. Un professeur est un acteur et non un agent. Cela suppose des équipes cohérentes d’enseignants impliqués et motivés par la perspective de faire progresser le projet auquel ils sont associés. Le contraire d’agents appliquant à la lettre des circulaires de l’administration centrale éloignées des réalités.

Cette délégation permettrait au directeur de procéder au recrutement des personnels, y compris les enseignants. Il pourrait lancer un appel d’offres régional ou national pour constituer des équipes volontaires et motivées. Le projet vaudrait engagement vis-à-vis de l’Etat et surtout des parents. Il préciserait les méthodes et les rythmes adoptés de la maternelle à la fin de l’école primaire pour assurer la continuité, le suivi et l’évaluation de l’apprentissage des élèves ; l’articulation école maternelle-école primaire et école primaire-collège ; le repérage et le suivi des enfants en difficulté (ou potentiellement en difficulté) dès l’école maternelle ; la coordination avec les collèges du secteur et des autres secteurs pour traiter les cas préoccupants.

Cette action reposerait sur deux leviers. D’abord, la mise en place d’un établissement public d’enseignement primaire bénéficiant d’une autonomie pédagogique, administrative et budgétaire. Cela est rendu possible par loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, à condition d’en publier les décrets d’application. Ensuite, l’allocation par l’Etat aux écoles d’un budget global de fonctionnement calculé sur une base annuelle, incluant la masse salariale de l’ensemble du personnel. Cette dotation correspondrait à celle allouée par l’Etat et les collectivités locales à une école primaire prise comme référence dans un centre-ville de l’académie, majorée d’un supplément de 15 ou 20 % au titre d’une politique en faveur de l’égalité des chances. Certes, le principe d’équité n’est pas ignoré de l’Education nationale. Depuis 1982, les collèges des zones d’éducation prioritaire disposent théoriquement de moyens supplémentaires évalués à 9 %. Mais, en réalité, si l’on tient compte des salaires des personnels, plus gradés dans les écoles de centre-ville, la « discrimination positive » disparaît et devient même... négative. La dépense publique par élève dans les ZEP est en effet inférieure de l’ordre de 30 % à la moyenne nationale !

Ces propositions sont pragmatiques et directement opératoires. Elles n’exigent pas de dispositions législatives nouvelles. Qu’attend-on pour libérer nos écoles primaires et pour les doter vraiment en fonction des besoins de chacune ?

Daniel Laurent est directeur des études de l’Institut Montaigne

Répondre à cet article

1 Message