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Journée OZP 2007. Atelier "L’orientation : l’avenir scolaire et professionnel des élèves"

25 juin 2007

Journée nationale OZP : 12 mai 2007

Atelier n° 3

L’orientation : l’avenir scolaire et professionnel des élèves

Intervenants  : Maryse Trevelot,
directrice du CIO d’Elancourt-Trappes (Val d’Oise),

Didier Bargas (IGAENR)

Animatrice : Elisabeth Bisot (IPR-IA)

Intervention de Maryse Trevelot

.Je voudrais introduire la réflexion à partir de deux questions : dans un projet de ville de constitution d’un Centre d’Information et d’Orientation (CIO) dans une Maison des Parents, pourquoi faire appel au CIO du bassin ?
Pour cela, je remonterai à la genèse du projet qui s’inscrit dans le cadre de la Loi de Cohésion Sociale, volet égalité des chances, et dans le Programme de Réussite Educative (PRE) de la ville de Trappes (78). Il s’agit d’une demande formulée par une collectivité particulière et non pas par un ensemble de communautés de ville. Le CEL (contrat éducatif local), toutes instances réunies, avait réfléchi à la réussite éducative et plus précisément à l’accompagnement des parents dans le parcours scolaire de leurs enfants.

Plusieurs facteurs expliquent cet appel au CIO :
 tous les indicateurs au niveau scolaire sur la ville de Trappes pouvaient apparaître à certains membres du groupe de travail comme inquiétants ou peu satisfaisants ;
 la personne chargée de cette mission sur la ville (Martine Fourier, présente dans cet atelier) connaissait particulièrement bien nos services. Ainsi le contact a été pris directement.

Lors de ma prise de fonction à la rentrée 2004, une sollicitation de Martine Fourier relative à la participation du CIO à ce projet a été suivie de réunions ; des questions se sont posées.
Le CIO est un service de l’Etat, il n’est pas un établissement mais un service directement rattaché à l’inspection académique. Je n’ai pas la possibilité en tant que directrice de CIO de m’engager sur un projet tel que celui-ci sans avoir l’aval de ma hiérarchie et de l’inspecteur d’Académie en particulier. Il a fallu donc mettre en place une « machinerie hiérarchique », qui d’ailleurs a très bien fonctionné

Seconde question : pourquoi le CIO a-t-il répondu positivement ? Parce que d’une part à mon arrivée, j’avais fait des constats qui rejoignaient ceux faits par la ville, parce que d’autre part à partir du travail en interne réalisé par les collèges dans la zone d’éducation prioritaire, qui est importante sur le bassin de Saint-Quentin-en-Yvelines, une question centrale m’était renvoyée par les collègues Conseillers d’Orientation Psychologues (COP), la difficulté dans les établissements de travailler avec les familles et les parents.
Il existait donc là un point de rencontre qui nous a permis d’avancer et d’échanger.

L’idée du CEL est d’accompagner les familles, et non pas de faire à leur place, et de permettre un suivi et un accompagnement dans le parcours de formation et d’insertion des jeunes - orientation scolaire et insertion n’étant jamais séparées. Ainsi, sur le bassin de Saint-Quentin-en-Yvelines en particulier, il m’est possible, dans la prise en charge des jeunes pour lesquels nous n’avons pas de solution, de faire appel et de renvoyer à la Mission d’Insertion.

Une fois cette mise en route réalisée, des décisions ont été prises. Nous avons fait une proposition d’intervention sur ce que serait le rôle du CIO dans une Maison des Parents. Cette proposition a été discutée puis agréée par ensemble de l’équipe et l’ensemble du collectif de la Maison des Parents [NDLR que nous appellerons désormais ici MDP].
Parmi les objectif du CIO existait un objectif clair et partagé avec celui de la MDP : concourir à une meilleure réussite des élèves et à une élévation du niveau d’ambition des élèves et des familles. La cible privilégiée de notre intervention était véritablement les parents pas ou peu familiarisés avec l’école, la même population que celle que l’on rencontre dans les collèges.

