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La politique des ZEP est-elle en bout de course ? (Eric Morin à La Croix)

18 novembre 2004

Extrait de « La Croix » du 08.11.04 : la politique des ZEP en bout de course ?

Eric Maurin : « Le principe qui est de donner plus à ceux qui ont moins est mal mis en œuvre »

Lancée en 1982, la politique des zones d’éducation prioritaire (ZEP) ne donne plus de résultats satisfaisants. Eric Maurin, économiste, chercheur au groupe de recherche en économie et statistique (CNRS), publie un livre sur les limites des politiques d’aide qui ciblent des territoires : Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social. Seuil, 95p., 10,50 euros.

« Les résultats de la politique de ZEP sont très décevants : les moyens mis en œuvre sont globalement importants, mais l’impact sur la réduction de l’inégalité des chances ou de l’échec scolaire est très faible. Bénéficier des ressources ZEP (prime aux enseignants, taille réduite des classes) n’a aujourd’hui, en moyenne, aucun effet significatif sur la progression des élèves.

Le problème des ZEP n’est pas dans leur principe – « donner le plus à ceux qui ont le moins » - mais dans le choix de cibler des territoires plutôt que des publics. Premier problème, une politique de territoires n’atteint que très imparfaitement les publics en difficulté. Nombre de ZEP ne sont aujourd’hui guère différentes de la moyenne des non-ZEP du point de vue des élèves et des familles qui les fréquentent. Deuxième difficulté, une politique territorialisée est en pratique très rigide à piloter car les moyens des zones qui s’en sortent ne sont jamais réalloués à celles qui s’enfoncent. Autrement dit, on entre en ZEP mais on en sort que très rarement.

L’inflation du nombre de zones (800 aujourd’hui) tend à diluer l’effort tout en multipliant les effets de stigmatisation. Les classes moyennes et supérieures évitent en effet soigneusement de s’installer en ZEP, ce qui a pour conséquence une dégradation progressive des contextes de scolarisation dans ces zones.

Aujourd’hui, près de 20 % des élèves sont dans une ZEP, mais le surcroît de ressources pour chacun de ces élèves atteint à peine 10%. Mauvais ciblage, stigmatisation multipliée, surcroît de ressources très faibles, pas étonnant que les résultats soient finalement très inquiétants.

Il faut changer de logique : aider les écoles en fonction non pas du territoire où elles se situent, mais en fonction des publics qui les fréquentent et des progressions effectives des élèves. Les Pays-Bas parviennent ainsi à multiplier par deux les ressources allouées en direction des enfants des familles pauvres ou immigrées. Leur ciblage est dix fois plus performant que le nôtre. « Donner plus à ceux qui ont le moins » en réduisant la taille des classes, ou en apportant une aide sociale spécifique aux familles pauvres ayant des enfants en bas âge, est une politique extrêmement efficace, mais encore mal mise en œuvre ».

Propos recueillis par Bernard Gorce.

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