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Clichy-sous-Bois (93) : un cumul de difficultés

23 octobre 2006

Extrait de « Libération » du 21.10.06 : Clichy, des chiffres pour le dire

Chômage, démographie, logement...

Tous les indicateurs révèlent les maux de la ville

Des chiffres pour raconter les maux concentrés de la banlieue. C’est une autre façon de raconter Clichy-sous-Bois, un an après la mort de Zyad et Bouna. A partir des statistiques (1) rassemblées dans ses recherches par le sociologue Laurent Mucchielli, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), Libération esquisse une photographie de la ville qui montre la précarité des conditions de vie et l’accumulation de la faiblesse des ressources de la commune et de ses habitants.

47 % des Clichois ont moins de 25 ans

La population de Clichy-sous-Bois est l’une des plus jeunes d’Ile-de-France, avec 47 % de moins de 25 ans, contre 32 % pour la région. La commune voisine du Raincy en compte seulement 29 %. La population scolaire équivaut à celle d’une ville de 50 000 habitants alors qu’elle n’en compte que 28 300. « Cette jeunesse est à la fois une richesse et une priorité politique », explique Olivier Klein, premier adjoint. La mairie doit supporter le poids financier de 28 écoles, mais aussi prendre en compte la place des jeunes dans la ville (centre de loisirs, terrain de sports, bibliothèque) et gérer leur présence dans l’espace public en fin de journée. C’est une conséquence d’une autre spécificité : la ville compte 12,4 % de ménages de 6 personnes et plus, 28,6 % de familles de trois enfants et plus alors que, pour ce dernier indicateur, la moyenne nationale est de 10,8 %.

Les logements existants n’étant pas adaptés à ces familles nombreuses, les enfants se retrouvent au pied des immeubles. « Une grande majorité ne sont pas des délinquants. Ils sont dehors parce qu’ils y sont mieux que chez eux », estime Olivier Klein. Faute de place à la maison, la bibliothèque fonctionne comme une salle d’études. Clichy dispose aussi d’un conservatoire, trois gymnases (le quatrième a brûlé lors des émeutes), un stade, six cours de tennis (mais pas de piscine), deux centres sociaux et une maison de la jeunesse. « Nous avons également un problème de décohabitation des jeunes avec leurs parents, explique Olivier Klein. Faute d’emplois et de logements disponibles, ils sont dans l’impossibilité de quitter le domicile familial. »

On parle plus de 70 langues à Clichy, qui a 33 % d’habitants de nationalités étrangères contre 19 % dans le département. « La difficulté, ce n’est pas l’origine des habitants, mais leur pauvreté, affirme Olivier Klein. Beaucoup de gens partent de Clichy quand ils ont résolu leurs difficultés. L’enjeu, c’est de leur donner envie de rester quand ils vont mieux. »

32,8 % de non-diplômés parmi les 15 ans et plus

A Clichy-sous-Bois, plus du tiers des plus de 15 ans sont sans diplôme, alors que la moyenne nationale est de 20,7 %. La ville veut réduire à tout prix ce chiffre « parce que l’on n’a pas le droit de laisser un gamin au bord de la route », affirme Olivier Klein, élu mais aussi professeur de physique-chimie. A l’instar d’autres villes de banlieue, Clichy a sa « Soirée de la réussite » où elle met en avant le parcours scolaire de ses habitants. Pas facile pourtant de vanter les mérités de l’école républicaine auprès d’une jeunesse entourée de diplômés au chômage.

La ville met en place des équipes de réussite éducative pour accompagner individuellement 450 enfants issus des trois collèges de Clichy, ainsi que leurs familles. 13 % des jeunes Clichois ont un retard de deux ans et plus en entrant en 6e (5,5 % en moyenne en Seine-Saint-Denis). Pour l’année scolaire 2004-2005, les élèves évalués en CE2 ont fourni 67 % de bonnes réponses en français (72 % au niveau national) et 56 % en mathématiques (71 % au niveau national). Pour l’évaluation réalisée en 6e, les collégiens clichois ont fourni 54 % de bonnes réponses en français (contre 64 %) et 51 % en mathématiques (contre 64 %).

L’année dernière, le taux de réussite au brevet des collèges a été de 60 % à Clichy-sous-Bois contre 68 % en Seine-Saint-Denis et 78 % au niveau national. « En revanche, notre moyenne de réussite au bac est légèrement supérieure à la moyenne de l’académie de Créteil », affirme Olivier Klein. Après le bac, les Clichois subissent l’enclavement : en l’absence de gare et de voie rapide, l’université la plus proche est à 1 h 30 de bus. Certains doivent renoncer à certaines filières, faute de transports.