Deux axes de travail ont été proposés :
 favoriser les liens personnels des familles avec l’école, les COP intervenant à la MDP étant obligatoirement ceux qui interviennent dans les collèges de Trappes ;
 établir une liaison interinstitutionnelle sur un territoire donné sur les questions d’orientation, d’insertion et de formation, les COP et le CIO étant une interface de tous les organismes de formation et d’insertion sur le plan local.

Les modalités d’intervention allaient des entretiens avec les familles à des groupes de parole en passant par des ateliers, des rencontres-débats, des conférences, le tout dans un souci de collégialité, avec la nécessité pour le CIO de réfléchir à la spécificité de son intervention sur ce type de structure particulière. Cette expérimentation est en cours. La MDP a ouvert en avril 2006. Nous avons un an de recul sur son fonctionnement.

Evaluation de l’action
Un certain nombre de directions de travail vont être recadrées.
Tout ce qui se rapporte au suivi individuel et à l’accompagnement individuel des familles fonctionne très bien. En revanche tout ce qui a été mis en place au niveau rencontres-débats, conférences n’a pas abouti.
A présent, l’idée est de porter l’effort sur la prévention de l’échec ou ce que je préfère appeler « le refus scolaire » :
 en y travaillant dans le cadre de la MDP ;
 en menant une action plus étroite autour des questions de l’orientation et de l’insertion avec des organisations et des associations de terrain pour favoriser la participation et l’adhésion des familles à cet accompagnement de leurs jeunes. Dans les collèges de la ZEP en effet, les familles sont très peu présentes pour de multiples raisons ; par exemple ce sont les jeunes qui remplissent les dossiers d’orientation et non pas leur parents.

Les pistes à retravailler, qui sont aussi des points et des aspects forts de ce projet :
 un fonctionnement collégial pour le travail qui s’effectue dans le cadre de la MDP. Quand les COP sont dans la MDP, ils « sont Maison des Parents » et pas CIO. On est dans la transversalité ;

 la constitution d’une culture commune : tout le monde a été formé avant l’ouverture de la MDP à la fonction d’accueil ;

 l’obligation pour le jeune d’être accompagné d’un adulte, de préférence l’un de ses parents. Point très important et qui change la donne : il s’agit d’accueillir le parent et son (ses) jeune(s), donc des familles entières avec des fratries de deux, trois, quatre jeunes à différents niveaux ;

 une prise en charge globale des besoins, des demandes et des attentes des familles qui se présentent, quitte à utiliser un relais ; bien cerner dans le premier accueil la situation globale, voire rencontrer de nouveau la famille pour compléter les données et mieux faire un travail de préparation du relais ;

 l’individualisation du suivi : tout ce qui est fait est très personnalisé et individualisé. On dispose davantage de temps pour faire ce travail à la MDP que dans les établissements scolaires, où par exemple un COP reçoit dix jeunes ou dix familles au cours de sa permanence. A la MDP, il a le temps nécessaire pour établir sur place des relais, pour examiner dans le détail certaines possibilités. La relation avec le jeune et la famille est donc un peu différente.

Par rapport au projet initial de la MDP, l’essentiel du fonctionnement a été préservé.

Au bout d’un an de fonctionnement, environ 600 familles ont été accueillies, les COP ont rencontré environ 80 familles avec des suivis qui, dans certains cas, représentent davantage d’actes professionnels.
Les COP sont présents trois fois par semaine, le soir, le samedi deux fois régulièrement et à des horaires qui conviennent aux familles.
Les COP ont reçu dans l’année écoulée des familles avec des jeunes en déshérence, en rupture scolaire totale, ou des jeunes déscolarisés et ont traité des situations où rien n’avait été résolu depuis des mois, voire plus d’un an. Ainsi ont été traitées des situations graves extrêmement lourdes et complexes où plus aucun lien n’existait avec l’école.

Une insatisfaction apparaît dans le bilan : la difficulté à traiter le cas de l’élève ordinaire. Pour le moment, ce sont des cas et des situations très difficiles qui sont prises en charge.

