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Une monographie "Collège-Familles" rédigée par Gérard Suc, coordonnateur ZEP-REP départemental de la Loire en 1996

5 novembre 2008

Source INRP, 1996

POINT LIAISON

COLLEGE - FAMILLES

monographie rédigée par G. Suc, coordonnateur départemental de la Loire pour les ZEP et REP

Contexte : un collège (collège Gambetta-Saint-Etienne), qui reçoit une population scolaire difficile en provenance d’un quartier en paupérisation ; des relations problématiques avec les parents

Objectifs : améliorer les relations avec les familles

Acteurs : une mère de famille, interprète et médiatrice culturelle ; l’équipe de direction ; les professeurs du collège

Démarche : recours à l’interprète pour la circulation de l’information en direction des familles, ainsi que pour discuter avec celles-ci de problèmes de comportements et d’orientation

Facteurs de réussite : implication de l’équipe de direction et de l’interprète ; compétences de celle-ci

Effets obtenus : nette amélioration des relations avec les familles

Résumé : Le point liaison collège-familles, avec le concours d’une personne faisant fonction d’interprète et de médiateur culturel, est une action pour améliorer les relations avec les familles maghrébines, intégrée au projet d’établissement élaboré pour l’année scolaire 1993-1994.
Il fonctionne donc pour la troisième année. Pour le présent dossier, outre l’analyse des tableaux de bord du collège et de son projet d’ensemble, des entretiens ont été conduits dans l’établissement. De plus, un questionnaire précodé, préparé par un intervenant MAFPEN au printemps 1995, et portant sur les effets obtenus a été distribué à tous les professeurs ayant eu recours à l’interprète.
Les familles n’ont pas été rencontrées : la présence de la traductrice aurait été nécessaire alors que l’objet de la discussion aurait été d’analyser son propre rôle.

LE CONTEXTE

L’évolution de l’établissement au cours du siècle, passant d’un lycée de jeunes filles pour la petite et moyenne bourgeoisie du centre ville à celui d’un collège à profil ZEP, ainsi que la présence de professeurs qui ont vécu une partie de cette évolution, permettent de comprendre l’importance, dans les faits et les esprits, du problème posé par les relations avec les familles étrangères.

Une histoire ancienne

Le collège Gambetta possède une histoire ancienne : aménagé dans les locaux austères et fermés d’un couvent du XVIIème siècle, il existe en tant qu’établissement scolaire depuis 1806 mais son statut a fluctué au fil des années.

En 1958, les bâtiments étaient partagés entre le lycée de jeunes filles Honoré d’Urfé et quelques classes du collège moderne de filles qui, après le départ du lycée, a été lui-même transformé en annexe du lycée d’Etat Simone Weil en 1959, chargée d’accueillir les classes de premier cycle. Après la construction d’un nouveau lycée à la sortie nord de Saint-Etienne, ces classes de la sixième à la troisième ont donné naissance au collège Gambetta, établissement public autonome en 1972, installé dans des locaux devenus très vétustes avec le temps.

En septembre 1991, la rentrée scolaire s’est effectuée dans des locaux entièrement rénovés par le Conseil Général, avec un équipement moderne, tant pour le mobilier que pour les équipements audiovisuels et informatiques. En septembre 1993, un nouvel encadrement, Principal et Principal-adjoint, a remplacé le Principal précédent qui était en place depuis de nombreuses années.

Un quartier en paupérisation

Le collège Gambetta est situé en plein centre ville, au bord de la rue principale qui traverse l’ensemble de Saint-Etienne et donc à proximité immédiate de la ligne de tramway qui fait la fierté de la ville, dans un quartier qui garde de nombreuses traces d’une occupation autrefois assez bourgeoise.

Mais l’habitat a beaucoup vieilli et de nouvelles familles, pauvres, souvent d’origine étrangère, à la recherche d’un loyer faible pour un logement sans grand confort, sont venues remplacer les précédentes. Ce qui vaut actuellement au secteur d’être classé comme quartier difficile dans le Contrat de Ville signé entre la Préfecture de la Loire et la commune de Saint-Etienne dans le cadre de la Politique à la Ville.

