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Suppression des "classes contrats" à La Réunion, un dispositif original pour élèves de 6ème en grande difficulté qui concerne aussi des collèges "Ambition réussite"

24 février 2008

Extrait de Témoignage du 20.02.08 : Suppression des classes contrats : les enseignants se fédèrent en Collectif

Le Rectorat lâche les élèves en difficulté ... ... Bombe à retardement enclenchée !

Suite à la décision arbitraire du Recteur de supprimer le dispositif “classe contrat” destiné aux élèves de 6ème en grandes et très grandes difficultés, les professeurs référents se sont fédérés en Collectif. Ils demandent la remise en place d’un système d’aide « cohérent et réfléchi » capable de soutenir ces jeunes en situation d’échec scolaire et interpellent les élus sur la bombe à retardement que le Recteur vient d’amorcer.

LE 23 janvier, les proviseurs des 64 collèges de l’académie concernés par le dispositif reçoivent un courrier du Rectorat qui les informe de la suppression des “classes contrat” à la rentrée 2008. Parents, enseignants, syndicats, chefs d’établissement : cette décision n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable. C’est la rupture brutale sans sommation et sans alternative.

« Le Recteur veut faire du chiffre »

« Nous n’avons pas été prévenus officiellement, administrativement de la fermeture de ce dispositif dont la deuxième année d’application n’est même pas terminée. Nous l’avons appris par les médias ou par les chefs d’établissement qui ont bien voulu faire suivre l’information », explique Pierre-Antoine Bourgourd, représentant du Collectif pour les relations avec le Rectorat. Pourquoi une telle suppression sans analyse, sans concertation, sans évaluation pertinente du dispositif ? Une seule réponse s’offre à notre interlocuteur : « Le Recteur veut faire du chiffre. Sa priorité n’est pas de répondre aux problèmes spécifiques des élèves à La Réunion, mais bien de mener sa réforme administrative. Dans cette optique, il coupe ici et là pour faire des économies et travailler à flux tendu ». Mais en l’absence de plan B, que va-t-il advenir de ces 1.024 élèves en difficulté (16 par classe) ? Rejoindre ces autres que l’académie feint de ne pas voir et qui, faute d’alternatives éducatives, de prise en charge spécifique, consolident leurs retards, fondus, perdus dans des classes qui suivent le cursus normal pour lequel ils n’ont pas le niveau (voir par ailleurs) ?

Autocrate féru de ping-pong, le Recteur Canioni renvoie, sur dossier encore, la balle très loin en touche. Autonomie accélérée des établissements, il appartiendra désormais aux proviseurs qui le jugeront nécessaire de mettre en place eux-mêmes des actions éducatives adaptées. Mais, comme le précise Pierre-Antoine Bourgourd, « selon les établissements, on retrouve des Principaux qui ont à cœur la pédagogie et d’autres qui ont à cœur la gestion administrative et les chiffres. Pour ces derniers, l’essentiel est d’organiser 1 classe-1 prof après la qualité, ce qu’on fait... ».

Si l’administration soutient que les “classes contrat” mises en place cette année iront au bout des deux ans du dispositif avant sa suppression totale, on murmure déjà dans certains établissements qu’il serait préférable d’en finir au plus tôt. « Il y a déjà des dérapages, confie l’enseignant. Qu’en sera-t-il l’année prochaine ? ».

« Aucun "Plan Marshall" pour les élèves en difficulté »

Il ne fait aucun doute pour le Collectif que ce transfert de responsabilité va conduire à la suppression non seulement de la classes, mais aussi du poste d’enseignant, pourtant formé par l’Académie à cette mission vitale.
« Ce n’est pas dramatique pour nous de retourner au Primaire, notre poste n’est pas en jeu, mais les élèves en difficulté n’auront plus d’enseignants formés, poursuit le référent. Je pense aussi que les Principaux de certains collèges, et surtout nos collègues, n’apprécieront pas. Nous leur apportons des éléments de réflexions différents, sommes souvent plus impliqués dans la vie de l’établissement. On connaît mieux les familles pour avoir suivi avant les élèves en classe de lecture, on peut en reprendre certains dans nos groupes quand cela se passe mal dans la classe, on rend de petits services... On est un peu la soupape en cas de problème ».
Et sans soupape, la marmite bouillante de l’échec scolaire qui “pouak” trop d’élèves réunionnais ne tardera pas à exploser avec les conséquences sociales dramatiques que l’on connaît. Ce dessein inquiète les enseignants qui, au quotidien, vivent l’ampleur du phénomène. « Parmi les élèves que nous suivons en “classes contrat”, les 3/4 répondent peu aux sollicitations, ne sont pas épanouis, refermés. Le quart restant est beaucoup plus extériorisé ; ce sont des enfants qui présentent d’autres troubles associés. On ne sait plus par quel bout s’y prendre. Les services sociaux, associations gérées par le Conseil général, sont confrontés aux mêmes problèmes que nous : le Département comme l’Académie ne proposent aucun "Plan Marshall" pour les élèves en difficulté ».