Martine Fourier, chargée de la Coordination éducative de la ville de Trappes, apporte des précisions sur cette expérience.
 Le diagnostic effectué au niveau du CEL et donc interinstitutionnel a fait apparaître des
constats de grande difficulté scolaire et une tendance à sous-estimer les capacités réelles des jeunes lors des orientations. On note aussi une faible représentation des parents liée à des difficultés de déplacement (pas de véhicule), à des problèmes complexes d’emploi (40% d’emplois précaires) et à de grosses difficultés d’insertion locale.

 En matière de population, Trappes présente un contexte particulier. C’est une ville de 30 000 habitants où officiellement 500 primo-arrivants arrivent tous les ans - un fait exceptionnel au regard d’autres départements, une spécificité locale : il s’agit de gens qui viennent de pays en situation difficile comme le Congo, qui ne savent pas combien de temps ils vont rester en France et pour qui se projeter dans le temps n’est pas aisé.

 La relation Ecole-familles est inscrite dans tous les dispositifs communaux et intercommunaux, de sorte que la population, les enseignants comme les parents, vont aller avec une très grande confiance vers les médiateurs. Un quart des demandes de médiation concernent l’orientation. Le travail d’étayage est donc effectué par des professionnels très compétents et qui pratiquent une médiation très organisée.

 L’intégration de la problématique Ecole-familles dans les dispositifs prend d’autres formes. Pour les parents qui, par exemple, apprennent le français, le support pédagogique majeur d’apprentissage est la compréhension de l’Ecole et de son fonctionnement ; les parents des enfants en difficulté sont prioritaires dans les cours d’alphabétisation.
Les Centres sociaux de la même manière ont une démarche concertée : on va écouter dans le centre social les difficultés d’orientation scolaire d’une famille qui sera ensuite dirigée vers la MDP, qui est « le » lieu de ressources, et vers le CIO.

 La réactivité est forte. Lorsque des projets professionnels avec stages ou des bourses sont en jeu, des aides financières sont dégagées. A l’occasion d’un tutorat avec HEC qui a concerné vingt lycéens, une réunion a été organisée à la MDP et avec le CIO sur les questions d’orientation pour que les parents soient associés à ce projet de parcours d’excellence.
Il s’agit là de décisions interinstitutionnelles et à la fois d’actes très concrets.

 On veille à maintenir une communication et des liens institutionnels entre mairie et établissements scolaires. En début d’année scolaire, j’ai fait le tour des établissements pour présenter la MDP aux professeurs principaux qui venaient d’arriver et aux chefs d’établissements de façon à établir aussi la possibilité d’une communication en retour.

Il faut noter que la MDP est un ancien local de jeunes qui a été par le passé plusieurs fois saccagé et a connu une lourde histoire. Depuis l’ouverture, un seul incident est survenu au début, et depuis un an il n’y a plus aucun problème. Les jeunes eux aussi ont très bien intégré l’idée que ce lieu était un lieu où les familles venaient avec leurs enfants. Les parents reprennent une place pour des jeunes qui sont malheureusement rejetés par le système scolaire

Conclusion de Martine Fourier et de Maryse Trevelot : L’enjeu partagé - et la difficulté - est donc de créer un lieu banalisé qui devienne accessible à tous, adultes et jeunes, et qui ne soit pas source d’angoisses. Un lieu neutre, décentré par rapport à l’Ecole et où ils soient en confiance. Les parents viennent avec leurs jeunes à la MDP et c’est à partir des attentes exprimées qu’éventuellement on peut aussi traiter la question de l’orientation.

Débat sur cette intervention

Les moyens
Question : Les permanences assurées par les COP se sont-elles faites par redéploiement des moyens du CIO et donc au détriment des permanences du CIO et des établissements, ou bien avez-vous obtenu des moyens complémentaires ?

R. : Cette question a été évoquée dès le départ parce que, sur ce bassin, il y a 31 sites d’intervention, 13 postes de conseillers et des établissements avec SEGPA qui représentent une prise en charge lourde. Dès le départ, nous étions d’accord pour ne pas retirer de postes au CIO et il était clair au niveau de l’inspection et du rectorat qu’il n’y aurait pas de création de postes. Mais, l’équipe estimant qu’il était très important d’aller dans cette direction de travail - à savoir intervenir en partenariat sur le terrain là où le travail peut se faire et non pas exclusivement dans les établissements scolaires -, nous sommes partis sur la base de vacations en dehors du temps de travail et sur des horaires adaptés aux parents. Et cela fonctionne très bien.
La condition était que les COP qui travaillent sur les établissements, ceux-là même qui sont intéressants pour les parents - soient aussi ceux qui interviennent à la MDP, sur la base du volontariat et ce en soirée et le samedi - la correspondance de leurs horaires avec ceux des parents constituant un élément important.