Une population scolaire hétérogène et difficile

Le tableau de bord du collège de l’année 1993-1994 révèle un profil d’établissement comparable à celui d’une ZEP : 643 élèves représentent 11 nationalités dont 52% de français. Les maghrébins constituent 35% de l’effectif et les turcs 9%. 61,6% de l’ensemble sont boursiers mais les CSP 3 et 4 représentent tout de même 15% de l’effectif total. 22% des chefs de famille sont sans emploi, pourcentage très supérieur à la moyenne départementale.

La moitié des élèves est en retard à l’entrée en sixième, alors que la moyenne départementale est de 30,4%. Les résultats sont conformes, en 1993, au profil de la population scolaire : les scores aux tests nationaux de 6ème de septembre sont inférieurs de 7% à la moyenne nationale en français, l’écart le plus important étant sur le champ " connaissance du code " (-16%), et inférieurs de 11% en mathématiques où les résultats les plus faibles sont enregistrés en " figures géométriques " (-16%). Le pourcentage d’élèves admis en juin au Brevet des collèges avec la moyenne aux épreuves anonymes est de 11% pour le collège contre 38,5% pour le département.

Une image peu favorable auprès des familles

Les prévisions pour le passage en sixième, données en juin 1993 par les écoles du secteur, font apparaître 21% de demandes de dérogations et 18% d’intentions d’entrées en collèges privés : à peine plus de la moitié des élèves du secteur (57%), compte tenu des redoublements (3%) et des orientations en SEGPA (0,86%), devait venir au collège Gambetta.

Des relations problématiques avec les parents

L’ensemble des personnes rencontrées a fait état de relations délicates avec beaucoup de parents avant 1993, surtout avec les familles étrangères : les contacts étaient difficiles à établir, beaucoup d’élèves signaient eux-mêmes les documents administratifs sans en informer leurs parents, y compris pour l’orientation, interceptaient le courrier, même recommandé, si bien que ceux-ci ignoraient ce qui se passait au collège avec leurs enfants. Une connivence existait souvent entre frères et soeurs pour cela. La participation aux rencontres parents-professeurs était faible, d’environ 10%.

Les familles étrangères en particulier, lorsqu’elles venaient au collège, étaient souvent agressives et dans une position inconfortable, psychologiquement, car l’enfant était généralement le traducteur en même temps que le sujet du litige. Un nombre sensible de mères cachaient à leur époux les frasques de leurs enfants : absentéisme, falsification de notes, violences... Dans le passé, il est arrivé que le collège puisse bénéficier de l’intervention d’un interprète pour discuter d’un cas particulièrement lourd avec une famille, ce qui avait été jugé chaque fois positif.

Une collaboration existait depuis plusieurs années avec des associations locales : Maison du Babet, Maison des Enfants, Centre Social Sèverine. Suivi individuel d’élèves en difficulté, accompagnement scolaire, prévention, aide à la socialisation par des échanges culturels et l’utilisation du conte, ne répondaient pas à un besoin spécifique de relations plus régulières avec les parents des élèves. De même, l’intervention d’éducateurs au collège pour le suivi de certains enfants ou pour l’aide aux devoirs, répondait à un autre objectif.

Or, un certain nombre de professeurs, très anciens dans l’établissement, ont vécu et parfois douloureusement, la transition d’un premier cycle de lycée de jeunes filles vers un collège à population scolaire défavorisée.

Dans un tel contexte, la mise en place d’un point liaison familles-collège s’est faite dans le cadre plus général du projet d’établissement élaboré au cours de l’année 1993-1994, qui visait une restructuration de l’accueil scolaire des élèves, pédagogique et administrative, et un repositionnement des rôles de chacun.

LES OBJECTIFS DE L’ACTION

La restauration du bâtiment et l’arrivée d’un nouveau principal et de son adjoint ont créé un climat propice au développement du projet d’établissement.

Une action intégrée au projet du collège

Un chapitre particulier de celui-ci est consacré aux relations avec les familles, avec l’objectif de responsabiliser les élèves et leurs parents, et de ramener ceux-ci au collège pour qu’ils puissent jouer leur rôle.

" La collaboration et l’interaction école-famille est une clé de la réussite scolaire. Nous faisons porter notre effort sur la qualité de l’accueil. Beaucoup de familles souhaitent suivre la scolarité de leurs enfants et les accompagner. Toutefois, les réunions institutionnelles traditionnelles ne suffisent pas. Pour beaucoup, en effet, les difficultés sociales, culturelles, linguistiques sont telles que le suivi reste difficile, voire impossible.

