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Qui sont les « professeurs référents » de RAR ?

19 juin 2007

Extrait de « Libération » du 18.06.07 : Une année laborieuse pour les collèges des cités

Bilan mitigé pour les 249 établissements Ambition Réussite

« Au début j’étais gênée de partir avant les autres. Puis je m’y suis faite. On n’avait rien de plus à me donner à faire. » Anne, 25 ans, professeure de français dans un collège difficile classé Ambition Réussite de la banlieue lilloise, reconnaît qu’elle ne fait pas ses 35 heures. « Je n’ai qu’une seule classe de français, soit quatre heures par semaine. En plus, je fais du soutien en petit groupe. » Anne, dont c’était la première année d’enseignement, n’est pourtant pas découragée : « ça ira mieux l’an prochain. Et puis, c’est plutôt confortable. »

Anne fait partie des quelque mille professeurs « référents », jeunes en grande majorité, affectés dans les 249 collèges Ambition Réussite, la grande nouveauté de la rentrée 2006. A l’origine, ils devaient faire profiter de leur expérience les équipes en place et mener des projets. Trois mille assistants pédagogiques étaient en outre prévus pour les aider. Selon la réforme lancée par l’ex-ministre Gilles de Robien, il s’agit ainsi de concentrer les moyens dans les établissements les plus durs. Les autres situés en zone d’éducation prioritaire, mais n’ayant pas le label Ambition Réussite, doivent peu à peu disparaître.

Référents

Durant sa campagne, Nicolas Sarkozy a plusieurs fois proposé de « déposer le bilan » de l’éducation prioritaire en raison, selon lui, de ses piètres résultats. Finalement, il a préféré réaliser une autre promesse, plus populaire auprès de son électorat ¬ la suppression de la carte scolaire, avec un premier assouplissement dès la rentrée 2007.

Le bilan des 249 est mitigé. Au ministère, on applaudit : après des débuts difficiles, la machine fonctionne. D’autres, sur le terrain, estiment au contraire que l’on n’a pas surmonté les malentendus initiaux. Il faut dire que les 1 000 professeurs ¬ « supplémentaires » et non plus « référents » depuis une circulaire d’avril ¬ ont été durs à recruter. Il a fallu faire appel à des débutants qui ne pouvaient guère refuser. Des professeurs, quatre par établissement, sont même arrivés trois mois après la rentrée. Quant aux assistants pédagogiques, il en manque toujours...

« On voulait deux professeurs de français et un de maths, on a eu un de français et deux d’histoire. On en attendait de l’extérieur. Il a fallu en trouver en interne, peut-être à cause des incertitudes autour de leur statut, de leurs tâches, de leur carrière ... On a aussi six assistants pédagogiques » , témoigne Bernard Deny. Le principal du collège Jean-Zay à Bondy, en Seine-Saint-Denis, est toutefois satisfait. « Au début, j’entendais dire que c’était des planqués, qu’ils venaient pour ne pas enseigner. Ça s’est beaucoup atténué. Maintenant, ils ont un demi-service, soit 9 ou 10 heures d’enseignement, et beaucoup de travail en plus. » A Jean-Zay, il y a ainsi des études accompagnées, quatre « ateliers lecture » pour les plus en difficulté, et des « ateliers scientifiques » en 6e, sur le thème de l’eau cette année. Soixante sorties ont été organisées ¬ à l’hôpital, dans des entreprises. « On a aussi pu monter une classe européenne et des clubs excellents de natation et de basket », se félicite le principal. Le collège ¬ 760 élèves à 80 % issus de familles défavorisées ¬ a même un partenariat avec l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales). Une chercheuse a donné une conférence sur l’histoire des cultes. « On a donné au collège des moyens qu’il n’a jamais eus », souligne Bernard Deny.

