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Ce que dit la Cour des Comptes sur l’immigration (La Documentation française)

6 décembre 2004

Sur le site de la Documentation française, le 06.12.04 : le rapport de la Cour des Comptes de novembre 2004.

Le rapport de la Cour des comptes sur l’immigration aborde à plusieurs reprises le dispositif d’éducation prioritaire. On trouvera ci-dessous les extraits concrenant les ZEP, mais il convient de lire l’ensemble de ce rapport pour en saisir la trame générale. Voir aussi, dans la revue de presse de l’OZP, l’analyse du quotidien « Le Monde » sur ce rapport (24.11.04)

« L’accueil des immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration ». Rapport au Président de la République suivi des réponses des administrations et des organismes intéressés. Novembre 2004.

(...)

1 . Une lente évolution
De fait, les choix opérés viennent de loin. Ils semblent tenir, selon les cas, d’un choix délibéré . il peut apparaître illégitime et inefficace de réserver un traitement exorbitant du droit commun à certaines populations issues de l’immigration ou d’une sorte de résignation devant les difficultés rencontrées et les échecs enregistrés. S’agissant du logement, par exemple, on ne saurait discerner de césure nette entre un temps qui aurait été consacré à des politiques spécifiques et un autre à des politiques de droit commun. L’évolution des unes aux autres n’a aucun caractère de continuité ni, a fortiori, de linéarité. On observe plutôt des allers et retours fréquents qui traduisent des hésitations ou, à tout le moins, les influences successives de ministères qui sont opposés sur le fond.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, le recours au droit commun n’est pas une pratique entièrement nouvelle : dès le début des années 1980, on a lancé de nouvelles politiques sectorielles visant non pas les populations issues de l’immigration à titre exclusif, mais les territoires en difficulté, dont il ne sont pas les seuls occupants. Les procédures de développement social des quartiers (DSQ) mises en place en 1982 sur la base des recommandations de la Commission Dubedout ou la politique éducative lancée la même année par le ministère de l’Education nationale au travers, notamment, des zones d’éducation prioritaire (ZEP) traduisent déjà une approche territorialisée du phénomène des inégalités sociales.

Quant à la coexistence, au sein des pouvoirs publics, de conceptions contradictoires sur le sujet, elle est encore perceptible aujourd’hui. La pérennité d’une structure comme la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées témoigne de la nécessité qui demeure ressentie chez certains d’actions ciblées, même si d’autres tentent de la contenir à la gestion des séquelles des politiques passées, comme les foyers. Or on ne peut que constater la distance que prend, avec cette manière de voir, la DGUHC, pourtant membre de la commission interministérielle, quand elle affirme « qu’il n’existe pas, en France, de politique spécifique des publics immigrés, mais une politique construite autour de trois axes : le droit au logement pour tous, le droit au logement décent et le principe de non-discrimination. Elle s’inscrit dans une démarche partenariale et territoriale visant à mobiliser largement les départements, collectivités locales et associations. Elle se décline à travers outils et dispositifs mis en place notamment dans le cadre de la politique de la ville menée depuis plusieurs années. La problématique du logement des personnes immigrées s’inscrit dans ces trois axes ».

(...)

4 . Les résultats ne sont pas probants, notamment pour les jeunes
La part de l’immigration ne peut être minimisée : pour le directeur de l’Institut national d’études démographiques (INED), « nombreux sont les secteurs d’activité qui ne pourraient fonctionner sans la contribution des immigrés ».

(...) Le problème des jeunes mérite une attention particulière. En effet, plusieurs études portant sur les zones urbaines sensibles (ZUS), à partir des résultats du recensement de 1999, ont cherché à cerner les difficultés des jeunes en matière d’insertion professionnelle. Ces quartiers prioritaires avaient fait l’objet dans le Pacte de relance de la ville en 1996, dans la suite de la politique de développement social des quartiers, de mesures de « discrimination positive » (dispositif scolaire type ZEP, amélioration de l’habitat, développement d’activités sur les lieux de résidence, zones franches) ; de ce fait, l’emploi aurait dû être favorisé. Si ces résultats doivent être interprétés avec prudence, les difficultés des jeunes et, parmi eux des immigrants, dans certaines de ces ZUS, paraissent néanmoins bien réelles. Ils y connaissent des taux de chômage très élevés (voir supra), particulièrement lorsqu’ils sont d’une nationalité hors UE, cas où pratiquement un jeune sur deux vivant en ZUS est au chômage.

