Rencontre OZP sur les inégalités de mise au travail des élèves : le compte rendu de ToutEduc

22 mai

Les élèves favorisés et défavorisés ont les mêmes programmes, mais pas les mêmes enseignements (ouvrage)

Et si "l’encouragement actuel à différencier les objectifs selon les ’besoins particuliers’ des élèves sans que ces ’besoins’ fassent l’objet d’un travail complexe d’évaluation" contribuait "au creusement des inégalités sociales à l’école" ? C’est à cette question que répondaient, mercredi 14 mai dans le cadre des rencontres de l’OZP (l’observatoire de l’éducation prioritaire) Elisabeth Bautier et Marion Van Brederode qui ont dirigé la publication d’une "analyse de cahiers d’élèves socialement différenciés".

Les deux auteures connaissent bien les recherches qualitatives qui montrent que les attendus ne sont pas les mêmes dans toutes les classes. Il ne s’agit pas des "exigences" qui sont définies par des programmes nationaux et qui sont identiques sur tout le territoire (métropolitain, ndlr). Mais ceux-ci listent des connaissances à acquérir, ils ne disent pas "ce qu’il faut comprendre", ils ne définissent pas une posture. Laisser un élève dire "la plage" au lieu de "le littoral", c’est le laisser dans la position du touriste au lieu de l’amener à celle du géographe. Mais comment passer du qualitatif, de l’observation de quelques classes, au quantitatif et à une description fine des attitudes des enseignants ? Les auteures ont étudié des cahiers d’élèves de 6ème comme autant de traces "objectivables" du travail effectivement fait en classe, en se concentrant sur deux disciplines, français et SVT.

Il s’agit "d’identifier des variations dans les fréquences d’exposition à des tâches potentiellement inégales" entre "des établissements d’Education prioritaire et ceux dont la population est bien plus favorisée". Dans un collège favorisé, une consigne demande aux élèves d’interpréter des résultats, les réponses ne sont pas identiques d’un cahier à l’autre, comportent des fautes d’orthographe et des corrections en rouge, elles sont donc le produit d’un travail des élèves. Dans le collège défavorisé, le texte est identique, ce qui amène à supposer "que la phrase a été recopiée" et que les élèves n’ont pas été sollicités "sur une activité d’interprétation". Cette différence entre des registres différents (les auteures parlent de régimes majeur et mineur) est très nette en grammaire, dans les établissements défavorisés, on insiste sur des procédures à appliquer sans observation du fonctionnement de la langue.

Les écarts entre les cahiers "peuvent sembler peu significatifs tant ils sont peu importants", mais "ils s’observent de manière répétitives" et leur accumulation "peut finir par avoir des effets très différenciateurs", même si les élèves "fréquentent à peu près les mêmes savoirs et les mêmes activités cognitives".

"Des différences curriculaires en classe de 6ème, une analyse de cahiers d’élèves d’établissements socialement défavorisés", sous la direction d’Elisabeth Bautier et Marion Van Brederode (les autres auteurs sont Stéphane Bonnéry, Céline Piquée, Marianne Woolven, Marceline Laparra, Elise Vinel, Martine Champagne-Vergez, Maïra Mamède), 160 p., 19€.

Extrait de touteduc.fr du 21.05.25

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