La mise en place à la rentrée 1993-94, dans l’urgence, du point liaison collège-famille contribue à faciliter la communication entre le collège et les familles en aidant à lever les obstacles. Pour certains cas d’élèves très difficiles nous envisageons l’utilisation de fiches de suivi.

La participation des familles à la vie de l’établissement reste souvent faible et irrégulière (beaucoup de classes sans délégués parents, par exemple). Cependant, les associations de parents qui comptent peu d’adhérents, demeurent très actives. Dès l’an prochain, nous nous proposons d’améliorer cette situation en sensibilisant les familles au moment des élections (meilleure participation électorale) et en formant plus de délégués-parents. Le collège se doit de les associer plus encore à sa vie que la simple association institutionnelle traditionnelle. " (projet 1993-94)

Des objectifs spécifiques à l’action

" Améliorer la relation collège-familles en facilitant la communication entre les personnels du collège et les familles sans se substituer aux différents services de l’établissement mais :

 en aidant à lever les difficultés sociales, familiales, linguistiques ou culturelles

 en sollicitant et en accueillant les familles, en les mettant en contact avec les personnels concernés et en leur donnant des explications pour qu’elles assurent au mieux le suivi scolaire de leurs enfants

 en aidant les personnels à faire parvenir leurs messages aux parents, à recevoir toutes informations utiles venant d’eux et à être ainsi compris d’eux. " (projet 1993-94)

LE FONCTIONNEMENT

Une mère d’élèves en contrat emploi-solidarité

Au cours de l’année 1993-94, le collège a eu l’opportunité d’accueillir en Contrat Emploi Solidarité une mère d’anciens élèves, française d’origine algérienne, âgée d’une quarantaine d’années, parlant couramment l’arabe et plusieurs dialectes. En raison de son bi-culturalisme et de sa bonne intégration dans le quartier - elle y habite depuis trente ans - elle a été sollicitée pour servir d’interprète lors de rencontres avec des familles maghrébines. Son rôle s’est rapidement étendu à celui d’un médiateur culturel chargé de permettre une compréhension mutuelle qui dépasse la simple traduction de la langue. Dans l’établissement elle dispose actuellement d’un bureau dans lequel elle peut accueillir, et d’un poste téléphonique. Dans la suite du rapport elle sera nommée Mme X.

Un fonctionnement concerté

Le point de départ de l’action a été la lutte contre l’absentéisme et une collaboration entre la conseillère d’éducation et Mme X. Depuis l’automne 1993, les absences sont relevées dès la première heure de cours, ce qui permet d’essayer de contacter immédiatement la famille. Si la conseillère d’éducation ne parvient pas à joindre celle-ci, ou si la conversation téléphonique est délicate dans le cas de parents étrangers, elle demande à Mme X de prendre le relais. De même, lorsqu’une difficulté se présente entre les professeurs et un élève d’origine maghrébine, ceux-ci demandent à Mme X d’organiser un rendez-vous avec les parents. Lors des propositions d’orientation, Mme X est aussi sollicitée pour discuter avec certaines familles.

Les professeurs rencontrés pour le présent dossier, de disciplines diverses, dont certains sont dans le collège depuis plus de dix ans, sont témoins de plusieurs dizaines d’interventions de Mme X, pour des motifs variés : comptes rendus des résultats aux tests nationaux de 6ème, comptes rendus des tests d’orientation, manque de travail des élèves ou indiscipline, fausses signatures, propositions d’orientation, etc. A la fin de l’année scolaire actuelle, toutes les familles qui ont eu pour leur enfant une proposition d’orientation non conforme à leurs voeux ont été reçues au collège, en présence de Mme X pour les étrangers.

Mme X utilise le téléphone du collège, dans la plupart des cas, pour organiser ces rencontres, mais parfois aussi le sien personnel lorsqu’elle ne peut joindre un père que tard le soir après la journée de travail de ce dernier. Il lui arrive quelquefois de solliciter des personnes du quartier qui lui servent d’intermédiaires.

Une fonction de médiation

Mme X déclare être au service du collège et des parents, disponible pour les uns et les autres, et ne pas porter d’enjeux institutionnels : elle ne sanctionne pas, ne signe aucun document administratif. Elle écoute, essaie de faciliter la compréhension réciproque, par la connaissance qu’elle a du fonctionnement du collège et de la culture maghrébine.

