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Le rapport du Sénat (8) : les propos de Raymonde Le Texier, sénatrice

16 février 2007

Extraits du site du Sénat, le 05.02.07 : La rapport sur le nouveau pacte de solidarité pour les quartiers

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M. Alex TÜRK, président.- Je passe la parole à Mme Le Texier.

Mme Raymonde LE TEXIER.- Même si nous avons l’air critique, ce qui est facile, notre rapporteur ayant donné le ton, il n’est pas inutile de vous rappeler que, si nous sommes ici en tant qu’élus, ce n’est pas parce que nous pensons avoir la science infuse, mais parce que, les uns et les autres, là où nous sommes élus, nous nous confrontons à cette politique de la ville sur laquelle nous nous interrogeons beaucoup et que nous nous demandons en gros pourquoi elle ne fonctionne pas. Il est vrai que, pour arriver à avoir une réponse et des projets plus efficaces quant à leurs résultats, il faudrait que nous sortions de notre langue de bois et que nous arrêtions de nous justifier les uns et les autres en disant : « La soupe est bonne, mon général ! »

Je m’interroge à haute voix devant vous s’agissant du bilan des ZEP. Je suis élue dans le val d’Oise depuis une trentaine d’années à Villiers-le-Bel et je partage l’analyse qui a été faite sur le saupoudrage des ZEP. Les « réseaux ambition réussite » devraient régler en partie le problème, mais, s’agissant des collèges et des « réseaux ambition réussite » qui sont retenus dans mon département, je ne sais pas comment se sont faits les choix parce que je n’y retrouve pas mes petits. Le potentiel fiscal de Villiers-le-Bel se situe entre la Corse et les Antilles : c’est la ville la plus pauvre d’Île-de-France.

M. Bernard SAINT-GIRONS.- Non. C’est Clichy-sous-Bois.

Mme Raymonde LE TEXIER.- Nous sommes peut-être battus par Clichy-sous-Bois, mais je vous assure que c’est une ville très pauvre, multiethnique, dans laquelle il n’y a que des logements sociaux et qui est en ZEP, naturellement. Les « réseaux ambition réussite » lui étant passés sous le nez, j’aimerais qu’on nous explique un jour comment se sont faits les choix. Comme je ne suis pas du tout paranoïaque, je n’ai pas de mauvaise pensée, mais je regrette que nous ne soyons pas retenus et je ne comprends vraiment rien à cela.

Toujours sur ce bilan des ZEP, je partage assez les analyses que vous avez faites les uns et les autres. Vous avez évoqué le gaspillage que représentait le passage de 27 à 25 élèves sans investissements pédagogiques en face. Effectivement, le bât blesse sur ce point : cela ne sert à rien et ne relève que d’un niveau symbolique. Vous avez parlé également de problèmes de formation ainsi que de la difficulté et de la déprime des enseignants. Tout cela soulève le problème de la formation. Je pense qu’un jeune enseignant peut tout à fait tenir le coup dans une ZEP à condition qu’il soit formé et soutenu et qu’il puisse prendre du recul avec d’autres professionnels qui ne sont pas confrontés au quotidien à l’enseignement.

Tout cela m’amène à vous demander ce que vous pensez des expériences qui sont conduites dans certains pays d’Europe du nord, notamment aux Pays-Bas, au Canada et même aux États-unis, où, au lieu de mettre 8 % de moyens supplémentaires dans une multitude d’écoles en ZEP, on a ciblé les écoles qui avaient besoin d’être en éducation prioritaire et on a mis entre une fois et demie et deux fois plus de moyens dans ces écoles que dans les écoles ordinaires. Que pensez-vous de ces pays qui se donnent les moyens, dans ces écoles en difficulté situées dans des quartiers en difficulté, d’avoir non pas 25 élèves au lieu de 27 mais 15 élèves et trois adultes par classe ?

Il est possible que la solution soit là, que les résultats seraient sans doute meilleurs et que les déprimes des enseignants qui n’ont qu’envie d’aller ailleurs et de respirer ne se poseraient pas de la même manière.

S’agissant des adversaires éducatifs, question qui a été posée par mon collègue, et de ces écoles en ZEP, que pensez-vous du fait (vous n’avez pas évoqué la problématique parce qu’elle est peut-être évidente à vos yeux) qu’elles sont situées dans des quartiers difficiles ? Je pense à certaines expériences conduites aux États-unis où, à chaque fois que l’on a pu extraire des enfants pauvres, scolarisés dans une école pauvre, vivant dans un quartier où il n’y a que des pauvres, pour les mettre dans un quartier plus favorisé, on est arrivé à des résultats spectaculaires.

Je pense à une expérience que vous devez connaître par coeur : 130 enfants de 4 et 5 ans séparés en deux groupes : un groupe témoin qui continue de vivre sa vie et l’autre dont les enfants sont scolarisés avec non pas trois mais quatre adultes par classe pendant deux ans, ces adultes enseignants ayant chaque semaine un contact avec la famille des enfants avec laquelle ils expliquent ce qui s’est passé avec l’enfant dans la semaine et ce qu’eux, les parents défavorisés, peuvent faire avec leurs enfants. En l’occurrence, il s’agissait d’enfants noirs de 4 ou 5 ans vivant dans des quartiers pauvres. Ces enfants ont maintenant 27 ou 28 ans. Les trois quarts des enfants du premier groupe sont en prison avec au moins cinq condamnations et peu travaillent alors que, parmi ceux du groupe qui a été pris en charge de la manière que j’ai évoquée, deux sont en prison mais les autres travaillent et gagnent tous un minimum de 2 000 dollars par mois.

Que pensez-vous de ces problèmes et de l’influence du quartier ? La solution ne serait-elle pas d’extraire un peu ces enfants de leur quartier ? On retombe sur le problème de la carte scolaire parce que, finalement, c’est le nivellement par le bas et tout le monde s’entraîne vers le fond. J’ai envie de vous interroger là-dessus : comment consacrer de vrais moyens aux quartiers et aux écoles qui en ont vraiment besoin ? Vous pouvez nous répondre, mais il restera à voter cela, à donner l’argent et à décider. J’aimerais avoir votre position sur ce point de façon théorique.

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