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Politique de la Ville : l’avenir de la Réussite éducative et des projets éducatifs locaux (Rencontre OZP)

17 décembre 2007

-----LES RENCONTRES DE L’OZP-----

Observatoire des zones prioritaires
www.ozp.fr

n° 69 - décembre 2007

Politique de la Ville
l’avenir de la Réussite éducative
et des projets éducatifs locaux

Compte rendu de la réunion publique du 12 décembre 2007

Voilà 25 ans que les zones d’éducation prioritaires existent en s’inscrivant, dès leur création, dans une politique de développement social des quartiers, puis, à partir de 1990, dans la « politique de la Ville ». Celle-ci évolue constamment : l’ACSE, l’ANRU, l’ONZUS, les CUCS... sont des nouveautés des années 2000. D’autres changements sont en cours.
Bernard Bier (INJEP) a animé la Rencontre pendant laquelle Yves Goepfert, chargé de mission pour les questions éducatives et culturelles à la Délégation interministérielle à la Ville (DIV), a fait le point sur la politique de la Ville et sur les débats en cours.
L’intervenant a présenté les nouveaux partenariats expérimentés dans les Programmes de réussite éducative comme les matrices des futurs projets éducatifs locaux.

Yves Goepfert resitue les interrogations actuelles autour de la conception du plan « Respect et égalité des Chances » dans l’histoire récente de la politique de la Ville. La loi du 1er août 2003 (complétée par la loi du 18 janvier 2005 et par le plan de cohésion sociale de juin 2004) a voulu rompre avec l’empilement des dispositifs, le saupoudrage, la dilution des problématiques et l’absence de synergie entre l’ensemble des programmes que l’on reprochait à l’ancienne politique de la Ville. S’inspirant des politiques menées en Grande-Bretagne, mais en évitant les aspects très stigmatisants des politiques anglo-saxonnes, celle loi introduit quatre ruptures :
 un resserrement et un recentrage sur les seules Zones Urbaines Sensibles (ZUS), alors que la tendance en politique de la Ville comme en ZEP était à l’extension indéfinie ;
 un resserrement sur les publics les plus en difficulté, pour lesquels on débloque des moyens importants sur une période donnée ;
 une action menée sur tous les leviers en même temps et l’organisation d’un travail commun et d’une synergie entre les acteurs ;
 une rupture dans la mise en œuvre, avec la création
. d’agences : l’ANRU, Agence nationale de rénovation urbaine, et l’ACSE,
Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;
. d’un observatoire, l’ONZUS, Observatoire national des ZUS ;
. et avec la publication d’une batterie d’indicateurs de moyens et d’indicateurs de
performances anticipant la mise en application de la LOLF (Loi organique
relative aux lois de finances).

On oppose fréquemment une nouvelle approche d’individualisation à l’ancienne approche jugée plus collective. Yves Goepfert préfère parler, pour éviter la stigmatisation des individus, d’un « regard personnalisé sur les parcours éducatifs ». Avant, l’approche territoriale avait privilégié la mise en place de dispositifs qui avaient souvent dérivé vers « l’occupationnel à vertu éducative et de socialisation » et un nivellement des réponses apportées par rapport à l’estimation d’un besoin moyen. Dans les CEL (Contrats éducatifs locaux), la tentation était grande de « faire du chiffre » et d’ignorer les potentialités de chaque enfant. La segmentation des dispositifs et des regards sur le parcours éducatif de l’enfant ne facilitait pas la prise en charge des enfants en difficulté.

Le nouveau dispositif de Réussite éducative fédère les interventions dans un cadre bien défini et permet de « croiser les regards sur le parcours de l’enfant » ; il organise le dialogue de tous les intervenants. Il assied le partenariat sur une structure juridique et si les PEL (Projets Educatifs Locaux) n’ont encore qu’une existence faible, c’est aussi à cause de l’absence de toute assise juridique.
La Réussite éducative telle qu’elle a été conçue dans le cadre du plan de cohésion sociale poursuit trois objectifs :
1 - expérimenter une nouvelle forme de pilotage en partenariat dans un cadre juridique ;
2 - conserver les acquis de la veille éducative mais sur un périmètre réduit ;
3 - faire de l’Equipe de Réussite Educative (ERE) un plateau technique expérimentant un travail en commun entre professionnels et intervenants associatifs avec un public restreint
Les résistances à cette évolution tiennent à des représentations ancrées dans l’histoire de l’Education. Pour Jules Ferry, il y avait deux sphères éducatives : l’Ecole et la famille. Pour l’Ecole de la République ensuite, il fallait échapper à la tutelle de l’Eglise et à celle des notables. La loi d’Orientation de 1989, en même temps qu’elle institue les projets d’établissements et d’écoles, les inscrit dans un territoire.

