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Journée OZP 2006. "Les conditions d’une école efficace en ZEP : mettre la pédagogie au centre", par Gérard Chauveau

6 octobre 2006

Journée nationale OZP : 13 mai 2006

Conférence

LES CONDITIONS D’UNE ECOLE EFFICACE EN ZEP

METTRE LA PEDAGOGIE AU CENTRE

Gérard Chauveau est l’un des premiers chercheurs à avoir travaillé sur les problématiques ZEP. Dès les années 1970, il s’est intéressé aux conditions nécessaires à la construction de l’Ecole populaire.
Lors des premières déclarations d’Alain Savary relatives à la création des ZEP en mai 1981, il y a vingt-cinq ans, il a reposé la question de la réussite scolaire de tous les élèves et en particulier de celle des enfants des milieux défavorisés.
Les interrogations auxquelles il tente de répondre aujourd’hui prolongent celles contenues dans l’ouvrage « A l’école des banlieues », rédigé en collaboration avec Eliane Rogovas-Chauveau et publié en 1995 chez ESF (voir aussi « Comment réussir en ZEP », Ed. Retz, 2000).

Intervention de Gérard Chauveau

L’efficacité pédagogique de l’école ou qu’est ce qu’une école élémentaire ZEP efficace ?

Pour déterminer les conditions de l’efficacité pédagogique de l’Ecole, Gérard Chauveau et Eliane Rogovas-Chauveau ont analysé le fonctionnement de douze écoles en ZEP qui avaient de bons résultats aux évaluations CE2 et 6ème. Ces écoles, réparties dans toute la France, ont été sélectionnées avec l’aide de la DEP.
Après une série d’entretiens avec les IEN, les directeurs et les enseignants de ces "entreprises humaines, sociales et pédagogiques", Gérard et Eliane Chauveau ont constaté qu’il ne s’y passait rien d’extraordinaire, ni grandes innovations pédagogiques ni révolution pédagogique, mais que certains facteurs s’y additionnaient et se combinaient entre eux. Ils ont pu ainsi dégager trois séries de caractéristiques :

- Certaines tenant à l’organisation sociale de l’école :
- stabilité de plus de la moitié des enseignants dans l’établissement depuis 5 à 10 ans, voire plus pour certains ;
- arrivée chaque année de jeunes enseignants motivés et dynamiques ;
- fonctionnement plutôt démocratique de l’établissement scolaire : les orientations pédagogiques importantes sont décidées en conseil des maîtres (organisation des cycles, diminution du nombre d’élèves en CP et augmentation ailleurs, etc.) ;
- bonne entente professionnelle et grande solidarité entre les enseignants : existence d’un travail d’équipe de personnes qui pratiquent l’unité dans la diversité, en dehors de références explicites à un mouvement pédagogique ;
- rôle important du directeur, très présent auprès des collègues, des parents, des enfants, des partenaires de l’école.

- D’autres purement pédagogiques renvoyant à la centration sur les apprentissages scolaires :
- présence d’enseignants conscients de l’importance de la qualité de l’action didactique en français et en mathématiques, disciplines qui articulent les aspects techniques et culturels de l’enseignement. Dans les ZEP comme ailleurs, un enfant commence à apprendre à lire en entrant en littérature, en se faisant lire de "belles histoires" Contes de Perrault, d’Andersen, etc.) dans de beaux livres pour enfants.. Et, dans le même temps, il bénéficie d’un enseignement méthodique et dense de la lecture-écriture à partir du CP.

- Enfin une orientation sociale marquée par la conviction que "tous sont capables d’apprendre" et une attitude positive du collectif enseignant vis-à-vis du milieu, des familles et des parents, des élèves.

Ces constats permettent d’affirmer, même s’ils ont été établis à partir d’un échantillon numériquement faible, que l’efficacité pédagogique est une affaire humaine et ordinaire qui ne demande pas de moyens exceptionnels.

L’éducation prioritaire ou la pédagogie prioritaire :

En 2006, les ZEP se caractérisent par une très grande hétérogénéité et une disparité pédagogique importante. On y trouve le meilleur et malheureusement le pire : d’un côté les pôles d’excellence et de l’autre de grands déserts pédagogiques dans lesquels les résultats aux évaluations nationales sont moins bons en juin qu’en septembre de l’année précédente.

