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Le rapport du Sénat (11) : Les propos d’Yves Dauge et de Dominique Voynet

20 février 2007

Extraits du site du Sénat, le 05.02.07 : La rapport sur le nouveau pacte de solidarité pour les quartiers

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M. Alex TÜRK, président.- Je souhaite que chacun essaie de poser ses questions de la manière la plus brève possible, parce que quatre sénateurs ont encore demandé d’intervenir et que la moindre des choses est que les personnes qui ont bien voulu venir à cette réunion puissent répondre. Je passe la parole à M. Dauge.

M. Yves DAUGE.- J’interviendrai sur deux champs d’interrogation qui ont déjà été évoqués par certains mais que je souhaite repréciser.

Le premier est celui qui concerne l’école dans la cité - après tout, c’est le sujet - , c’est-à-dire la politique de la ville et les quartiers en difficulté. On a abordé des questions comme la police de proximité dans les quartiers, alors qu’elle a disparu, en nous disant qu’elle était mauvaise et je constate qu’aujourd’hui, on nous dit que les ZEP ne sont pas la priorité. C’est possible, mais que fait-on à la place pour que l’école dans le quartier soit une contribution à la politique de la ville, de même que l’hôpital, dans le domaine de la santé, doit s’inscrire dans le quartier et sortir de ses murs pour faire notamment des consultations en pédopsychiatrie ?

Comment l’école sort-elle de ses murs pour être une contribution dans la cité ? Je sais que c’est difficile parce que la vision est globale, comme vous l’avez dit, et qu’à l’origine, la politique de peuplement s’est faite à partir d’une ségrégation qui s’est constituée autour de certaines populations et de la pauvreté, l’école étant au milieu de tout cela, mais il n’en reste pas moins que, dans la stratégie du ministre, je souhaiterais que l’on dise plus clairement que l’école va être une contribution à cette grande bataille et comment on va le faire. C’était l’idée des années 1980 et vous en faites peut-être le bilan, mais il faut revenir sur ces questions fondamentales, étant précisé que j’aborde ici le problème de manière positive.

Mon deuxième champ d’interrogation, en m’appuyant sur ce que vous avez dit les uns et les autres, c’est que vous avez beaucoup de mal à diagnostiquer la véritable difficulté d’élèves en situation d’échec grave, ce qui est encore lié aux problèmes du peuplement. La question est de savoir comment on va régler cette difficulté. En effet, si on se contente de dire que l’on a une grande difficulté à diagnostiquer cette situation, ce ne sera pas un constat entièrement nouveau. Le fait que vous le disiez est une bonne chose, mais il faut trouver une réponse à cela et cela pose immédiatement des questions qui ont été évoquées et que je repose : quelle pédagogie faut-il appliquer pour cette catégorie ?

Nous ne sommes plus dans le zoning mais dans l’identification d’enfants, de populations extrêmement difficiles et de problèmes de langage et il est certain que le droit commun appliqué à tous ne marche plus, même s’il faudrait y revenir. Sur cette difficulté, il faut absolument apporter une réponse précise et je ne suis pas sûr que les « réseaux ambition réussite », bien qu’ils soient séduisants, puissent aller dans ce sens.

En tout cas, si c’est le cas, il faut le dire clairement parce que c’est une question centrale. Cela pose enfin le problème de l’affectation des personnes : qui est compétent pour faire ce travail ? Comme certains l’ont dit, si on envoie les enseignants ici ou là sans y réfléchir plus précisément, on travaille les yeux bandés alors qu’en l’occurrence, il faut éclairer le chemin d’une manière tout à fait particulière si on veut obtenir un résultat et arriver quelque part. A mon avis, l’éducation nationale travaille les yeux bandés, comme d’autres services, et on ne peut pas s’étonner alors de déboucher un jour sur la révolte.

Ce n’est pas un procès que je vous fais en particulier. Comme cela a été dit, c’est l’analyse d’une situation globale de laquelle il faut absolument sortir. Je pense que l’école, plus encore que l’hôpital ou la police, a un rôle considérable à jouer. J’ai le sentiment qu’elle est enfermée et je voudrais donc que l’on tisse autour d’elle tout un réseau autour du sport et de la culture pour que les jeunes ne s’ennuient pas à l’école. Beaucoup nous disent qu’ils s’embêtent et qu’ils ne s’intéressent donc à rien. Comment les intéresser ? C’est une question de pédagogie mais aussi d’articulation avec la vie locale, dans le cadre de projets territoriaux et de projets d’école. C’est difficile à faire, mais si nous travaillons sur le sujet, c’est aussi pour essayer de trouver des réponses à ces questions.

Mme Dominique VOYNET.- Je commencerai par un point que nous avons déjà identifié : dans ce pays, il y a environ 63 millions de spécialistes de l’éducation. Nous avons tous été élèves, nous sommes tous parents et les enseignants sont tellement nombreux que nous avons tous un ami ou un beau-frère qui nous explique ce qu’il faut penser du sujet. Evidemment, nous n’échappons pas à cette tentation. Pour ma part, je vais revenir sur quelques-unes de vos formules.