Selon Mme X, les parents étrangers se " défoulent " lors de la première rencontre qu’elle a avec eux : elle cherche à dédramatiser, à comprendre, à expliquer, à éliminer le soupçon de racisme qu’ils portent parfois à l’encontre de l’établissement. Sa boussole est le bien de l’enfant, sa réussite scolaire.

Un exemple de son intervention est significatif. Auparavant, les fêtes musulmanes provoquaient des absences nombreuses qui se prolongeaient pendant des jours. Des discussions entre l’équipe administrative de l’établissement, les professeurs, les élèves et des familles, auxquelles Mme X a participé, ont permis d’aboutir à un consensus qui tolère pour les collégiens musulmans une demi-journée d’absence lors de ces fêtes, mais une seule, à déterminer. Depuis, les absences pour ce motif ont très fortement chuté. La médiation culturelle de Mme X, lors de ces discussions, a été très appréciée par les divers interlocuteurs.

A la marge des fonctions institutionnelles

Les fonctions exercées dans un établissement scolaire sont définies et réglementées par des textes institutionnels, ce qui n’est pas le cas de celle de Mme X, son rôle étant particulier au collège concerné. Une telle fonction qui se crée, comme d’autres qui apparaissent ailleurs dans des démarches de projet, est identifiée par les sociologues comme " marginale sécante " puisqu’elle s’installe à la marge de fonctions existantes, provoquant de nouvelles connexions entre celles-ci et prenant toujours le risque d’empiéter sur le territoire des autres.

Ainsi, les champs d’intervention respectifs de Mme X et de la conseillère d’éducation ont été discutés, négociés et semblent s’être stabilisés sur un consensus. L’interférence avec l’action de l’assistante sociale scolaire est beaucoup plus délicate et une partie du premier objectif de l’action, " lever les difficultés sociales et familiales ", fait question. En effet, selon le Service d’Action Sociale en faveur des élèves, il est peu facile d’isoler le rôle de parent d’élève de la globalité de la famille, des difficultés qu’elle rencontre et des interférences diverses entre les membres de celle-ci. Vouloir résoudre des problèmes scolaires, de comportement, voire même d’absentéisme nécessite d’analyser ceux-ci et il est souvent difficile d’y parvenir sans en référer au fonctionnement privé de la famille.

La circulaire 91.248 du 11 septembre 1991 du Ministère de l’Éducation Nationale rappelle la fonction de médiateur de l’assistante sociale scolaire sur ce champ d’intervention et " les principes déontologiques qui s’appliquent à la profession, quel que soit le lieu où elle s’exerce ". " Outre les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant la discrétion professionnelle, l’article 225 du code de la famille et de l’aide sociale dispose que les assistants de service social sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les réserves énoncées à l’article 378 du code pénal ".

De ce fait, la collaboration entre l’assistante sociale scolaire du collège et Mme X est donc un peu plus limitée qu’avec les autres personnels du collège. D’une part, pour la première, la rencontre avec les familles est toujours possible : soit celles-ci se déplacent, soit elle-même se rend à domicile. Mais d’autre part, les rencontres entre l’assistante sociale scolaire et les parents nécessitent une confiance totale dans la confidentialité, ce qui rend délicate l’intervention d’une tierce personne quelles que soient les qualités de cette dernière.

LES EFFETS DE LA MÉDIATION

Des effets identifiés

Les points de vue recueillis dans les entretiens font état des mêmes constats. L’intervention de Mme X est rapide : généralement, les parents contactés viennent au collège dans la journée. Elle est efficace : il n’y a pratiquement pas de cas où ceux-ci ne se soient pas déplacés.

L’agressivité de nombreuses familles étrangères à l’égard du collège et de son personnel a pratiquement disparu. Certains pères, au début, ont été effarés de comprendre ce qu’ils avaient signé sous l’influence de leurs enfants, ou ce qu’ils avaient ignoré. Le mot " racisme " a quasiment disparu du vocabulaire des parents dans les rencontres.

La confiance s’est installée entre Mme X et les familles étrangères et celle-ci ne semble pas être considérée comme l’avocate des seuls professeurs. La première année, les parents étrangers venaient à l’appel de Mme X. mais au cours de la seconde année, de nombreuses familles lui ont demandé spontanément rendez-vous pour qu’elle les mette en contact avec un professeur ou pour demander conseil sur la manière de s’y prendre pour discuter une question avec les personnels du collège. Parfois, des familles turques ont actuellement recours à elle.