La peur de l’Ecole chez les parents
Une ancienne proviseure souligne l’importance d’aménager un détour pour faciliter l’accès aux questions d’orientation en apportant son témoignage sur une initiative menée par la mairie de Trappes : parmi les parents invités, des femmes qui ne seraient jamais entrées dans un établissement scolaire ont déclaré être venues là se renseigner sur le fonctionnement de l’orientation par besoin et se disaient moins intimidées dans ce lieu en dépit de la présence de toute l’institution Ecole.
Un enseignant fait valoir que, même en contexte très difficile, dès lors que le processus de liaison entre le professeur principal et le COP fonctionne bien, les parents n’ont plus peur des rencontres car, dans ces entretiens, il n’est question que d’orientation scolaire.

Le rôle et la place respectifs des acteurs
Un enseignant s’interroge sur la place du professeur principal, en charge avec le COP de l’orientation, qui a en général beaucoup de mal à rencontrer les parents dans les établissements. L’existence d’un tel lieu ne constitue-t-elle pas un frein à l’exercice de sa mission ?

R. : Le fait que ce sont les COP travaillant dans les collèges de Trappes qui interviennent à la MDP leur permet justement de faire le lien avec le collège d’origine. C’est une de leurs missions, même si, sur cet axe du travail, des progrès sont encore à réaliser. Dès qu’un parent ou la famille d’un jeune est reçu à la MDP, le COP établit cette liaison parce qu’il a en charge l’établissement où se trouve l’élève ; il va informer la famille, lui préciser le nom du professeur principal et la possibilité de le rencontrer au collège. A son retour dans le collège, il fait un lien aussi avec le professeur principal et le chef d’établissement. Parfois le lien se fait dans l’autre sens : des chefs d’établissement ou profs principaux encouragent des parents à venir à la MDP et demandent au COP à être tenus au courant des suites de cette démarche.

En revanche, il y a peut-être nécessité de davantage formaliser cette liaison avec les équipes pédagogiques dans les établissements pour faire mieux et différemment.
Il s’agit à présent de travailler beaucoup plus en amont avec les familles mais cette fois en interne dans les collèges, et toujours en liaison avec la MDP ; faire venir des professeurs à la MDP et faire en sorte également que la MDP soit présente aussi dans le collège ; développer encore la liaison car l’un des risques est que les problèmes d’orientation soient traités dans un lieu en dehors de l’école, ce qui serait un échec total de l’opération.

L’orientation et le monde professionnel
Question : Y a t-il des interventions de professionnels de l’emploi et des entreprises ?
R.  : Elles sont prévues dans le cadre de rencontres-débats sur l’emploi et l’insertion mais n’ont pour le moment pas attiré beaucoup de monde. L’idée est de profiter de toutes les ressources disponibles sur Trappes et sur la Communauté d’agglomération, sur Saint-Quentin-en-Yvelines. Ainsi, à Trappes, la tenue d’un forum des métiers est en projet.

R. : Il est important pour le CIO d’être non pas exclusivement mais aussi sur ce projet MDP car la ZEP de Trappes est une superposition géographique ville-territoire : les 3 collèges, les 2 LP, le LG sont tous en ZEP. Ce sont aussi les mêmes jeunes de Trappes qui ont été dans la Cellule d’Accueil des non francophones en début d’année que l’on va retrouver à la MGI.

Intervention de Didier Bargas
Quelques observations plus générales sur l’orientation en ZEP

Première observation, qui est aussi une hypothèse : il n’y a pas de spécificité de l’orientation en ZEP, pas plus qu’il n’y a une spécificité en matière pédagogique. Ce sont les mêmes procédures et réglementations mais les défauts de l’orientation, qui s’appuie essentiellement sur les résultats scolaires, sont, pour les collèges situés en ZEP, exacerbés de façon négative.