Or les conclusions d’un certain nombre d’études, dont certaines sont déjà anciennes, convergent toutes pour démontrer qu’ il n’y a pas de fatalité de l’échec et qu’il est difficile de parler de causes de l’échec scolaire :
- les travaux du CRESAS : tous les enfants peuvent apprendre à certaines conditions pédagogiques qui n’ont rien de révolutionnaire ni de surhumain ;
- les recherches conduites par le groupe Escol et tout particulièrement celles de Bernard Charlot ; - l’étude d’Alain Mingat, qui date d’une quinzaine d’années et montre que, si l’on veut prédire les chances de réussite d’un enfant au CP, il vaut mieux connaître le nom de son maître que la CSP de son père ;
- une recherche conduite par Gérard Chauveau qui met en lumière que, dans une ZEP, le taux de réussite au CP peut varier de 80% d’enfants lecteurs dans une classe à à peine 20% dans une autre ;
- de même, dans une ZEP de Paris, les tests prédictifs de la lecture passés au début du CP sur des enfants de même âge et de même aptitude qui montrent que, dans une classe avec tel enseignant, des élèves ont en moyenne 7 chances sur 10 d’être lecteurs à la fin du CP alors que dans une autre classe avec tel autre enseignant ils ont 0 chance sur 10 ;
- les travaux de recherche d’Inizan, qui remontent à plus de 30 ans et mettent en lumière "l’effet maître" : certains enfants qui ont tout pour réussir à l’entrée du CP échouent et inversement certains enfants qui ont apparemment tout pour échouer réussissent.

La place de la pédagogie, en ZEP encore plus qu’ailleurs, est donc au coeur du processus de la réussite scolaire des élèves. Il est impératif d’en faire la priorité, c’est à dire de la placer au centre des ZEP, des actions ZEP, de la réflexion en ZEP et surtout de la politique des ZEP.

L’établissement de la carte des ZEP concentre toute l’attention et mobilise toutes les énergies aux dépens de ce qui est essentiel, unique et central : la qualité des ressources humaines et des prestations pédagogiques. Il a été dit beaucoup de choses sur le Z de ZEP, sur les projets, sur les dispositifs, sur l’articulation avec le "hors école" et avec la politique de la Ville mais très peu sur la pédagogie, sur le rôle central, primordial, de la didactique dans la réussite scolaire, alors que toutes les études convergent pour démontrer leur primauté.

Les problèmes pédagogiques des ZEP :

Les problèmes pédagogiques cruciaux en ZEP sont les suivants :

- les mauvais résultats aux évaluations CE2 et 6ème :
Il y a dans les ZEP deux fois plus d’élèves faibles qu’ailleurs. D’après les études de la DEP, 15 à 25% d’élèves de ZEP sont de mauvais ou même de très mauvais lecteurs en 6ème, c’est à dire qu’ils ne sont pas aptes à suivre l’enseignement du collège (cf. les travaux de S. Brocollicci).

- l’hétérogénéité des élèves, mais aussi des enseignants, des ressources, des prestations :
Contrairement aux idées reçues, les élèves de ZEP ne se caractérisent pas d’abord par leur homogénéité, mais par leur hétérogénéité. Ils présentent un éventail bien plus large qu’ailleurs de performances et de compétences scolaires. Alors que les élèves faibles sont plus faibles et plus nombreux en ZEP, il est indispensable de se poser la question : comment faire progresser les meilleurs en n’abandonnant pas les plus faibles ? La mise en oeuvre d’une pédagogie différenciée s’impose là de façon bien plus aiguë qu’ailleurs.

- la concentration d’élèves défavorisés :
La concentration d’élèves en difficulté ou défavorisés produit une diminution de la performance scolaire. Ce fait légitime la peur et l’attitude d’un certain nombre de parents qui refusent de scolariser leurs enfants dans un établissement classé en zone d’éducation prioritaire. Pour contrecarrer cette attitude, il faut renforcer l’action pédagogique, y consacrer plus de soin et d’attention.

- les effets maître, établissement, zone, et territoire :
Si ces facteurs ne sont pas propres aux ZEP, leur impact sur des publics fragiles est plus important là qu’ailleurs et les élèves faibles, de milieu populaire ou défavorisé, y sont extrêmement sensibles. Or on sait maintenant que là où la ZEP bénéficie d’un pilotage compétent, motivé, disponible, réunissant dans une action commune l’IEN, le principal du collège et le coordonnateur ZEP, les résultats scolaires sont beaucoup plus satisfaisants.

