> Vie scolaire : Climat, Décroch., Internats, Santé > Climat scolaire, Harcèlement > Climat, Harcèlement (Presse) > « 20 minutes » a passé une semaine dans la ZEP de Montfermeil (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

« 20 minutes » a passé une semaine dans la ZEP de Montfermeil (Seine-Saint-Denis)

23 octobre 2007

Extrait de « 20 Minutes » du 22.10.07 : A Montfermeil aussi, on étudie

« 20 Minutes » a passé une semaine dans un collège sensible de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. A Jean-Jaurès, la communauté enseignante se bat pour garder les élèves du secteur face à la concurrence du privé.

1er jour

C’est toujours la même rengaine : « Vous, les médias, vous ne venez que quand ça va mal. Pour un fait divers tragique ou pour une émeute. » Et le reproche n’est pas injustifié. Obsédés par l’actualité, par les trains qui n’arrivent pas à l’heure ? voire pas du tout par ces temps de grève ?, les journalistes ne relatent que trop rarement le quotidien des banlieues. Et 20 Minutes n’échappe pas à la règle. Clichés ? Préjugés ? Nous avons décidé de passer une semaine dans un collège de zone d’éducation prioritaire (ZEP) de Seine-Saint-Denis. Certes, celui de Jean-Jaurès à Montfermeil, qui accueille une population mixte de 600 élèves (zone pavillonnaire et cité), nous a été recommandé par l’Education nationale. On ne s’attendait donc pas à trouver un établissement en faillite totale. Mais ce n’est pas non plus un collège d’excellence. Ses résultats au brevet (75 % de réussite) ont beau être intéressants, le taux de passage en seconde générale ne dépasse pas les 50 %, quand la moyenne départementale tourne à 55 %.

Or, le séjour sur place nous a surpris. Par le calme et la relative sérénité des professionnels comme des élèves. Bien sûr, il y a des bagarres, des insultes. On rencontre bien quelques profs qui broient du noir. Mais dans l’ensemble, on étudie à Jean-Jaurès comme ailleurs. Sauf que les médias ne sont pas les seuls à avoir des préjugés : les habitants du secteur en ont aussi. D’où le premier volet de cette série, consacré à la crainte de voir les enfants de la zone pavillonnaire partir vers le privé.

Michaël Hajdenberg

--------------------------------

Extrait de « 20 minutes » du 22.10.07 : « Le problème, c’est que la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans »

« 20 Minutes » a passé une semaine dans un collège sensible de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. A Jean-Jaurès, la communauté enseignante se bat pour garder les élèves du secteur face à la concurrence du privé.

1er jour

La réunion a été avancée. D’habitude, le principal du collège reçoit au printemps les parents des élèves de CM2 du quartier, pour leur présenter son établissement. Mais cette année, il les a invités dès octobre. « Les inscriptions dans le privé se font au mois de décembre. Donc, quand on leur vante notre collège au printemps, il est déjà trop tard, explique-t-il. Or, chaque année l’équivalent d’une classe de 6e s’échappe vers le privé. »
Ils sont ainsi une cinquantaine de parents à être venus ce samedi matin. Notamment des parents de l’école primaire Henri-Wallon, « l’école bourgeoise », celle où se rendent les habitants de Franceville, la zone pavillonnaire de Montfermeil.

Le collège Jean-Jaurès est censé accueillir à peu près à part égale cette population et celle des Bosquets, la cité du coin. Mais de plus en plus de parents, effrayés par la réputation peu réjouissante de la cité, se tournent en 6e vers le privé. « Les enfants de 14 ans qui ont mis le feu aux voitures pendant les émeutes, ils sont de ce collège, croit savoir Sylvie, démonstratrice aux Galeries Lafayette.

A l’école primaire, on connaît tous les enfants, tous les parents. Ici, non. Regardez : les parents sont arrivés en retard à la réunion et sont peu nombreux. S’ils ne donnent même pas le bon exemple à leurs enfants... » Sylvie est très tentée par le privé : « C’est s’acheter une tranquillité d’esprit et je crains qu’il n’y ait pas un collège public pour rattraper l’autre », dit-elle. Mais son choix n’est pas définitif et elle écoute les arguments d’une autre Sylvie, maman elle aussi. « Dans le privé, ils sont 30 par classe. Ici 22 [car en ZEP]. » Cette Sylvie-là est professeur des écoles. « Alors forcément, je suis tiraillé entre mon propre enfant et certaines valeurs. Mais je me dis que de toute façon, il sera confronté au secteur public un jour ou l’autre. » Une autre corrige : « Peut-être, mais mieux vaut attendre le lycée pour cela, quand ne restent que les enfants qui ont envie de réussir. Parce que le problème, c’est que la scolarité est obligatoire jusqu’à 16 ans. »