Deuxième observation : on constate une sous-estimation des capacités des élèves par les élèves eux-mêmes, ou par une grande partie d’entre eux, par leurs familles, par les enseignants et les directions d’établissement.

Troisième observation : on constate, en région parisienne en tous cas, une préférence pour la proximité. On va rechercher l’établissement professionnel le plus proche du domicile de la famille, dans une section qui ne correspond pas toujours au goût de l’élève. Cette préférence très forte pour le local, le maintien des liens avec les copains, le groupe d’âge, la cité se fait au détriment de l’ouverture, de choix plus audacieux, y compris l’internat pour lycéens.

Quatrième observation : dans beaucoup de collèges en ZEP, et c’est là la conséquence de résultats médiocres, sinon franchement mauvais, dans ce dispositif malgré tous les efforts entrepris depuis des années, on constate une tendance excessive à orienter vers la voie professionnelle en fin de 3ème et donc un déséquilibre flagrant entre la voie professionnelle et la voie générale. Beaucoup trop d’élèves sont orientés vers la voie professionnelle sans que cela corresponde véritablement à leurs choix, à leur goûts, à leurs capacités parce qu’ils ne sont pas jugés capables de suivre la voie générale.
Si l’on veut, de façon volontariste, commencer à renverser cette tendance ou du moins en limiter les excès - et certains établissements le font sous l’impulsion des autorités académiques -, il ne suffit pas d’envoyer davantage d’élèves en seconde générale et technologique. Il faut approfondir la liaison 3ème - seconde et que le lycée fasse de son côté un effort comparable à celui des collèges pour accueillir et intégrer des collégiens qui « arrivent un peu juste » mais qui seraient tout à fait capables, si on les aidait, de suivre une scolarité normale en lycée.

Dernier point, plus positif : parmi les nombreuses mesures en matière de contribution à une orientation positive, une des plus efficaces à mon avis, simple dans son principe mais rarement mise en pratique dans les collèges, est de faire revenir les anciens élèves qui ont réussi dans différentes voies, générale, professionnelle, autre... Il faut absolument les suivre et les faire revenir pour qu’ils parlent à leurs jeunes camarades. Cela me semble plus important et souvent plus influent que les messages d’adultes.

Travail de l’atelier

Les échanges et le débat font ressortir quatre point de discussion : l’importance de l’existence de représentations croisées (élèves, familles, enseignants, professionnels... ), celle de l’information des élèves et des familles, de l’exemplarité et de certaines incohérences.

1 - Représentations dévalorisantes qui touchent les élèves de familles populaires, leurs familles, la voie professionnelle en général, des secteurs, des métiers...

Au départ, un constat en forme de rappel par un responsable interréseau DSU : 150 000 jeunes sortent du système sans aucun diplôme mais, sur ce chiffre, 75 000 sortent de 3ème alors que 75 000 sortent plus tard en seconde ou en 1ère BEP, c’est dire l’importance de l’échec scolaire et aussi des ratés de l’orientation.

Les représentations que se font les professionnels des jeunes de milieu populaire influent sur l’offre des métiers : la représentation des métiers est non seulement sexuée mais l’offre selon le sexe est très limitative. Ainsi, dans un département, seulement cinq métiers, toujours les mêmes, sont proposés aux jeunes filles et cinq autres aux jeunes gens de milieu populaire.

Représentations erronées aussi du rapport au travail de ces jeunes et sous-estimation de leur sérieux et de leur assiduité. L’absentéisme très fréquent en première année de BEP est lié à leurs conditions socio-économiques : issus de familles pauvres, ils ont besoin d’argent et sont souvent salariés mais les horaires de Franprix ne sont pas toujours compatibles avec les horaires scolaires.

Les représentations des jeunes : Certains secteurs et métiers, comme par exemple la chaudronnerie (qui est souvent choisie en quatrième position), sont dévalués par les jeunes qui arrivent en enseignement professionnel et sont codés négativement par méconnaissance de la réalité et de l’intérêt d’un métier pourtant lucratif et valorisé, sinon « prestigieux », puisqu’il s’agit par exemple autour de Roissy de fabriquer des fuselages d’avions. Il faut donc, selon le responsable interréseau DSU, travailler à montrer l’attractivité du métier et à donner de l’appétence ou encore mettre en exergue, quand cela est possible, ses autres dimensions comme par exemple l’articulation avec le monde de la culture et des arts plastiques.