Sans vous reprocher le fait que trois intervenants ont consacré l’essentiel de leur intervention à la défense et à l’illustration du nouveau dispositif voulu par le ministre de l’éducation, je ne suis pas sûre que le sujet était celui-là parce que nous avons tous lu le dossier de presse du ministère. Ce qui m’aurait intéressée, c’est que vous nous disiez ce qui fonctionne ou non et pourquoi cela fonctionne ou ne fonctionne pas en essayant d’en tirer le sel.

M. Boissinot a insisté sur la volonté de mettre un terme à la dilution de l’effort et sur la volonté ministérielle de donner une véritable dynamique à l’éducation prioritaire, mais je n’ai pas entendu d’éléments satisfaisants qui me permettraient d’être convaincue que l’on va vraiment mobiliser des moyens supplémentaires sur le réseau « ambition réussite ». J’entends plutôt que l’on va prendre à ceux qui ont peu et qui avaient des besoins pour donner à ceux qui ont encore moins et qui ont encore plus de besoins. Je ne suis pas satisfaite de cette façon de travailler qui ne consiste pas à redéployer les moyens, en ayant l’intuition qu’il est sans doute plus facile de fonctionner dans une classe de lycée Henri IV avec 35 élèves que dans une classe de Versailles ou Créteil avec 15 ou 20 élèves.

Par ailleurs, M. Saint-Girons a évoqué les académies de début de carrière. Il se trouve qu’il y a quelques semaines, nous avons reçu ici des responsables de la police nationale qui ont évoqué leurs difficultés quand ils étaient confrontés à des jeunes policiers inexpérimentés et sortants de l’école. Je ne suis pas du tout convaincue que des échanges entre jeunes professeurs puissent permettre de rompre leur solitude, qu’elle soit réelle ou ressentie, comme vous l’avez dit. Même si cela ne fait pas plaisir à ceux qui ont surmonté ces premières années difficiles et qui ont le sentiment que le moment est venu pour eux de vivre dans des conditions moins acrobatiques, je pense que l’on doit formuler des propositions qui nous permettent de faire naître une réelle mixité dans les équipes.

J’ai entendu des pistes comme le fait d’avoir moins d’heures d’enseignement et plus de temps passé à l’école. Cela me convient, à condition que cela ne se passe pas dans la « salle des profs », comme l’écrit François Bégaudeau, mais que ces heures soient réellement consacrées à la formation et au soutien scolaire, car je ne me résigne pas à l’idée que le soutien scolaire se fasse en dehors des heures de classe et aux frais des familles. Cela suppose qu’il y ait des bureaux pour permettre aux professeurs de travailler, des lieux dans lesquels ils puissent accueillir les familles et les élèves afin qu’ils puissent pousser la porte d’un professeur pour lui dire qu’ils n’ont pas compris quelque chose ou qu’ils ont un problème sans que ce soit dramatique.

Au-delà, je pense que l’on doit travailler sur la mobilité des enseignants, dans la mesure où il y a beaucoup de catégories de fonctionnaires dans lesquelles on admet et on organise la mobilité. Je comprends que l’on ne va pas dire à un enseignant qui est installé dans les Alpes-de-Haute-Provence que, tous les quinze ans, il doit faire trois ans en Île-de-France ou dans le Nord/Pas-de-Calais, mais, au sein d’une même académie, je pense que l’on devrait organiser cette mobilité et faire en sorte qu’elle s’organise y compris entre les métiers au sein de l’éducation nationale. Vous n’avez pas dit un mot sur tous les dispositifs que constituent les réseaux de soutien aux enfants en difficulté ou en très grande difficulté, les CLIS, les UPI, les classes de primo-arrivants, l’accompagnement des enfants handicapés, etc. J’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de catégories au sein de l’éducation nationale.

Certes, des structures de coopération et de concertation sont mises en place, mais je ne suis pas sûre que l’on ait garanti une réelle mobilité dans les métiers au gré des différentes étapes de la vie professionnelle.
Je serai aussi très curieuse de la réponse que vous apporterez à Jacques Mahéas concernant les emplois jeunes.

Enfin, parmi les sujets qui nous intéressent particulièrement, figure la cohérence dans les politiques de la petite enfance. Pour les enfants très jeunes et tout petits, les différents dispositifs (assistantes maternelles, gardes d’enfants à domicile, crèches) existent, mais ils sont payants et parfois précaires, notamment pour les familles les plus en difficulté. Il me semble donc que c’est dans les quartiers en difficulté encore plus qu’ailleurs qu’il faudrait poser la question de la scolarisation précoce, peut-être selon des formes à réinventer. Il ne s’agirait pas de se poser la question de l’école à deux ans ou non mais de réfléchir à des formes d’entrée dans l’école un peu plus souples dans le cadre d’une politique cohérente de la petite enfance. J’aurais aimé avoir votre sentiment à ce sujet.

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