23,5 % de taux de chômage

Quand le chômage est de 12,8 % au niveau national, il est de dix points supérieur à Clichy (23,5 %), mais seulement de 9 % au Raincy. Ce sont les jeunes qui en souffrent le plus (32 % chez les 15-24 ans contre 26,8 % au niveau national). Le chômage frapperait aujourd’hui plus de 40 % des jeunes dans certains quartiers. « Nous éprouvons un sentiment d’impuissance car ce problème dépasse les compétences municipales, affirme Olivier Klein. Ce n’est pas la commune qui va embaucher tous les sans-emploi, et nous n’avons pas de réserve foncière pour faire venir des entreprises. » L’enclavement de la ville barre l’accès à l’emploi à toute une partie de la population sans voiture (un tiers des ménages), car il n’y a pas de transport en commun à l’heure où des pôles comme Roissy ou Marne-la-Vallée embauchent.

A diplôme égal, un employeur préfère embaucher un jeune de Sevran ou d’Aulnay-sous-Bois, villes desservies par le RER, plutôt qu’un Clichois, qui mettra plus de temps pour arriver au travail. L’emploi est synonyme de précarité (CDD, intérim ou en stage) pour 16,1 % des salariés de Clichy. Un tiers (31,1 %) des hommes de moins de 25 ans travaillent à temps partiel (17,8 % en France). Parmi les actifs, 71,1 % sont employés et ouvriers contre 60,9 % au niveau du département et 51,9 % au niveau national.

617euros de dépenses par habitant

La municipalité de Clichy peut dépenser 617 euros par an et par habitant, quand la moyenne nationale est de 992 euros. Les recettes provenant de la taxe professionnelle sont réduites, faute d’entreprises. La ville vit essentiellement sur les aides de l’Etat que sont la dotation globale de fonctionnement et la dotation de solidarité urbaine (DGF et DSU, 41 % et 38 % des recettes communales). Clichy est une ville pauvre qui doit assumer une population pauvre : le revenu annuel moyen par habitant est de 4 542 euros contre 10 216 euros dans les communes de plus de 10 000 habitants ; 10 % des actifs sont bénéficiaires du RMI et 75 % des collégiens sont issus de milieux défavorisés, contre 55 % en Seine-Saint-Denis.

2 700 logements dégradés

Contrairement à beaucoup de villes de banlieue, Clichy-sous-Bois compte peu de HLM, à peine 30 %. Sur un total de 9 000 logements, la moitié sont en copropriété. « La majorité du logement collectif est situé dans des copropriétés qui se sont paupérisées et dégradées depuis vingt ans, analyse Olivier Klein. Le paradoxe, c’est que les gens qui sont aujourd’hui copropriétaires sont exclus du logement social car ils ont des revenus insuffisants. » Avec 510 logements, la Forestière est la copropriété la plus endettée de France.

8,8 médecins pour 10 000 habitants

Il y a 8,8 médecins pour 10 000 habitants à Clichy-sous-Bois contre 15,1 médecins en Seine-Saint-Denis. Quand les salles d’attentes sont bondées, les patients se tournent vers l’hôpital de Montfermeil et confondent service d’urgences et médecine de ville. Le déficit concerne d’autres métiers de la santé. « Tous les professionnels sont surbookés. Quand il y a un déficit national en matière de santé, il est encore plus criant à Clichy qu’ailleurs. Quand ma fille fait un bronchiolite, c’est la croix et la bannière pour trouver un kinésithérapeute qui lui fasse de la kiné respiratoire », affirme un père. La santé a un coût parfois inaccessible pour les plus défavorisés : la mairie a mis en place une action financière dans le cadre de la délivrance des certificats médicaux pour le sport.

Zéro commissariat de police

Quand les Clichois composent le 17, ils alertent le commissariat de la ville voisine du Raincy. Clichy-sous-Bois attend la construction de son commissariat, décidée par Nicolas Sarkozy. Il sera commun avec la ville voisine de Montfermeil. Le ministère de l’Intérieur a retenu un terrain limitrophe aux deux communes, situé à Clichy, rond-point des Libertés.

(1) Sources : Insee, recensement 1999, ministères de l’Education, de l’Emploi, ville de Clichy-sous-Bois.

Jacky Durand

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