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Des liens entre les ZEP et les grandes écoles se tissent

13 octobre 2006

Extrait de « Libération » du 12.10.06 : L’égalité des chances dans l’éducation

La plupart des grandes écoles, certaines universités et grandes entreprises ont désormais des programmes tournés vers les quartiers défavorisés, en général des tutorats pour les élèves « méritants ». Cette année en outre, pour la première fois, les boursiers qui ont eu la mention bien ou très bien au bac se sont vus proposer une place en classe prépa.

Polytechnique, en janvier dernier, a lancé le programme « une grande école pourquoi pas moi », sur le mode du dispositif mis en place dès 2002 par l’Essec. Chaque mercredi, et ce jusqu’à leur bac, une vingtaine d’élèves de seconde, issus de trois lycées ZEP, vont assister à des ateliers à l’X : connaissance de l’actualité, anglais, montage d’un projet scientifique, etc.

L’université Paris-VI Pierre-et-Marie-Curie a signé à la rentrée une convention avec quatre lycées sensibles d’Ile-de-France. Des étudiants tuteurs rencontrent des terminales ; des bacheliers issus de ces lycées et inscrits à Paris-VI bénéficient d’un accompagnement personnalisé.

Six entreprises télécoms, emmenées par SFR, se sont associées pour aider les jeunes à arriver jusqu’à une formation d’ingénieur. Elles proposent 350 tuteurs, des aides à la recherche de stages, des bourses aux élèves intégrant une école d’ingénieur.

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Extrait de « Libération » du 12.10.06 : La rue d’Ulm prolongée jusqu’en banlieue

Normale sup lance un programme de tutorat pour aider les élèves des lycées difficiles à intégrer l’ENS.

« Ce que je vise maintenant pour mes élèves, c’est Normal sup » : Henri Théodet est le proviseur du lycée Blanqui à Saint-Ouen, un établissement de Seine-Saint-Denis, classé tout à la fois en zone violence et en zone sensible. Plus de 53 % des élèves y sont issus de catégories sociales défavorisées contre 28,6 % au niveau national. Mais le proviseur refuse de baisser les bras. Il a déjà signé une convention éducation prioritaire avec Sciences-Po et a lancé des clas-ses expérimentales de seconde. Et il fait désormais partie des treize premiers lycées impliqués dans le programme de l’Ecole normale supérieure pour promouvoir les élèves des quartiers défavorisés.

Coup d’envoi. L’ENS de la rue d’Ulm se lance à son tour dans la bataille pour « l’égalité des chances ». En présence du ministre de l’Education, Gilles de Robien, la directrice Monique Canto-Sperber a donné le coup d’envoi du programme « Entrer en prépa, entrer à l’ENS, c’est possible ! » Ce projet vise à relancer l’ascenseur social et à refaire de l’ENS un lieu de mixité sociale. En-tre 1951 et 1955, les jeunes d’origine modeste y étaient 29 %, contre 9 % trente ans plus tard. Ils ont aujourd’hui 24 fois moins de chances d’intégrer une grande école que des enfants de cadres ou d’enseignants.

« Nous voulons que notre école, qui fut pendant des décennies la plus ouverte des grandes écoles, retrouve cette vocation, a plaidé Monique Canto-Sperber dans la salle des actes de la prestigieuse maison. Si nous échouons, il faudra en conclure que le monde scolaire est définitivement cloisonné, et que là où on naît, on reste. Pour les anciens élèves de l’école républicaine française que nous sommes, ce serait une conclusion inadmissible. »
Une cinquantaine d’élèves d’Ulm sont impliqués dans le projet qui va toucher, dans un premier temps, quelque 80 lycéens « talentueux » et « travailleurs », généralement de première. Chaque normalien s’occupera de deux élèves. Les tuteurs proposeront deux heures de cours, littéraire ou scientifique, toutes les deux semaines, alternativement rue d’Ulm et sur place, et une heure par semaine de langue. Pour la province, le tutorat se fera à distance par ordinateur. Trois fois par an, les normaliens iront sur place. Les lycéens viendront, eux, deux fois à Ulm pour des stages intensifs.

« D’abord nous allons informer sur les filières de l’ENS, il faut briser la barrière psychologique qui interdit à ces élèves de s’y intéresser, explique Son-Thierry Ly, en première année de biologie à l’ENS. Puis nous accompagnerons les élèves au long de la scolarité, pour faire partager notre passion du savoir plutôt que pour du soutien scolaire. Enfin nous voulons créer un environnement culturel stimulant, conseiller des lectures, encourager la qualité de l’expression. » En faisant cela, « vous allez trouver un supplément de bonheur, un supplément d’âme », s’est exclamé Robien, qui alloue 25 000 euros au projet. Aux côtés notamment de la région Ile-de-France qui donne 20 000 euros.

Mais ce tutorat, ne suffira pas à combler le retard accumulé par des jeunes chez qui souvent il n’y a pas de bibliothèque ni même de livres, et où les conversations sont à mille lieux des discussions livresques au milieu desquelles la plupart des normaliens ont grandi. Or, le principal concours littéraire (intitulé AL) d’entrée à Normale sup comporte essentiellement des dissertations, requérant avant tout d’excellentes qualités d’expression et une vaste culture.

