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Présidentielle : Olivier Galland estime qu’on oublie l’échec scolaire

26 mars 2007

Extraits des « Echos », le 24.03.07 : L’oubli de l’échec scolaire

Ségolène Royal a fait de la jeunesse un des axes forts de son programme présidentiel. Parmi les 100 propositions de son « pacte présidentiel », une douzaine de mesures sont destinées aux jeunes. Les plus notables sont la « création d’un droit au premier emploi » (500.000 « emplois tremplins »), un prêt à taux zéro de 10 000 euros en faveur de chaque jeune ayant un projet, la création d’une allocation d’autonomie sous conditions de ressources et la création d’un service civique.

Le thème de la jeunesse est moins présent dans les propositions de Nicolas Sarkozy, qui pense sans doute que la revalorisation du travail qu’il préconise stimulera la croissance, et redonnera un nouveau dynamisme à la société française, dont les jeunes et leurs initiatives pourraient être un des moteurs. Le prêt à taux zéro et le service civique font d’ailleurs partie des mesures communes aux deux candidats.

Quelle conception de la jeunesse se dessine en filigrane derrière ces programmes ? Le programme de Ségolène Royal est un mélange de mesures d’assistance assez classiques (les emplois tremplins rappellent les emplois-jeunes) ou plus nouvelles (l’allocation d’autonomie) et de mesures, plus originales à gauche, visant à soutenir des initiatives : le soutien aux « jeunes créateurs », le prêt à taux zéro. Il affiche également des intentions de fermeté face aux jeunes violents. On pourrait lire cet ensemble de mesures comme une volonté de trouver un équilibre entre la sécurité, l’encouragement à la prise de risques et à l’initiative, et le rappel parfois nécessaire de l’autorité. Mais pour être convaincu du juste équilibre, il faut évidemment être plus précis sur le détail des mesures, leur périmètre, leurs conditions d’attribution et les contreparties attendues, ce que le programme de Ségolène Royal ne fait... que très vaguement.

Qui, par exemple, aurait accès à l’allocation d’autonomie ? Quel serait son montant ? Quelles seraient les obligations des bénéficiaires ? Selon les réponses apportées à ces questions, la mesure peut être conçue soit comme un dispositif très ciblé en direction de jeunes engagés dans un parcours de réussite mais connaissant des difficultés financières ponctuelles, soit comme une mesure d’aide généralisée à la jeunesse sur le modèle de ce qui se fait dans les pays scandinaves.

Derrière ces précisions (outre l’énorme variation du coût), ce qui manque donc dans le programme Royal, c’est une philosophie clairement affichée du dispositif : faut-il aider tous les jeunes ou certaines catégories d’entre eux ? L’allongement de la jeunesse justifie-t-il aujourd’hui l’instauration d’un dispositif public spécifique qui prenne en compte, sous différents aspects, cette période de la vie et la considère comme un nouveau champ d’intervention de l’action publique ? La réponse à ces questions n’est pas simple, mais faute de les poser on risque de ne retenir que les aspects les plus classiques et parfois les plus contestables des mesures proposées, celles qui notamment donnent le sentiment qu’on se contente de ne proposer aux jeunes qu’un ersatz d’emploi parapublic faute de pouvoir les faire accéder dans des conditions acceptables au marché du travail réel. A cette aune, le risque n’est pas mince que les emplois tremplins ne deviennent des emplois parkings.

La relativement faible place de la jeunesse dans les propositions de Nicolas Sarkozy est cohérente avec sa conception de l’action prioritaire à mener : la revalorisation du travail, passant notamment par la récompense du mérite et de ceux qui s’engagent plus que les autres pour réussir. L’idée implicite est qu’il n’y a pas véritablement d’obstacle structurel à la réussite et que des incitations suffiront à redonner du dynamisme à la société française et à sa jeunesse. Les jeunes qui veulent réussir seront donc soutenus et aidés (allocation de formation sous condition d’assiduité, par exemple). Cette philosophie de l’action publique peut-elle contribuer à résoudre les problèmes que rencontrent les jeunes Français ? On peut douter qu’elle soit suffisante à court ou moyen terme pour la raison qu’une partie importante de la jeunesse française, celle qui sort de l’école sans diplômes, connaît aujourd’hui de très graves difficultés d’insertion professionnelle qui ne font que s’aggraver et qui se cumulent de plus en plus systématiquement avec un ensemble d’autres handicaps : pauvreté des familles dont ces jeunes sont issus, discriminations à l’embauche pour ceux d’origine étrangère, enclavement territorial.

Une grande partie des problèmes de ces jeunes est liée à l’échec scolaire : près d’un jeune Français sur cinq sort encore aujourd’hui du système de formation initial avec en poche, au mieux, le brevet des collèges, et ce taux est beaucoup plus élevé dans les quartiers sensibles. Beaucoup de ces jeunes ont échoué à l’examen du CAP ou du BEP.

Cette question de fond pour l’avenir de la jeunesse française (comment commencer dans de bonnes conditions sa vie d’adulte quand on a été identifié par l’école comme incapable d’exercer un métier qualifié ?) n’est abordée de front par aucun des deux principaux candidats. Tous deux veulent repenser le dispositif d’éducation prioritaire, assouplir ou supprimer la carte scolaire, mais aucun ne fait clairement de la réduction de l’échec scolaire, notamment dans le second cycle professionnel, un objectif prioritaire et n’envisage de réformes des méthodes d’enseignement et d’orientation pour parvenir à cet objectif.

C’est pourtant un point vital pour redonner confiance à la partie la plus défavorisée de la jeunesse, celle qui s’est révoltée en novembre 2005.

Des mesures sont possibles - la refonte de l’examen du CAP en permettant la validation sur la seule partie professionnelle, comme le proposait le rapport Cahuc-Kramarz, ou la réorganisation complète du système d’orientation dans le secondaire, dont les principes et l’efficacité ont été très fortement critiqués par plusieurs rapports de l’Education nationale -, mais les deux candidats semblent plus sensibles à la question des « élites » (y compris des « élites de banlieue », ayant probablement en tête l’expérimentation Science po) qu’à celle de la jeunesse ordinaire, celle qui veut simplement réussir ses études, trouver sa place dans la société et y exercer un métier.

Olivier Galland est directeur de recherche au CNRS

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