« Superprofs »

Tout n’est pas aussi rose. « Nous avons des heures supplémentaires noyées dans un dispositif qui existait déjà », estime une principale du « 9-3 ». A la place du professeur demandé de français-langues étrangères, elle en a reçu un de techno. Outre l’aide aux devoirs, le collège dispose d’une personne parlant l’arabe pour les parents. « Peut-être faudrait-il accueillir les enfants au petit déjeuner ? », ironise-t-elle. « En fait, je rêve de classes de niveaux : un professeur de français n’est pas formé pour des élèves non lecteurs ni pour des classes aussi hétérogènes. »

Parfois, la greffe n’a pas pris. « Nous les croisons dans les couloirs ou devant les ordinateurs, explique un prof d’histoire du "9-3", mais on ignore ce qu’ils font. » Un peu partout, les équipes en place n’ont pas apprécié de voir arriver de jeunes « superprofs » : « ça crée de l’aigreur. » Evoquant l’ « école de la République », le 1er décembre à Angers, le candidat Sarkozy avait proposé de « prendre les établissements les plus déshérités et, en cinq ans, d’en faire des établissements d’excellence ». Reste à relever le défi.

Véronique Soulé

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2 Messages de forum

  • « Au début j’étais gênée de partir avant les autres. Puis je m’y suis faite. On n’avait rien de plus à me donner à faire. »

    Je suis enseignant (P.E) dit "référent" ou "supplémentaire" en province... et je n’ai pas vécu ça. En fait, ce travail est devenu ce que chacun d’entre nous a bien voulu en faire. Avec mes trois collègues nous l’avons pris à bras le corps et nous avons "inventé" notre fonction... aussi n’avons nous pas fait nos 35h par semaine mais plutôt 45 ou plus.

    Nous avons mis en place quantité de choses sur le réseau (ateliers d’écriture, de lecture, salle de soutien, suivi de PPRE, journal du réseau, chorale du réseau, actions citoyennes...) tout autant au collège que dans les écoles et si rien n’est parfait nous avons de premiers résultats.
    Cela implique aussi un long et lent travail de communication et de persuasion autour des actions menées afin d’y rallier toujours plus de collègues, mais cela arrive aussi.

    Bref, si je devais dresser un bilan (sur mon réseau). Tout n’est certainement pas rose, mais en tout cas nous sommes loin de ce que certains annoncent.

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  • Ce reportage dresse un tableau dramatique de la principale innovation du plan de Robien : la création d’une nouvelle fonction, celle de professeur référent dans les réseaux Ambition Réussite. Entre des référents à qui on ne donne rien à faire et leurs collègues qui « ignorent ce qu’ils font », le reportage cite comme « rose », la situation du collège qui a su les occuper avec un mi-temps et du soutien scolaire ! Ces emplois sont décrits comme des moyens supplémentaires, au service des seuls collèges et pas du tout des écoles ou du réseau dans on ensemble et le problème semble être de les occuper !

    Ce reportage recoupe un texte publié le 17 avril dans cette revue de presse : la prise de position d’une section SNES du collège "Le Nain" de Montreuil.

    Ce tableau et cette prise de position mettent en cause la capacité de la hiérarchie intermédiaire - Délégués académiques, Inspections d’Académie, IPR, Inspecteurs de circonscription, Principaux de collèges - à engager une transformation des pratiques professionnelles capables de produire de la réussite scolaire. Dans les situations décrites, l’institution n’a pas été capable d’expliquer les nouvelles fonctions de référents et d’y attirer ceux qui étaient susceptibles de s’y engager.

    Il montre aussi, dans ces mêmes situations, la médiocrité des attentes d’un milieu enseignant qui n’imagine pas que ses pratiques professionnelles pourraient évoluer et comment des professeurs référents pourraient y contribuer !
    Je ne sais si ce reportage qui recoupe certains témoignages entendus lors de Rencontres de l’OZP reflète mieux la réalité que d’autres récits plus encourageants, mais si l’institution ne se mobilise pas pour qu’à la prochaine rentrée les professeurs référents et la hiérarchie ne son t pas plus au clair sur leurs fonctions on pourra parler du sabotage d’une réforme que l’OZP avait pourtant approuvée.

    F R Guillaume

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