Sylvie a été élève ici. Elle pense que « depuis, la situation s’est encore dégradée. Dans notre école primaire, ils ne savent même pas ce qu’est le jeu du foulard. » Au collège Jean-Jaurès non plus puisqu’en vingt ans, il n’y en a pas eu un seul cas. Ce qui ne rassure pas pour autant les parents. « Qu’est-ce que vous faites avec les règlements de comptes, quand un simple regard de travers suffit à faire dégénérer ? demande un père. Que faites-vous avec les deux ou trois élèves qui ne laissent pas travailler les autres. C’est bien beau de convoquer les parents, mais après ? » En marge de la réunion, ce père plaide même pour l’instauration de la vidéosurveillance, pour dissuader car « qui dit qu’un élève exclu ne voudra pas se venger, même des années plus tard ». Le chef d’établissement argumente, détaille les punitions, sanctions, et souligne : « Ici, il y a huit surveillants en permanence. Il n’y a quasiment pas d’absentéisme. Les résultats sont bons. Certes, il y a des vols. Donc ça ne sert à rien d’apporter son téléphone ou son MP3. Mais on propose suffisamment d’activités, entre le théâtre, le foot ou la comédie musicale pour ne pas avoir besoin de ça. »

Un prof expérimenté prend la parole : « Vu le nombre d’années que j’ai fait ici, je pourrais être accepté n’importe où en France. Mais je reste. Et c’est parce que ça me plaît. Ici, ceux qui veulent s’en sortir s’en sortent. » Sont cités des jeunes qui ont fini en classe prépa à Louis-le-Grand à Paris, ou des gamins de la section foot qui jouent aujourd’hui au Mans ou à la Juventus de Turin. Autant d’arguments qui n’ôtent pas le doute : « Je crois que je m’en voudrais trop si je l’inscrivais ici et que ça se passait mal, dit Sylvie.

C’est vrai que le collège est rassurant, mais le problème, c’est dehors. » Une autre mère lui glisse : « Tu peux toujours essayer la 6e et voir après. » Sylvie acquiesce mollement. Dans deux mois, elle devra décider. « Je vais venir régulièrement à la sortie des cours pour voir s’il y a de la violence, prévoit-elle. Et j’irai aussi en¬tendre le discours du privé. »

M. H.

--------------------------------

Extrait de « 20 minutes » du 22.10.07 : « En cas d’incident, il faut réagir très vite »

1er jour

Nathalie est en pleurs. Jérôme en colère. Leurs deux fils et jumeaux de 11 ans, tous deux inscrits en classe de 6e au collège Jean-Jaurès de Montfermeil (93) ont été frappés par un de leurs camarades. Valérie, une des CPE (conseillère principale d’éducation) du collège, les reçoit dans son bureau.

Au départ, l’événement semblait pourtant mineur : Emile, très bon élève, à la voix et au physique fluet, a demandé à Kevin, fils d’une famille des Bosquets, de ne pas rigoler en cours. Kevin lui a mis un coup de pied et, après la classe, l’a poussé dans l’escalier. A la sortie, le père d’Emile a passé une soufflante au petit Kevin, qui a non seulement répondu du haut de son 1,60 m, mais mis un coup de pied dans la voiture du père. Ce matin, les deux enfants ont été convoqués. La CPE demande à Kevin de s’excuser par écrit, l’affaire semble réglée. Mais à la récré, accompagné de deux copains, il retrouve Emile, le bouscule, et met une claque à son frère. Les deux jumeaux déboulent en larmes. Kevin est rappelé : « C’est le collège ici, pas la cité », crie Valérie trois fois plus fort qu’une heure avant. Elle s’angoisse : « Les parents avaient longuement hésité à inscrire leurs enfants ici. J’espère qu’ils ne vont pas vouloir les mettre dans le privé. Ils sont issus de la cité et ne veulent surtout pas que leurs enfants revivent ce qu’ils ont vécu. » Elle joint la mère : « Non, non, n’allez pas au commissariat, on va régler ça en interne. » Les parents débarquent : « Il est hors de question que mon fils perde une année de sa scolarité parce qu’il a la peur au ventre en venant au collège », dit la mère en sanglots. Le père explose : « On ne va pas les excuser parce qu’ils viennent des cités. Moi aussi, je viens de la cité. J’apprends à mes enfants qu’il ne faut pas taper. Mais y en a marre. Maintenant je vais leur dire de frapper. »

La CPE appelle la mère de Kevin : « Je suis un peu en colère parce qu’il y a des petits soucis avec votre fils. » Le père viendra à 17 h. Kevin intervient : « Je ne pourrai pas venir, j’ai foot. » La CPE : « Eh ben tant pis, tu arriveras en retard au foot. » Une demi-heure plus tard, leur prof de français apprend l’événement. « Ouh là, j’espère que les parents ne vont pas sortir leurs enfants du collège... » Toujours la même angoisse. En attendant, « il faut réagir très vite », selon l’adjoint du principal, qui estime que le cas n’est « ni fréquent ni banal » dans l’établissement. A 17 h, le père arrive. Il écoute mais n’est pas d’accord. Le fils se braque, crie. N’obtenant pas d’excuses, le principal adjoint décide de mettre un avertissement sans le sursis qu’il envisageait. Il s’inquiète : « C’est rare qu’un gamin réagisse ainsi et qu’un père cherche à négocier l’avertissement. »

Le lendemain matin, Kevin revient dans son bureau et s’excuse. Le principal adjoint le sermonne mais ajoute : « Je ne te mets pas d’étiquette dans le dos. » Kevin reparti, il explique : « C’est toujours difficile à dire mais cette fois, j’ai l’impression que le message est passé. »

M. H.

Lire les autres articles du reportage

Répondre à cet article