Traiter professionnellement la difficulté scolaire

16 octobre 2006

Extrait de « L’Expresso » du 04.10.06 : Difficulté scolaire et stigmatisation

Nous assistons à une diabolisation des difficultés des enfants. On est devenu très exigeant sur un formatage en fonction de l’âge, du milieu, etc. Tout le monde est inquiet, les enfants aussi. Pourtant, ne pas rentrer dans un schéma préétabli peut être un signe de bonne santé ! Les exigences sont telles qu’ils n’ont plus le droit ni la possibilité de prendre leur temps, d’être autrement. Il y a là un paradoxe entre leurs besoins pour se développer à leur propre rythme et les exigences sociales que les enseignants ont à assumer, en particulier face aux familles". Fenêtres sur cours n°289 propose un important dossier sur la difficulté scolaire. Il donne la parole à Martine Lani-Bayle, université de Nantes, qui invite à se méfier des stigmatisations.

"Il est important que l’enseignant garde une certaine distance face à ces exigences normatives. Il ne doit pas perdre de vue, derrière des manifestations ponctuelles - stigmatisées comme difficultés - qu’il y a un enfant et pas simplement un élève. Mais il doit aussi toujours rester en état de veille : toute manifestation faisant penser à une gêne manifeste, à une souffrance, doit alerter. Pourtant, il n’est pas facile de faire la part des choses".

"Fenêtres sur cours", magazine du SNUipp, (FSC) N° 289

Extrait de « fenêtres sur cours » n° 289 :

Difficulté scolaire

une question professionnelle

Le monde en parle, tout le monde l’a vue, mais sa définition reste cependant complexe : qu’est-ce que la difficulté scolaire « ordinaire », cette difficulté que l’enseignant repère chez un élève qui n’a a priori aucun handicap physique, sensoriel ou mental trop lourd pour autoriser une scolarité classique ? Comment la repère-t-on, quelles sont ses frontières, comment peut-on y remédier ?

Autant de questions qui interrogent la professionnalité enseignante et auxquelles "Fenêtres sur cours », en ouvrant ce dossier, n’ambitionne pas de donner une réponse exhaustive, mais plutôt quelques pistes à partir de travaux récents.

Nous avons choisi de les aborder autour de quelques mots clefs : motivation, représentations, notation, pédagogie différenciée... "Personne n’est en difficulté tout seul, ça n’existe pas. On ne peut pas isoler l’élève par rapport à des difficultés dont il serait détenteur". Martine Lani-Bayle, professeure de sciences de l’éducation à l’université de Nantes, travaille depuis des années sur l’épineux sujet de la difficulté scolaire. Elle pose le problème sans ambages. La difficulté scolaire « ordinaire » n’est pas une propriété intrinsèque de l’élève, mais le fruit d’un rapport entre lui, l’enseignant, la classe, l’école, la société même dans son ensemble. En poussant un peu le trait, on peut aller jusqu’à dire que la question n’est pas d’identifier un élève en difficulté, mais d’identifier un problème dans la difficile machine professionnelle qu’est l’école.

Que ce problème se porte sur un individu particulier n’enlève rien à l’approche professionnelle. Elle ne fait que la rendre plus humaine. Tous les enseignants le savent : faire porter la responsabilité sur le seul élève est non seulement injuste, mais contreproductif. Cette stigmatisation peut produire des classifications comme le fameux « tu n’arriveras jamais à rien », et ne fait qu’enfoncer l’élève dans l’échec. Elle est en quelque sorte une manière de se débarrasser du problème.

Dans ce cadre, la relation enseignant/enfant n’est pas neutre : les témoignages abondent (voir pages 14-15) comme celui d’Oriane qui savait lire en CP, mais avait oublié en CE1. Il s’est forcément passé quelque chose qui interroge l’équipe éducative. Les facteurs de difficulté sont multiples. L’école doit aussi tenir compte des conditions de vie fragilisées pour un certain nombre d’enfants, que ce soit sur le plan familial, social (chômage, précarité) ou culturel. Elle se doit d’offrir un cadre sécurisé et rassurant sans lequel les enfants risquent de se mettre en échec. C’est ici que le métier est interrogé : non seulement en gardant une nécessaire souplesse sur les « normes » de réussite que toute société produit, mais encore en posant le problème non pas comme celui d’une personnalité (même si c’est ainsi qu’il s’exprime) mais comme un défi posé aux professionnels. Ceux-ci ont de plus en plus d’arguments pour y répondre. Ils sont parfois à double tranchant (voir page 16) : se voulant correcteurs, ils s’avèrent pénalisants, comme par exemple le redoublement.

S’attacher à analyser comment un élève particulier apprend, amène forcément des changements dans l’organisation de la classe : travail en groupe, mise en place de tutorat, élaboration de projets... (voir page 14) Les recherches et les témoignages montrent que les élèves s’engagent plus facilement dans les apprentissages, même s’ils sont en difficulté, lorsqu’ils donnent du sens aux activités et qu’ils mettent des mots sur leurs apprentissages.

Le dispositif de programme personnalisé de Réussite Educative (PPRE), seule réponse du ministère pour la difficulté scolaire, insiste plus sur l’engagement réciproque de l’école d’un côté, et de l’enfant représenté par ses parents, de l’autre. La primauté donnée à la sommation de réussite présente, comme on l’a vu plus haut, des risques de contre-productivité. Tous les moyens pour accompagner les élèves en difficulté ne sont déjà pas à la hauteur : les réseaux d’aides, quand ils existent, sont souvent incomplets, les maîtres supplémentaires, en ZEP et en CP doivent être en mesure de poursuivre leurs missions initiales.

Enfin, la formation continue reste le talon d’Achille du système éducatif. Porter une attention prioritaire à la difficulté scolaire demande un effort sans précédent de développement de la formation des personnels : analyser les difficultés d’apprentissage parti doivent être en mesure de poursuivre leurs missions initiales. Enfin, la formation continue reste le talon d’Achille du système éducatif. Porter une attention prioritaire à la difficulté scolaire demande un effort sans précédent de développement de la formation des personnels : analyser les difficultés d’apprentissage particulières de chaque enfant, adapter ses pratiques, nécessitent que soient mis à disposition des équipes pédagogiques, de nouveaux outils, de nouvelles connaissances. Et la formation initiale commence à peine à se saisir de cette question éminemment professionnelle

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