Autre difficulté : la représentation que le jeune peut se faire de la réalité d’un métier est brouillée par les changement fréquents de dénomination opérés par l’Education nationale.
Un ancien chef d’établissement fait remarquer qu’à l’inverse les changements d’appellation peuvent contribuer à inverser les représentations et les choix d’orientation des élèves. Ainsi, on a pu constater que, pour les deux BTS « Action commerciale », il a suffi que le BTS intitulé « force de vente », jusqu’alors délaissé et réservé aux mauvais élèves ou aux élèves perturbateurs, devienne le BTS « négociation-relation clients » pour que les bons élèves venant de STT le choisissent. On a vu changer le type d’élèves qui se sont dirigés vers ces métiers. L’appellation peut donc exercer des effets sur les représentations et les choix.

Représentations et résistances des familles populaires concernant la voie professionnelle.
Une responsable de la Ville de Trappes : Ce n’est pas tant une sous-estimation des capacités de leurs enfants qui pousse les familles populaires à accepter une orientation vers la voie professionnelle que l’ignorance de la notion de trajectoire scolaire. En effet, l’orientation vers un secteur professionnel, si elle est vécue comme une chance de réussite et ne donne pas l’impression qu’il n’y a plus d’horizon d’espoir, a un effet protecteur. Mais les trajectoires scolaires longues se construisent précocement et, si les parents pensent que les enfants vont s’arrêter dans 2, 3 ans, ils s’arrêteront après ces 2, 3 ans. C’est pourquoi le phénomène Sciences Po, relayé par les médias, a autant impressionné et marqué positivement les esprits : tout à coup une espérance pouvait se transformer en réalité.

2 - L’information, condition d’un choix
C’est un point clé : n’est-ce pas la sous-évaluation des capacités des élèves de milieu populaire, souvent partagée au niveau d’un établissement, qui conduit à leur délivrer une information peu solide, sinon minimale, en tous cas sélective et peu accessible ? Comme dans cet établissement, signalé par une enseignante stagiaire, qui accueille les élèves socialement les plus en difficulté d’une commune et où toutes les informations en matière d’orientation ne portaient, par voie d’affichage, que sur les CAP et tous les BEP, aucune information et aucun support écrit n’étant fournis concernant la voie générale ?

Une CIO insiste : Il est très important de présenter les formations générales et professionnelles, y compris hors Education Nationale, et donc l’ensemble de l’offre de formation sur un territoire donné, que ce soient les modalités de formation initiale dans un lycée, en 3ème, ou celles de l’alternance par contrat d’apprentissage. Mais il convient aussi de présenter leurs articulations et leurs passerelles pour donner aux jeunes la possibilité de voir et de comprendre les passages et les liens possibles et de se projeter dans le futur.

Le responsable interréseau DSU : Il faut présenter, sur le plan de la communication, l’ensemble des formations générales et professionnelles sur un plan d’égalité, y compris l’existence de la voie de la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience) car certains jeunes « en ont ras le bol » du système scolaire et ont besoin de s’arrêter un moment.
Il existe également un déficit d’information concernant certains métiers imputable au manque d’information des professionnels de l’orientation eux-mêmes, obligés de recueillir auprès des professionnels de la branche lors des forums de métiers des informations ciblées et actualisées. Il y a là un problème de formation de ces personnels et d’interrelation.
Enfin, il ne suffit pas d’informer mais il faut également travailler à la connaissance du (des) métier(s) de façon approfondie et par des actions nécessitant un véritable travail en réseau et l’établissement de relations personnelles, plus qu’institutionnelles : par exemple l’organisation de visites, au niveau local avec une association d’appui à la découverte des métiers, d’entreprises, de services publics, avec des professeurs principaux, des cadres d’entreprises, le CIO.