(...)

c) La correction des handicaps : des marges de manœuvre territoriales étroites

Plusieurs études nationales ont montré que la différenciation sociale des établissements et des classes s’est accrue durant les années 1990. La DEP notait en 2003 : « les disparités mesurées par la proportion d’élèves étrangers sont plus fortes qu’en utilisant d’autres variables scolaires ou sociales ». La correction des handicaps suppose l’emploi de moyens identifiés dont le choix est justifié par des « critères objectifs de nature à garantir le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction » (Conseil constitutionnel : décision du 11 juillet 2001). Cette obligation s’applique donc à l’adaptation de l’offre éducative aux données territoriales, tant dans la mise en œuvre de la carte scolaire du premier degré que dans la carte des formations du second degré, sur les zones d’éducation prioritaire, ainsi que dans les actions interministérielles.

Or les données territoriales héritées de l’urbanisation se traduisent localement par des concentrations fortes d’élèves défavorisés, étrangers et français. Face à ces contraintes, l’Education nationale doit livrer un combat inégal pour corriger les handicaps et l’IGAENR considère que la correction des inégalités territoriales demeure des plus incertaines : sur des territoires où sévissent diverses formes de l’enfermement social, les effets d’une déconcentration poussée, de stratégies d’évitement des familles associées à l’assouplissement depuis vingt ans de la sectorisation, ont conduit à l’amplification des difficultés et des formes de l’échec scolaire.

Le Débat national sur l’avenir de l.Ecole s’en est fait l’écho : « la décentralisation et la désectorisation sont vivement condamnées comme facteurs aggravant l’inégalité ». Il s’en suit donc qu’aujourd’hui « la sectorisation introduit un lien mécanique entre ségrégation urbaine et ségrégation scolaire ». Ce mouvement général et cumulatif de concentration urbaine des familles défavorisées ne laisse que peu de marge dans le court terme à la reconquête indispensable d’une mixité socio-économique. Dans le premier degré, les 6,2 % d’élèves étrangers se répartissent de façon très inégale entre les établissements : les trois quarts des établissements accueillent moins de 5 % des élèves étrangers, 7 % des établissements accueillent 54 % des élèves étrangers, les élèves du Maghreb y représentent 54 % de l’effectif total et les Turcs 14 %. La concentration des élèves étrangers est également massive au collège : 15,1 % des établissements accueillent 48,5 % des élèves étrangers, tandis que les deux tiers des établissements en accueillent moins de 5 %.

Les résultats enregistrés par la DEP sur la concentration de la difficulté scolaire des élèves étrangers dans le second degré font apparaître que les collèges « très défavorisés » forment des ensembles fortement localisés159 : en particulier, la vallée du Rhône (Lyon, Avignon, Marseille) et la région parisienne (Seine-Saint-Denis) ; les effectifs des collèges très défavorisés sont corrélés avec l’immigration : d’une part, les élèves étrangers y forment en moyenne plus du quart de l’effectif (de 24,1 % en 6ème à 27,9 % en 3ème) ; d’autre part, les retards scolaires sont marqués à la fois en 6ème et en 3ème.
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L’effet négatif de la concentration est net puisque, à taux équivalent de catégories socioprofessionnelles fragiles, les collèges « défavorisés » ont à la fois des taux d’élèves étrangers beaucoup plus faibles (moins de 5 %) et des retards scolaires voisins des moyennes nationales. L’implantation des ‘collèges « très défavorisés » présente des similitudes avec la carte des zones urbaines sensibles (ZUS) ; dans celles-ci, la quasi-totalité des élèves de collège (95 %) sont rassemblés en zone d’éducation prioritaire, 39,3 % des jeunes ayant achevé leurs études n’ont pas de diplôme et le taux d’activité des 15-24 ans, en nette baisse sur dix ans, atteint seulement 32,8 %160 ; 22 % des jeunes étrangers de moins de 15 ans vivent dans les « quartiers prioritaires » au sens de la politique de la Ville.

Les élèves étrangers dans la carte des zones d’éducation prioritaire (ZEP) font l’objet d’une inégale prise en compte académique et d’une forte et croissante concentration spatiale. Les élèves étrangers sont très nombreux en ZEP dans le second degré, où sont affectés en moyenne 40,5 % d’entre eux (DOM inclus, 2000-2001) ; ils sont plus représentés encore au collège qu’au lycée : les élèves étrangers représentent 43,6 % de l’effectif, alors que les ZEP accueillent au total 16 % des collégiens de nationalité française. Mais ne sont inclus dans les ZEP que 80,9 % des collèges « très défavorisés » où les élèves étrangers forment plus du quart de l’effectif total, cette dernière catégorie concentrant tous les handicaps (plus de deux tiers d’enfants de chômeurs d’origine ouvrière, forte proportion d’étrangers et d’élèves en grand retard scolaire). Cette catégorie des établissements très défavorisés est particulièrement présente en Guadeloupe et en Guyane, dans le Nord et l’Ile-de-France, dans les concentrations urbaines de Lyon et Marseille, et les villes du Vaucluse, avec notamment les très grandes ZEP d.Avignon et de sa région.

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