La mixité sociale traitée dans « Fenêtres sur cours »

21 octobre 2006

Extrait de « L’Expresso » du 20.10.06 : Mixité sociale et sectorisation dans FSC

"Oui, des études récentes montrent que selon les territoires, les chances de réussite des élèves peuvent être différentes. Cela s’explique en partie par la plus ou moins grande mixité sociale des écoles et des établissements ; par la stabilité ou l’instabilité des équipes, par l’expérience ou à l’inexpérience des professionnels, par la coopération des différents acteurs en interne et à l’externe de l’école. Or, les familles ne sont pas égales face à ce qui au final s’agrège et constitue cet « effet territoire » car certaines, parce qu’elles ont plus de ressources peuvent s’en affranchir plus facilement que d’autres". Fenêtres sur Cours n°290 offre un important dossier sur la sectorisation.

Il mêle témoignages d’enseignants et de chercheurs comme la géographe Catherine Barthon et la sociologue Brigitte Monfroy. Pour elles, l’école garde sa place dans la lutte contre la ségrégation. "Certaines observations locales montrent en effet que la mixité résidentielle n’a pas forcément d’incidence sur la mixité à l’école. Pour cette raison, il faut aussi chercher des solutions du côté de l’école. C’est d’abord en travaillant à rendre plus égalitaire l’offre de formation et en maintenant un objectif commun de réussite pour tous les élèves que l’on réduira les écarts. On sait aujourd’hui que là où se mettent en place des expérimentations, du travail en équipe, des fonctionnements innovants dans certains quartiers défavorisés, la réussite des élèves et l’attrait du projet pédagogique suffisent à rendre de nouveau attractives ces écoles et à leur conférer davantage de mixité. Le vrai défi à relever aujourd’hui est sans doute à chercher du côté de ces expériences en les transférant et en assurant leur pérennité".

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Un extrait de « Fenêtres sur cours »

L’école marche mieux au mélange

La mixité sociale fait débat : enjeux sociaux et éducatifs autour de la sectorisation

« Selon les territoires, les chances de réussite sont différentes »

Catherine Barthon, Géographe et Brigitte Monfroy, sociologue sont enseignantes-chercheuses à l’IUFM Nord-Pas-de-Calais. Elles ont mené une recherche sur les phénomènes de ségrégation sociale et scolaire.

Que recouvre le terme de mixité sociale ?

Au sens premier, il s’agit du mélange, du brassage des différents groupes sociaux. Si cette notion semble faire consensus dans le discours politique, elle fait en revanche l’objet d’un vif débat chez les urbanistes et les sociologues. Se pose notamment le problème de sa mesure : à partir de quel seuil peut on parler de mixité ou de ségrégation ? Ce qui renvoie aux vrais problèmes liés à cette notion : les inégalités sociales et scolaires, le rapport à l’ethnicité...

Un constat semble aujourd’hui partagé, celui du déficit de mixité sociale...

Oui, mais ce constat doit être nuancé. D’un point de vue géographique, l’absence de mixité sociale concerne avant tout certains quartiers des grandes villes et des banlieues. Il en va ainsi des quartiers « prioritaires » qui concentrent une population très défavorisée dont toute une partie est issue de l’immigration mais aussi, à certains égards, des quartiers de la haute bourgeoisie qui constituent à leur manière une forme de ghetto, même si dans ce cas, le déficit de mixité ne semble poser de problème à personne. L’entre soi social et culturel se développe créant ainsi des quartiers de relégation social.

Et en conséquence de relégation scolaire ?

En effet, si les travaux montrent que la ségrégation scolaire est même plus forte que la ségrégation urbaine, l’école contribue elle-même à des formes de fragmentation sociale. Les familles se voient dans l’obligation d’avoir des stratégies actives pour offrir à leurs enfants un environnement de vie et des parcours scolaires qui leur donnent des chances de réussite. D’autant que plusieurs facteurs jouent dans ce sens : l’influence locale du secteur privé qui fonctionne en dehors de toute contrainte territoriale, la différenciation parfois précoce de l’offre de formation avec des classes à projets ce qui introduit une concurrence entre établissements pour attirer ou garder les « bons élèves » et même le poids des politiques institutionnelles qui accompagnent cette concurrence par une sectorisation très assouplie.

Le territoire paraît donc être devenu un déterminant majeur des inégalités scolaires...

Oui, des études récentes montrent que selon les territoires, les chances de réussite des élèves peuvent être différentes. Cela s’explique en partie par la plus ou moins grande mixité sociale des écoles et des établissements ; par la stabilité ou l’instabilité des équipes, par l’expérience ou à l’inexpérience des professionnels, par la coopération des différents acteurs en interne et à l’externe de l’école. Or, les familles ne sont pas égales face à ce qui au final s’agrège et constitue cet « effet territoire » car certaines, parce qu’elles ont plus de ressources peuvent s’en affranchir plus facilement que d’autres.

Qu’est-il possible d’envisager pour contrer ces dynamiques de concentration ?

Il existe sans doute plusieurs niveaux de réponses. La lutte contre la ségrégation passe d’abord par la réduction des inégalités sociales, les écarts de conditions de vie et de revenus étant de plus en plus importants. Ensuite, des politiques d’habitat et de peuplement allant dans le sens d’une plus grande mixité doivent être mises en oeuvre.

C’est l’un des objectifs affiché de la politique de la ville (rénovation de l’habitat, dynamitage de tours ou barres HLM...). Or celle-ci se heurte à un obstacle majeur : celui du retour hypothétique des classes moyennes dans les quartiers prioritaires. D’autant que, pour si importantes qu’elles soient, il ne faut pas pour autant surestimer le poids des politiques urbaines. Certaines observations locales montrent en effet que la mixité résidentielle n’a pas forcément d’incidence sur la mixité à l’école.

Pour cette raison, il faut aussi chercher des solutions du côté de l’école. C’est d’abord en travaillant à rendre plus égalitaire l’offre de formation et en maintenant un objectif commun de réussite pour tous les élèves que l’on réduira les écarts. On sait aujourd’hui que là où se mettent en place des expérimentations, du travail en équipe, des fonctionnements innovants dans certains quartiers défavorisés, la réussite des élèves et l’attrait du projet pédagogique suffisent à rendre de nouveau attractives ces écoles et à leur conférer davantage de mixité. Le vrai défi à relever aujourd’hui est sans doute à chercher du côté de ces expériences en les transférant et en assurant leur pérennité.

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