« C’est l’avenir de ces jeunes qui est en jeu »

Réunis le 5 février au Port, les enseignants de “classes contrat” ont rédigé une motion à l’attention de l’administration académique lui redemandant l’ouverture d’une concertation afin d’établir et de proposer de nouveaux outils aux élèves en difficulté.
« C’est quand même fantastique de voir que nous sommes obligés de passer par des voies détournées pour demander le dialogue, déplore Pierre-Antoine Bourgourd. Nous avons déjà proposé au Rectorat d’engager un travail durant les heures de concertation traditionnelles pour formuler des propositions, mais il a refusé. Nous sommes donc obligés de passer par un Collectif pour défendre la cause des élèves en difficulté, car rappelons qu’ici, nous ne jouons pas nos postes, mais c’est l’avenir de ces jeunes qui est en jeu ».
Cette réunion a également été l’occasion de dresser le bilan de la politique académique à l’égard des élèves en difficulté et de rédiger une note d’information très instructive que le Collectif a transmise aux médias comme aux personnalités politiques.
Pour l’instant, seule Huguette Bello a répondu présente, Didier Robert réceptif. « On pense jouer sur la période électorale pour que les élus prennent position sur ce dossier, mais soit le sujet n’est électoralement pas porteur, soit ils n’ont pas conscience de la gravité de la situation, du gros pourcentage d’enfants en difficulté dans notre académie », explique l’enseignant. L’enjeu est portant de taille.
Le Collectif attend la réponse de l’Inspecteur académique à qui le Recteur a délégué la gestion du dossier : courage, fuyons ! Si ce dernier ne s’est pas manifesté d’ici à mardi prochain, les enseignants et tous leurs collègues qui voudront bien les soutenir se retrouveront devant les grilles du Rectorat, très fréquentées ces derniers temps. Et ça n’interpelle personne ?

Stéphanie Longeras

Classes contrats, c’est quoi ?
Créées en 2006, les “classes contrat” (classes fermées) accueillent 16 élèves en très grande difficulté, non lecteurs ou petits lecteurs, sélectionnés à partir des évaluations nationales. Ce dispositif, spécifique à l’Académie de La Réunion, offre aujourd’hui à 64 collèges une remédiation, un programme adapté qui doit permettre aux élèves d’accéder sur 2 ans à la classe de 5ème. La première année, la part du français et des mathématiques est augmentée et les matières dites « d’éveil » sont traitées en termes de projets (Sciences et Vie de la Terre, Histoire, Géographie, Anglais, EPS). En 2ème année, la classe suit un programme habituel de 6ème, bénéficiant d’un suivi particulier de la part des professeurs dans une classe appelée “Aide et progrès”. Les élèves de “classe contrat” reçoivent une aide visant la maîtrise des apprentissages fondamentaux.

70% des élèves de 6ème en difficulté
Au collège, les sections spécialisées pour les élèves en grande ou très grande difficulté se résument aux SEGPA, aux dispositifs ambition-réussite et aux “classes contrat”. Certains collèges cumulent 2 à 3 dispositifs. Selon le Collectif, « à La Réunion, les résultats aux évaluations nationales devraient conduire à classer tous les collèges (sauf 2) en ambition-réussite ». Beaucoup des initiatives engagées tiennent avant tout à l’implication des enseignants, et l’on peut se demander quel est le rôle des autorités académiques ? Si elles avaient de l’ambition, peut-être pourraient-elles ouvrir de nouvelles SEGPA.
Quoi qu’il en soit, la nécessité d’un programme ambitieux n’est plus, pour le Collectif, à démontrer sachant que sur un effectif moyen de 250 élèves de 6ème pour un collège, environ 20% sont en très grande difficulté, 30% pour les collèges les plus démunis. De ce fait, 16 élèves de “classe contrat” ne représentent que 32% des 50 à 60 élèves qui ne sauraient se priver d’un soutien éducatif adapté pour espérer poursuivre leur cursus. « D’après notre expérience au collège, nous estimons entre collègues que 30% seulement des élèves à l’entrée en 6ème peuvent suivre les programmes officiels (depuis les très bons, jusqu’aux moyens qui s’en sortiront, sauf accident). Il y a donc entre 50 et 40% d’élèves en difficulté "moyenne" qui n’ont pas de prise en charge particulière.
Cumulés, les élèves en difficulté à La Réunion représentent donc en moyenne 60 à 70% des effectifs de 6ème, soit 11.000 élèves sur 16.000 (privé et SEGPA inclus) ! ». Cette analyse du Collectif n’invite-t-elle pas à la réflexion, à l’action ?

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