De la même façon, chez les jeunes, souligne un professeur en dispositif relais, l’appropriation de l’information sur un métier passe par une démarche où l’apport du contexte et de la proximité a une part déterminante. Pour être reçue et entendue, l’information doit tenir compte des différents systèmes de référence qui se construisent dans la cité, la famille, le groupe de pairs.

Un membre d’association évoque le rôle des régions : Les lieux de ressources sont diversifiés et les régions représentent une véritable force et une réelle compétence pour traiter et diffuser des informations connectées aux débouchés vers l’emploi. Elles le font de diverses façons et, en matière de métiers, elles détiennent et dispensent des informations solides parce qu’elles dialoguent depuis longtemps avec les branches professionnelles au travers de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Contrairement aux idées reçues, elles ne sont plus dans l’« adéquationnisme », l’adaptation à la réalité de l’emploi actuel dans la région ; elles savent qu’il va falloir trouver d’autres filières.
Elles cherchent aussi à accompagner les personnes dans leurs démarches comme cela s’est fait à Trappes, mais ne savent peut être pas encore très bien le faire. Dans les forums mis en place, on voit venir toutes sortes de catégories de personnes, de plus en plus de gens en seconde carrière, en recherche d’emploi, des parents qui viennent sans leurs enfants pour s’informer. L’orientation est devenu un sujet central que les régions ne mettent pas forcément en priorité dans leurs politiques. Deux d’entre elles ont, par tradition territoriale, des Cités des métiers, la Haute-Normandie et le Limousin. D’autres régions ont choisi des espaces permanents, des Espaces métiers sur des bassins comme en Champagne-Ardenne ou encore des dispositifs non pérennes dans des quartiers comme en Poitou-Charentes.

3 - L’exemplarité des réussites : un encouragement
Plusieurs témoignages insistent sur l’importance et l’impact sur le changement des représentations de la présentation d’expériences réussies.
Une responsable d’éducation fait état à Trappes de l’organisation de séances ouvertes à tous en présence des scolaires où on fait venir des gens qui ont réussi quelque chose, qui ont accédé à une maîtrise ou à un doctorat. Ces séances, qui ont lieu à la mairie, sont très fréquentées ; les familles viennent en grand nombre. Il serait intéressant de transférer ce genre d’initiatives dans un établissement scolaire.

Une enseignante stagiaire souligne l’effet d’ouverture et de surprise provoqué chez des élèves par le témoignage d’une ancienne élève venue exprimer son désir d’être enseignante et le sentiment d’autorisation qui dès lors se forge chez les participants, autorisation d’avoir des aspirations et des ambitions plus élevées que la seule préparation d’un BTS.

Le responsable interréseau DSU insiste sur la nécessite de faire venir les anciens élèves pour témoigner de leur parcours « parce que l’orientation professionnelle se fait par les copains qui ont réussi ». La dévalorisation d’une orientation professionnelle et l’absence de crédibilité accordée à l’information apportée sur elle par les enseignants de l’établissement sont parfois si fortes qu’il convient alors de repérer, au sein du groupe de pairs de la cité, le grand frère de celui qui a fait des bêtises, qui a réussi et est devenu pompier, pour le donner en exemple et le faire témoigner.

Toutefois, précise un professeur en dispositif relais, l’organisation de ce type de rencontres et de séances se heurte pour le moment à des barrières administratives.
Une CIO souligne que cela se pratique dans un certain nombre d’établissements et insiste sur les conditions de pertinence de telles rencontres, la plus importante étant qu’elle s’inscrive dans un parcours d’intégration préparé en amont. Car les jeunes ont énormément d’informations à leur disposition, parfois trop. La question est de savoir comment permettre à un jeune qui va rencontrer un professionnel d’intégrer pour lui-même ce qu’il entend au moment où il le rencontre.
Ainsi, dans certains établissements, les professeurs principaux préparent ce type d’actions qui ouvrent alors sur des situations très riches car ce sont des moments de cristallisation pour le jeune qui provoquent chez lui projection, désir d’en savoir plus.
Une réflexion et un travail s’imposent, portant sur les conditions qui feront de cette rencontre une expérience satisfaisante, profitable et pertinente au regard des objectifs d’orientation poursuivis. Des progrès sur ce point restent à faire.

