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Dans la banlieue bordelaise : « Seule l’école pourrait changer ça, mais elle ne le fait pas »

23 janvier 2008

Extrait de « Sud-Ouest » du 22.01.08 : La banlieue attend bien plus

« Un milliard pour la banlieue ? On est sur des effets d’annonce. Je suis allé consulter des documents sur le Net et j’ai vu qu’on avait déjà fait bien plus pour la politique de la ville et la rénovation urbaine. 1 milliard, ce n’est rien. C’est le prix du TGV acheté par les Argentins, non ? » Ce jugement sans appel porte sur l’enveloppe du plan banlieue de Fadela Amara, la secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville, qui en annoncera les grandes lignes aujourd’hui à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue lyonnaise (lire ci-contre). Il émane d’Ernesto Oñas. La banlieue, il connaît. Il est l’un des piliers d’En attendant demain, un collectif de vidéastes qui a surgi des quartiers réputés difficiles de la rive droite de l’agglomération bordelaise.

Ancré à Floirac et à Cenon, En attendant demain tire de la vie quotidienne dans les cités des courts-métrages à l’humour décapant, mis en ligne sur son site internet (1). « On joue des clichés sur les jeunes de banlieue. Il faut s’assumer et s’accepter malgré ces clichés. Les tourner en dérision, c’est une manière de les dédramatiser pour ceux qui les vivent », résume Moussa, un des acteurs récurrents de ces fictions repérées par Canal + (2).

« Le fric n’arrive pas ». Depuis sa naissance il y a quelques années, En attendant demain a pu tester en grandeur nature l’inégalité des chances. « Nous, on a démarré avec zéro réseau. Vu d’où on venait, il nous manquait le savoir-faire pour monter les dossiers et avoir accès à l’information sur les aides financières. C’est d’une incroyable complexité ! », dit-on au collectif. Sylvain Dezangroniz, crédité Zangro au générique, se souvient avec ironie du zeste de condescendance qui accueillait ses premières démarches.

« On louait un caméscope pour tourner, ça nous revenait super-cher ! En face, personne ne bougeait, il y avait de quoi péter les plombs », raconte-t-il. « Les gens qui arrivent à aller au bout de leurs projets sont souvent ceux qui ont l’ingénierie nécessaire pour instruire les dossiers, pas forcément ceux dont l’action sur le terrain est la plus pertinente. Et puis, au bout du bout, le fric promis n’arrive pas même quand la mairie se démène. On bénéficie d’une aide de 15 000 euros pour structurer l’association. Mais seuls 2 500 euros nous ont été versés. On aimerait salarier des gens, mais comment faire ? », renchérit Ernesto Oñas.

Pas soutenus. Dans ce même coin de banlieue bordelaise, le groupe Del Boucan pose un constat plus noir encore. Né en 1996 à la cité Libération, dans le Bas-Floirac, Del Boucan a fédéré nombre de jeunes autour d’un projet musical axé sur les percussions et le hip-hop. Dans une démarche qui mêlait l’artistique au travail social, ses membres ont animé des ateliers dans les centres sociaux de l’agglomération, ils ont participé à la parade du carnaval de Bordeaux et se sont produits en concert. Sans local pour répéter, Del Boucan est aujourd’hui en sommeil. « On voyait la situation se dégrader dans le quartier, des jeunes se déscolariser, on avait des idées pour faire bouger tout ça mais ça n’a pas suivi. On entend que des sous sont débloqués dans le cadre de la politique de la ville, mais ça n’arrive pas sur le terrain. Là, c’était à Floirac mais c’est partout pareil : les associations qui ont des idées ne sont pas toujours soutenues », juge Boudji Abasse, un des fondateurs de Del Boucan.

Adossé au succès public de ses créations, En attendant demain a au contraire l’oreille des institutions. Et incarne une certaine idée de la réussite « pour les jeunes qui sont dans l’échec et qui espèrent », selon Moussa. Pour autant, le collectif a bien conscience qu’il ne changera pas à lui seul la vie dans les cités. « L’égalité des chances ? Toutes les cités partagent un handicap énorme là-dessus. Qu’on soit noir, arabe, blanc, polonais ou n’importe quoi d’autre, on est pauvre. Et c’est héréditaire ! À la génération suivante, ça recommence. Seule l’école pourrait nous sortir de ça, mais elle ne le fait pas », pose Ernesto.

Jean-Denis Renard

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