Le partenariat n’est pas seulement une manière d’aider l’Ecole à remplir sa mission, il conduit à une politique éducative territoriale. Les représentations dominantes dans le milieu scolaire ne préparaient pas celui-ci à accepter que de nouveaux interlocuteurs s’introduisent dans le tête-à-tête entre les enseignants et les familles. Il a fallu aussi que les élus apprennent à mieux se situer : la légitimité qu’ils tirent de l’élection ne leur permet pas d’assumer des responsabilités pour lesquelles ils ne disposent d’aucun levier. Pour piloter un PEL, l’idée qui a prévalu est qu’il s’agissait d’organiser le dialogue entre tous. C’est ce qui s’expérimente avec les PRE.
Ces dispositifs n’ont pas vocation à perdurer indéfiniment. Ils sont expérimentaux : il faudra les évaluer et en tirer les conclusions.

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Les perspectives : vers une nouvelle génération de Projets éducatifs locaux

Le dispositif de « Réussite éducative » a une durée de cinq ans fixée par la loi du 18 janvier 2005. Il a une dimension expérimentale pour ce qui concerne le pilotage du projet. A l’échéance, fin 2009, l’expérience devra être évaluée. Sans trop anticiper sur cette évaluation, quels sont les acquis de ce programme et donc les perspectives d’évolution ?

Les acquis :
 le suivi pluridisciplinaire (partenarial) et personnalisé, dans la durée, des enfants et des jeunes en difficulté ;
 le travail en partenariat, s’appuyant (dans le cadre d’une obligation de niveau législatif) sur une structure juridique qui a fait bouger les lignes.

Le partenariat doit être pensé selon une logique de « développement éducatif » et en termes de « coproduction éducative ».

L’évolution :
Aller plus loin. Travailler en partenariat dans un cadre juridique défini était une option ; faut-il aller jusqu’à une obligation ? On ne peut pas se contenter d’étendre le dispositif au seul prétexte qu’il est bien perçu : le champ éducatif a plus besoin d’une politique que de dispositifs qui viennent s’additionner les uns aux autres. Il faut « monter d’un cran » et promouvoir une nouvelle génération de projets éducatifs locaux qui s’appuieront sur l’expérience acquise dans les PRE, mais également dans le cadre des autres dispositifs (méfions-nous des effets de mode !).
Le problème au sujet des PEL c’est qu’ils n’ont pas actuellement une base réglementaire suffisante pour que la méthode soit généralisée et donner de la cohérence à l’ensemble des dispositifs. La gouvernance, les règles expérimentées dans le cadre des PRE doivent être transférées au niveau des PEL. On ne peut pas et on ne doit pas réduire le champ du partenariat éducatif aux seuls territoires de la politique de la Ville et enfermer ce partenariat dans une politique de compensation et de réparation. Le PEL s’applique par principe à tout le territoire et s’appuie sur une logique de développement éducatif.

S’agissant des équipes de Réussite éducative (ERE), elles sont un outil du PRE. Mais le PRE dans sa forme actuelle ne se réduit pas à cet outil. Et l’obligation de passer par une structure juridique s’appuie au PRE et non à l’ERE. Il ne serait pas pertinent d’ailleurs qu’il en soit autrement. Ce qui veut dire qu’en remontant l’obligation au niveau du PEL, on donnerait une meilleure assise aux ERE et plus généralement à ceux qui interviennent dans le champ éducatif.

On ne peut plus se satisfaire de la situation actuelle où le partenariat résulte davantage d’une addition de bonnes volontés que d’une stratégie collective avec des objectifs et des réponses adaptées aux besoins locaux.
Pour les ERE, on ne peut se contenter - même si c’est une condition nécessaire - de la mobilisation d’un réseau d’intervenants. Nous devons être beaucoup plus ambitieux pour ne pas décevoir à moyen terme. Cela passe par la professionnalisation des intervenants. Cela passera peut-être aussi par une évolution du cadrage actuel permettant de constituer des entités ayant toujours une dimension systémique mais avec un pilotage et une mission mieux définis.
On mettra ainsi un terme à des représentations qui font des ERE un dispositif de substitution et des intervenants tantôt des « supplétifs de l’école », tantôt des « agents municipaux ». Sur un autre plan, le maire, même s’il est président du PEL, agira aussi dans ce cadre partenarial.

Echanges

Avant l’arrivée d’Yves Goepfert, un échange entre les participants avait porté sur les répercussions de la politique de la Ville sur la vie des écoles et collèges.

Une coordonnatrice d’éducation prioritaire s’interroge sur les limites de l’intervention des municipalités dans la vie des écoles : décider d’ouvrir la salle informatique aux parents ou impliquer les ATSEM (Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) dans des ateliers de langage en périscolaire, etc.

Un autre coordonnateur se demande qui prend les décisions en cette matière : l’initiative revient-elle aux acteurs locaux qui répondent aux besoins qu’ils identifient ou bien répondent-ils aux injonctions de l’inspecteur d’Académie relayant le préfet ? Que devient l’idée de projet avec ces injonctions ?

