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Les ZEP dans le plan Borloo, (Le Point)

2004

Extrait du « Point » du 01.07.04 : les ZEP dans le plan Borloo

Interview Jean-Louis Borloo « Nous allons agacer beaucoup de gens »
Avec son plan qui dégagera 12 milliards d’euros en cinq ans, le ministre de la Cohésion sociale a un objectif : réintégrer 4 millions d’exclus. Mission impossible ?

Le Point : Pourquoi un tel plan ?

Jean-Louis Borloo : Aujourd’hui, en France, celui qui fait un mauvais départ dans la vie se retrouve en un rien de temps définitivement hors jeu. Une fois que le wagon a décroché, plus moyen de rattraper le train. Le modèle républicain tel que nous le connaissions il y a encore quinze ans a vécu. Sur le papier, il est universel, généreux et magnifique. Dans la réalité, il peut se révéler arrogant, à bout de souffle, en plaçant tout le monde au même niveau sans tenir compte des plus faibles, de plus en plus nombreux. C’est bien de donner des crayons et des cahiers à tous les enfants. Mais ce n’est valable que dans une société homogène où chacun dispose d’un toit et peut espérer décrocher un emploi. Pas dans un pays qui compte des dizaines de ghettos. Quand on voit qu’en maternelle, dès le mois de décembre, certains enseignants ont déjà détecté les enfants qui vont droit à l’échec scolaire, cela me révulse qu’on ne puisse pas agir.

Mais ce n’est pas si différent de la « fracture sociale » mise en avant il y a dix ans par Jacques Chirac... Rien n’a donc été fait ?

La société française est aujourd’hui consciente de ses maux et de la catastrophe sociale qu’elle traverse. Elle ne l’était pas il y a quelques années. Mais le risque qui la guette, c’est le défaitisme. Lorsque j’écoute certains hauts fonctionnaires ou politiciens qui me disent que tout a été essayé, j’ai l’impression que nous sommes en 1938. Un pays qui laisse ses jeunes sur le bas-côté de la route est fini. Un pays qui reçoit des gens dans les années 70, les installe dans des foyers de travailleurs migrants et qui se rend compte, trente ans après, qu’ils sont toujours là parce qu’ils n’ont pas eu les moyens de bouger, ça me révolte.

Beaucoup avant vous ont lancé des initiatives sociales, notamment dans le domaine de l’emploi, où les crédits ont augmenté de 75 % en dix ans. La plupart ont échoué. Comment allez-vous vous y prendre ?

Ce plan dégage 12 milliards d’euros de fonds supplémentaires en cinq ans, ce n’est pas rien. Mais l’argent n’est pas tout. Il faut donc secouer le système et bouleverser les mentalités. Un exemple : savez-vous que Polytechnique reçoit des sommes considérables au titre de l’apprentissage ? Cette grande école devra apprendre à partager. Nous allons agacer beaucoup de gens. C’est le seul moyen pour que cela marche. Il faut aussi arrêter de distribuer à tout le monde la même chose. On pense ce que l’on veut du système éducatif américain. Mais 80 % de l’argent public y est concentré sur l’équivalent de nos ZEP. Cela ne me paraît pas incongru. Si on ne concentre pas nos efforts aujourd’hui sur ceux qui en ont besoin, alors la France peut dire adieu aux valeurs de la République. Autant décider de faire une croix sur 4 millions de personnes. Mais ce n’est pas un bon pari.

Comment éviter que ce plan soit synonyme de fouillis et comment « sanctuariser » vos mesures jusqu’en 2009 ?

Ce plan est une priorité du président de la République et du gouvernement. La seule chose pour laquelle je me suis battu, c’est pour que ce plan prenne la forme d’une loi de programmation. Celui qui voudra remettre en question ne pourra pas le faire dans l’ombre. Le fouillis ? Je joue sur tous les plans en même temps et j’assume. Un exemple : à Chanteloup-les-Vignes, il y a eu une magnifique rénovation de l’habitat dans un quartier difficile. Mais beaucoup reste à faire pour l’éducation. Résultat, les ménages aisés n’ont pas voulu s’y installer. Pour finaliser la conception de ce plan, nous avons rassemblé dix-huit ministres. Nous nous attaquons de front et simultanément au logement, à l’emploi et à l’école. Mais aussi à l’intégration. Il faut bouger en même temps et en force. Quand on étudie l’échec scolaire d’un enfant, il y a souvent derrière un père sans emploi et une famille mal logée. Je n’invente rien : les statistiques confirment mon expérience du terrain

Propos recueillis par Romain Gubert

Les principales mesures :

Emploi
 Création de 300 maisons de l’emploi regroupant l’ANPE, les chambres de commerce, les mairies...
 Réforme des mesures en faveur des jeunes (alternance, apprentis- sage, contrats aidés...) et création d’un fonds pour l’insertion des jeunes en difficulté.
 Création du PACTE (un parcours d’accès à la fonction publique), une formation destinée à entrer sans concours dans l’administration.
 Création du contrat d’activité. Signé entre un RMiste et un patron pour deux ans, il prévoit que le RMiste travaille et soit formé 26 à 35 heures par semaine. 1 million de bénéficiaires sur quatre ans.
 Renforcement des aides aux chômeurs créateurs d’entreprise.

Logement
 Augmenter la « production » de logements sociaux de 40 000 par an d’ici à 2009 par des mesures incitatives.
 Création de 12 500 places d’hébergement d’urgence.

Égalité des chances
 Création de 750 « équipes de réussite éducative » pour aider les enfants en grande difficulté dans les 900 ZEP.
 Création d’une trentaine d’internats pour collégiens et apprentis en difficulté.
 Création de pôles d’excellence éducative dans le domaine des langues, du sport, des arts, dans des collèges de quartiers difficiles.

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