Il faut donc apporter une attention toute particulière à la qualité :
- des ressources pédagogiques humaines,
- de l’organisation pédagogique du travail,
- du fonctionnement pédagogique des établissements,
- du pilotage pédagogique,
- du partenariat pédagogique dans l’espace éducatif.

Les risques et les effets pervers des actions pédagogiques en ZEP

Mais en plus de cela il faut être attentif à déjouer :

- les risques des actions éducatives en milieu dit défavorisé :
On connaît bien, par la littérature scientifique, les effets pervers que sont la stigmatisation et la marginalisation induites par la mise en oeuvre d’actions éducatives en direction des publics défavorisés (et cela n’a rien à voir avec un effet ZEP). Mais ici encore, compte tenu du contexte et des individus concernés, ce effets pervers revêtent une dimension bien particulière et placent les acteurs pédagogiques et sociaux devant un dilemme : ne rien faire - c’est à dire fuir le problème - ou faire et risquer de stigmatiser, le plus grand des écueils étant de recourir à une attitude conservatrice habillée d’un discours gauchiste et révolutionnaire.

- le glissement ou la dérive des objectifs annoncés :
Il est aisé de passer de l’objectif déclaré (la priorité donnée aux apprentissages scolaires) à l’objectif second (l’ouverture de l’école, l’amélioration de l’ambiance, etc.) et de s’en contenter. La mise en oeuvre des tremplins, des leviers, des accélérateurs sollicités prend alors le pas sur les objectifs pédagogiques poursuivis (l’amélioration des apprentissages). Le cognitif et le didactique passent à l’arrière-plan au profit du « climat » et du socio-éducatif.

- le retournement ou le détournement des mesures spécifiques mises en œuvre :
La création en 1909 des classes de perfectionnement comme structures d’intégration pour des enfants dits anormaux et qui jusque-là étaient exclus de l’école primaire est révélatrice. En effet, l’objectif affiché a été, dans les années 1960-1970, complètement retourné ou perverti : ces structures sont alors devenues des "classes poubelles", des ghettos confiés au dernier enseignant remplaçant nommé dans l’établissement, évolution qui met en lumière le décalage existant entre les discours et certaines réalités locales. Cet exemple doit attirer notre attention sur le fait qu’une structure présentée comme une structure de réussite, de promotion, doit faire l’objet d’un contrôle, d’une vigilance de tous les instants afin d’éviter ce risque de retournement..

Comment éviter et prévenir collectivement ces risques ?
Ces risques peuvent être évités collectivement en veillant à toujours placer la pédagogie au centre de la dynamique ZEP, y compris au centre du recrutement et de la formation des enseignants. Cependant, ce domaine n’est pas exempt de paradoxes. Ainsi, Gérard Chauveau est l’initiateur du dispositif "Coup de pouce Clé" mis en place en collaboration avec l’Apfée. Lors du recrutement des accompagnateurs scolaires, les qualités pédagogiques de ceux-ci sont prises en compte, mais, lors du recrutement des futurs enseignants par l’Education nationale, ces compétences ne sont pas reconnues.
Il faut absolument, en ZEP encore plus qu’ailleurs, placer la question des apprentissages scolaires au centre du dispositif, c’est-à-dire donner la priorité à l’activité intellectuelle des élèves, à leur mobilisation intellectuelle, à leur activité apprenante intelligente et cela dans l’école mais aussi hors de l’école.

Les sept dimensions de l’apprentissage scolaire

C’est à dire en conclusion qu’il faut veiller à la mise en place des sept dimensions de l’apprentissage scolaire :
- la connaissance et les savoir-faire scolaires,
- les méthodes de travail (utiliser son cahier de texte, apprendre sa leçon, etc.),
- les capacités cognitives ou intellectuelles (mieux mémoriser, développer son esprit critique, etc.),
- les attitudes (stimuler la curiosité, respecter la parole d’autrui, etc.),
- la mobilisation de l’intelligence pour réfléchir sur ce que l’on est en train de faire (cf. la méta-cognition),
- le réinvestissement (mettre ses connaissances au service de la découverte du monde),
- le plaisir d’apprendre et de comprendre.

Transcription r&alisée par Claude Vollkringer

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Lire le compte rendu fait par le site Eppée (Epinay-sur- Seine)

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Ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée.

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Voir la Rencontre OZP animée par Gérard Chauveau en mars 2003 sur le thème : "Une politique ZEP peut en cacher une autre"

Documents joints

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