Un principal de collège se demande si ses interlocuteurs attendent de son établissement plus qu’une caution à leurs activités. On ne lui demande pas d’être partenaire d’un projet qu’il contribuerait à définir en fonction des besoins des élèves de son collège, ce qui permettrait d’articuler ces dispositifs avec le travail fait au collège. Il a l’impression que ces dispositifs ont besoin de la présence d’élèves pour justifier leur existence et l’emploi de leurs animateurs.

Un responsable de clubs « Coup de pouce » demande où est la référence, qui décide de la qualité de l’accompagnement et sur quels critères.

Un autre participant répond que ce qui compte c’est la nature des activités organisées par la commune : il est légitime qu’elle décide d’organiser des cours d’alphabétisation par exemple. Lui-même aimerait bien que sa commune ouvre plus largement ses locaux scolaires et que les bibliothèques scolaires soient plus accessibles à la population. Par ailleurs, il regrette l’incertitude sur la pérennité de ces dispositifs au-delà de 2009, incertitude qui se répercute sur les acteurs.

Une responsable d’association demande qu’on n’oublie pas que la veille éducative et la Réussite éducative ont permis des avancées entièrement nouvelles, en partie parce que des personnes, des membres d’ERE, ont pu être affectées entièrement à ces objectifs. On arrive ainsi, dans la prise en charge des enfants fragiles, à une plus grande cohérence, en particulier entre l’Ecole et le travail social. Avec cependant une réserve : les familles n’ont pas les mêmes possibilités d’initiative dans toutes les municipalités.

Un inspecteur pense qu’un nouveau partage des tâches est à trouver. Pour l’accompagnement éducatif, l’éducation nationale a les personnels et les savoir-faire, désormais elle a aussi les crédits : elle a donc repris la main.

Débat avec Yves Goepfert

Bernard Bier : Quid de l’Education nationale ?
Yves Goepfert : Aucun ministère ne peut décréter seul les Etats Généraux du partenariat. Mais ce qui rend cette solution nécessaire c’est le sentiment d’impuissance de chaque acteur pris isolément : seul, on ne peut rien faire. S’agissant de l’Ecole, il faut passer d’une forme de partenariat où elle s’adjoignait des partenaires (ce type de partenariat est important aussi bien sûr) à une forme où elle devient partenaire d’une politique éducative territoriale tout en conservant ses missions propres définie dans un cadre national.
On voit bien que l’Ecole reconnaît qu’il y a des besoins éducatifs à satisfaire au-delà du temps qui lui est imparti. D’une certaine manière, les projets d’école sont une réponse aux enjeux d’un territoire donné, mais cela n’est ni dit ni pensé sous cet angle. Et la mise en place depuis septembre 2007 de l’accompagnement éducatif franchit une étape de plus dans ce sens. Tout conduit aujourd’hui à remettre à plat tout ce qui est initié dans un cadre partenarial et peut-être au-delà si on comprend qu’un partenariat équilibré et productif ne peut exister qu’en s’appuyant sur les missions différenciées et reconnues comme telles des différents partenaires

Une participante : Et si les maires ne sont pas d’accord ?
Une coordonnatrice : Quel est à l’Education nationale l’interlocuteur du maire ?
Yves Goepfert : Pour les PRE, ce dialogue doit s’organiser dans le cadre de la structure juridique. Par exemple, pour la caisse des écoles, l’IEN représente l’inspecteur d’académie et des représentants des établissements participent à son comité consultatif. Mais, plus généralement, dans la perspective que je propose, c’est-à-dire celle d’une obligation a minima pour les institutions à être partie prenante d’un PEL, la question ne devrait plus être posée ainsi. C’est bien d’ailleurs le problème actuel où le partenariat n’est qu’une option parmi d’autres. Aucune institution ayant un rôle dans le continuum éducatif ne pourrait être absente de ce nouveau cadre de définition et de mise en œuvre d’une politique éducative locale.

Un inspecteur général : Comment sortir de la contradiction entre le partenariat, fondé sur la recherche de l’accord, et la nécessité d’avancer, qui peut demander de la réglementation, de la contrainte ?
Yves Goepfert : Je suis d’accord. Plutôt que de partenariat, on pourrait parler de « coproduction éducative » ou de « responsabilité partagée ». Il faut sortir du gré à gré, qui n’est plus satisfaisant pour répondre aux enjeux actuels et vraisemblablement donner un cadre juridique à tout ce qui entre aujourd’hui dans le champ du partenariat éducatif. On peut songer à une grande loi qui réunifierait tout ce qui aujourd’hui reste juxtaposé : jeunesse, sports, culture, santé, prévention de la délinquance, action sociale..., et définirait les missions de chaque partenaire, sans que chacun soit cantonné dans une seule mission et ne limite son action aux seules missions qui lui incombent.
Mais je ne pense pas pour autant qu’il faille tout mettre sous la bannière du maire ou a contrario faire reposer les dispositifs partenariaux du domaine éducatif sur les établissements scolaires : ce qu’il faut instituer, c’est justement un cadre équilibré entre les différents pôles institutionnels et associatifs, un cadre pérenne qui permette au processus de « coproduction éducative » de se développer..

Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume

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