Anonymat. Interrogée, la directrice de l’ENS reconnaît le problème. Et avance plusieurs pistes de réflexion : « On pourrait augmenter la part des épreu-ves techniques, c’est-à-dire de langues ancienne et vivante, et éventuellement en introduire une nouvelle sur la technique argumentative, l’aptitude à raisonner. » Mais pas question de remettre en cause le sacro-saint principe républicain et méritocratique du concours unique et anonyme. Ni de faire de la discrimination positive comme Sciences-Po qui a mis en place un concours d’entrée spécifique pour les candidats issus des ZEP.

« Il y a quelques années, dans nos lycées de banlieue, les conseillers d’orientation ne parlaient même pas de Sciences-Po ou de Normale sup, car il était inimaginable qu’un élève y entre, c’était exclu du paysage, se souvient Henri Théodet qui a ouvert une prépa littéraire dans son lycée et a déjà eu trois sous-admissibles à l’ENS. A partir du moment où cela devient possible, ça donne des ambitions, on ne pense plus que comme on est dans le 93, on ne peut pas, ça renforce l’envie de réussir et de se battre. »

Véronique Soulé

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Extrait de « Marianne » du 13.10.06 : Normale Sup’ dans les ZEP

Dans le but de faciliter l’accès des élèves issus de milieu modeste à l’enseignement supérieur, le ministre de l’Education, Gilles de Robien, a lancé la campagne « 100 000 étudiants pour 100 000 élèves ». Figure de proue de ce programme : l’ENS, qui inaugure un tutorat pour aider les meilleurs lycéens de ZEP à intégrer cette prestigieuse institution.

Le dernier bastion de l’excellence française est tombé. Après Sciences-Po, l’Essec, Polytechnique, voici que l’ENS (Ecole Normale Supérieur) de la rue d’Ulm, qui accueillit sur ses bancs Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron, rejoint le combat des grandes écoles pour l’égalité des chances.

Sa directrice, Monique Canto-Sperber, a dévoilé mardi, en présence d’un Gilles de Robien aux anges, son programme de tutorat « Entrer en prépa, entrer à l’ENS ». But de l’opération : convaincre les lycéens issus des établissements difficiles de banlieues que viser une classe préparatoire et l’ENS n’a rien d’un fantasme.
S’inspirant de la soixantaine de grandes écoles qui promeuvent déjà « l’ouverture sociale », la prestigieuse institution enverra, d’abord à titre expérimental, une cinquantaine de ses élèves dans treize lycées partenaires, de Paris, d’Ile de France et de province. Chacun des étudiants volontaires accompagnera deux des 80 lycéens « talentueux et travailleurs » retenus.

Les tuteurs assureront deux heures de cours littéraire ou scientifique et une heure de cours de langue, toutes les deux semaines, tantôt rue d’Ulm tantôt sur place. Les élèves originaires d’établissements de province suivront le programme via internet mais recevront trois fois par an la visite des Normaliens et seront conviés à des stages intensifs à l’ENS.

Pour Monique Canto-Sperber, il est urgent de rétablir la mixité sociale à Normal Sup’. Au début des années 90, seuls 9 % des admis étaient issus de familles d’ouvriers ou d’employés contre 29 % dans les années 50 ! Afin d’assurer la réussite du projet, un budget de 67.000€ sera alloué à l’ENS.

Cette opération s’inscrit dans le plan 100 000 (étudiants) pour (accompagner) 100 000 (élèves) du ministère, qui veut rénover sa politique dans les ZEP. Le ministre Gilles de Robien espère ainsi persuader les élèves des grandes écoles et ceux en licence universitaire de renseigner les lycéens de l’éducation prioritaire sur leurs possibilités d’orientation.

L’ENS prévoit aussi une aide matérielle pour acheter des livres ou financer un séjour linguistique à l’étranger. Cette expérience qui s’étalera sur quatre ans - de la première au concours d’entrée après deux ans de prépa - et qui amènera les Normaliens à « suivre les élèves les plus prometteurs » et à les « aider à s’inscrire en classe préparatoire », ne fait pas l’impasse sur les autres lycéens. La démarche de sensibilisation sur les filières de l’ENS, qui veut briser le cycle de l’autocensure et valoriser le goût du travail, s’adressera à l’ensemble de la classe.

Pas question non plus de toucher au sacro-saint concours républicain, quitte à diminuer la portée et l’efficacité de l’opération. L’ENS refuse de suivre le chemin de la discrimination positive développé par Sciences-Po, qui a créé une filière d’admission propre aux élèves issus de ZEP. Quelques heures de tutorat et de conversation par semaine suffiront elles à combler le retard de culture générale des lycéens chaperonnés ? Les épreuves de sélection reposent sur des dissertations qui exigent une expression solide et la maîtrise de nombreuses références culturelles.

Monique Canto-Sperber est la première à admettre les faiblesses de la stratégie normalienne. Pour éviter le scénario « pansement sur une jambe de bois », elle réfléchit à l’introduction d’épreuves techniques, langues vivantes et anciennes, aptitude à raisonner, etc. Un petit pas peut-être mais malgré tout, un signe encourageant d’une évolution de la méritocratie à la française.

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