4 - Des incohérences institutionnelles dans l’orientation : absence de lisibilité et interrogations sur les filières
Une CIO se demande : A quoi prépare-t-on les élèves en LP ? Quand ils sont en CAP, ils se préparent à un métier. Sur ce point il n’y pas d’ambiguïté. Quand ils sont en Brevet d’études professionnelles (BEP), se préparent-ils à un métier ou à un diplôme de niveau V ? Et sur quoi les équipes pédagogiques vont-elles travailler en LP ?
Lever ce flou aurait aussi des conséquences sur les attitudes de rejet des jeunes qui ne se retrouvent pas dans la section qu’ils avaient souhaitée. Il est nécessaire de mener une réflexion pédagogique en interne.

Un enseignant en RAR note que l’Education nationale manque de clarté et d’honnêteté par rapport à la formation professionnelle. Deux exemples :
 le changement de coefficients des disciplines. Selon les filières, les coefficients pourront
entrer en concurrence. Ainsi la procédure PAM pour les BEP vient de changer, un mois avant la procédure d’orientation, alors que les élèves, s’ils veulent intégrer la voie de leur choix, doivent adopter une stratégie dès le deuxième trimestre en privilégiant dans leur travail telle ou telle matière. Ce changement de coefficient risque de les mettre en échec, comme en géographie, par exemple, il y a quinze jours, pour certains BEP. Les élèves sont obligés d’intégrer l’idée d’un changement possible et les enseignants ne sont plus crédibles.

 le manque de cohérence : des campagnes de valorisation sont suivies d’un travail de sape. Le cas le plus emblématique est celui du parcours BAC Pro intégré dans une filière d’excellence. On décide d’aborder le BAC pro en 3 ans et on supprime le BEP. Les exigences des enseignants restent les mêmes et les élèves doivent préparer le BAC pro en 3 ans en ayant la possibilité s’ils obtiennent une mention de préparer ensuite un BTS. Mais que va-t-on faire des élèves pour lesquels le BEP n’existe plus ? Il reste la solution de l’alternance mais dans ce cadre se pose au niveau de l’emploi un problème d’âge et de maturité. Du collège on passe au monde de l’entreprise où on va devenir salarié : Je vais à l’école : le matin je me lève, j’ai mal à la tête, je reste à la maison. Je suis en alternance, je suis apprenti, j’ai mal à la tête, je vais quand même travailler et je n’ai pas de vacances jusqu’en juin.

Et tout change sans cesse. Il y a une forme d’irresponsabilité de l’Education Nationale.
Sur ce point une CIO signale une expérimentation en cours dans l’académie de Versailles où l’on propose une première année de LP, en fait une sorte de seconde professionnelle de détermination qui permet à l’issue d’une première année ou de six mois de se diriger ou vers la préparation du BEP en deux ans ou vers la préparation du BAC PR en trois ans.

Un autre participant se demande s’il faut, dans l’orientation, viser le court terme ou l’apprentissage tout au long de la vie. Faut-il raisonner uniquement en termes de qualification ou bien en termes de compétences, d’un ensemble de compétences plus larges qui se construisent ? Dès lors, il faut revoir la démarche d’orientation en éduquant au choix par l’utilisation de portfolios de compétences.

Conclusion : Bien des points restent à aborder et à approfondir comme le rapport entre chefs d’établissement et professeurs pour l’orientation professionnelle, le rôle du conseiller technique... Ne pourrait-on organiser une Rencontre de l’OZP pour prolonger la réflexion ?

Documents

 Charte de la Maison des Parents de Trappes (descriptifs des objectifs, outils/supports d’actions, intervenants, planning des activités régulières et rogramme des activités événementielles), 9 p.
 Convention Mairie de Trappes et CIO pour la Maison des Parents, Ville de Trappes, 3p.
 Projet d’intervention du CIO à la Maison des Parents de Trappes, novembre 2005.
 FOURIER (M .), « La violence de l’orientation ou la double peine des familles populaires », thèse, Paris VIII (disponible auprès du Secrétariat de l’OZP).

Compte rendu rédigé par Marie-Gabrielle Philipp

Ci-dessous une version PDF à la mise en page plus élaborée

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