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Pour J-M. Petitclerc, l’erreur a été de penser zonage.

27 octobre 2006

Extrait du « Nouvel Obs » du 26.10.06 : « Il faut sortir les gamins du ghetto »

Jean-Marie Petitclerc : polytechnicien, prêtre, éducateur de rue, Jean-Marie Petitclerc travaille depuis vingt-cinq ans auprès des jeunes des quartiers défavorisés. Il dirige depuis dix ans le Valdocco, un centre de prévention à Argenteuil, dans les Yvelines (auteur de « Enfermer ou éduquer ? », éditions Dunod, 2004).

Le Nouvel Observateur. - Il y a un an, la mort de deux jeunes de Clichy mettait les banlieues à feu et à sang...

Jean-Marie Petitclerc. - Je suis étonné que l’on attribue l’origine des émeutes de 2005 à la mort accidentelle de ces deux jeunes. Il y a eu d’autres incidents. Et on oublie surtout que le drame s’est passé trois jours après les maladresses de Sarkozy à Argenteuil, quand il avait parlé de « racaille » ! C’est la conjonction de plusieurs événements qui a provoqué l’embrasement.

N. O. - C’est aussi l’échec de la politique de la ville...

J.-M. Petitclerc. - L’erreur collective, depuis trente ans, c’est d’avoir pensé cette politique en termes de zonage : « zones franches urbaines », « zones sensibles », « zones d’éducation prioritaire »... Il est criminel de scolariser en bas de sa tour un gamin de 12 à 16 ans. Il y est ensuite scotché. Ce zonage est un enfermement. Il n’a pas permis d’enrayer la spirale de paupérisation. Ni celle de la violence. Il a juste renforcé la ségrégation.

N. O. - L’école ne joue pas son rôle de rattrapage social ?

J.-M. Petitclerc. - Dans un collège en ZEP, il est dangereux d’être premier de la classe. La culture des pairs est très forte. Pour exister au regard des copains, il faut être dans un rapport agressif à l’institution, puisque cette institution est décrédibilisée : les gamins voient un tel fossé entre le discours sur l’égalité des chances et ce qu’ils constatent au quotidien.

N. O. - Quelles pistes pour les sortir de la crise ?

J.-M. Petitclerc. - Je crois à la mixité sociale et à la mobilité. Il faut repenser la carte scolaire en l’élargissant à un « bassin », où les parents auraient le choix entre trois établissements, qui scolariseraient ensemble des jeunes de centre-ville et des jeunes des quartiers périphériques. Cela dynamiserait les équipes pédagogiques. Et pour casser la logique de ghetto, il faut imposer aux promoteurs, quel que soit l’emplacement de leur programme immobilier, de construire 20% de logements sociaux. Enfin il faut faire sortir les jeunes de leur quartier. Plutôt que de financer un conservatoire sur place, par exemple, choisissons de le mettre en centre-ville, quitte à recruter un éducateur spécialisé pour faciliter leur accueil.

N. O. - Mais comment casser la logique du caïdat ?

J.-M. Petitclerc. - En accompagnant davantage, en proposant d’autres modèles. Généralement, sur 1 000 jeunes d’une zone sensible il y en a 250 parfaitement intégrés. On ne les remarque pas. A l’autre bout de la chaîne, il y a 150 jeunes complètement exclus, très visibles : nos émeutiers. Et au milieu, 600 qui sont tirés vers les uns ou vers les autres. Il faut une prise en charge plus ciblée de ces « noyaux durs » de la délinquance, avec des éducateurs plus nombreux, qui « approchent, accrochent et accompagnent ». Au Valdocco, les jeunes bénéficient d’une continuité éducative. Ils rencontrent tous les adultes qui interviennent dans leur vie d’adolescent : éducateur, professeur, responsable de soutien scolaire, assistante sociale... J’ai croisé une maman voilée hier. Son fils est en classe prépa à Condorcet. Jamais il ne s’y serait retrouvé s’il n’avait trouvé sur son chemin le Valdocco, avec ses polytechniciens, qui, depuis dix ans, y font leur service civique. De telles rencontres sont déterminantes dans le parcours de ces jeunes qui sont souvent incapables de se projeter dans des études longues.

Propos recueillis par Caroline Brizard et Gérard Muteaud

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