Les élèves d’origine maghrébine ont compris qu’il leur était maintenant presque impossible de tricher dans la communication entre le collège et leur famille. Leur scolarité en est devenue plus cadrée et plus sereine.

Les professeurs sont satisfaits : des contacts plus fréquents et plus systématiques avec les parents sont entrés dans les habitudes de l’établissement et des familles elles-mêmes. De ce fait, l’absentéisme général a fortement chuté. De plus, la participation des familles aux rencontres parents-professeurs a triplé en deux ans et elle est devenue très importante à la fête de fin d’année.

Confirmés par les autres professeurs

Ces effets sont confirmés par les 15 professeurs, dont 14 professeurs principaux sur les 30 de l’établissement, qui ont renseigné le questionnaire MAFPEN qui a été distribué en 1995 à ceux qui ont sollicité l’intervention de Mme X. Ce questionnement portait d’abord sur les motifs de l’intervention et sa fréquence. Cette dernière est élevée puisque la majorité des professeurs ont bénéficié de 5 à 10 fois de l’aide de Mme X. Le principal motif est un manque de travail de l’élève, et viennent ensuite, dans l’ordre des choix, l’indiscipline, les propositions d’orientation, les conseils généraux à la famille et le comportement général du collégien. Les interventions ont eu lieu essentiellement dans la classe du professeur principal mais aussi dans les autres classes de ce dernier.

Ces mêmes professeurs sont très satisfaits des interventions de Mme X puisque très majoritairement, pour chaque question portant sur les effets obtenus, ils choisissent la première réponse " oui, beaucoup ". 11 estiment qu’il est beaucoup plus facile de rencontrer les familles, 11 pensent qu’elle a beaucoup aidé à mieux comprendre ce qui se disait de part et d’autre, 12 qu’elle a mieux aidé à comprendre les arguments et les réactions des uns et des autres, soit beaucoup, soit un peu. Enfin, 12 d’entre eux trouvent qu’elle a aidé beaucoup ou un peu à résoudre les problèmes discutés avec les parents et 12 qu’elle a permis, beaucoup ou un peu, de rendre les rencontres plus conviviales.

LES CONDITIONS D’UN TRANSFERT

Des facteurs facilitants

La volonté de la nouvelle équipe dirigeante du collège, ainsi que l’importance des difficultés antérieures, qui pesait beaucoup aux enseignants, ont certainement servi de déclencheur efficace. Un travail d’équipe a permis ensuite de cadrer les rôles de chacun pour éviter que les uns empiètent sur les autres, même si les frontières ne sont encore totalement satisfaisantes.

Mais les qualités de Mme X ont sans doute joué un grand rôle dans la réussite de l’action : très motivée, connaissant très bien le quartier ainsi que les cultures française et maghrébine, elle s’est révélée efficace dans les relations mises en place. Son expérience d’animatrice de groupes d’enfants l’a sans doute beaucoup aidée : elle a bénéficié d’une formation de la part de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) pour pouvoir prendre en charge des enfants de cette institution. De plus, elle anime un club de danses orientales au collège, qui regroupe une quinzaine d’enfants dont deux garçons et une française, deux heures par semaine.

Le fait d’être femme semble avoir été un avantage. On aurait pu craindre une réticence de la part des pères maghrébins. Ceux-ci lui ont au contraire accordé leur confiance et lui envoient, de ce fait, volontiers leur épouse. Le danger, en retour, de ne plus voir que les mères est très présent dans l’esprit de Mme X et des personnels du collège, qui veillent à faire déplacer le père dès que le problème discuté prend de l’importance.

Auprès des élèves maghrébins, Mme X semble avoir acquis un rôle de grande soeur, tel que le vivent beaucoup d’enfants : un peu confidente, un peu mère, celle qui aide à résoudre les problèmes, à servir d’intermédiaire dans les situations délicates.

Toutefois, l’avenir de cette action est fragile : le contrat de Mme X pourra être renouvelé une troisième année, mais au-delà ? Trouver quelqu’un qui aurait le même profil ? Lorsqu’on souligne l’importance des qualités et des compétences nécessaires à la personne pressentie, on comprend l’inquiétude des personnels du collège.

De plus, actuellement la population turque, bien que moins nombreuse, pose des problèmes assez semblables au collège, que Mme X ne peut résoudre lorsque la traduction est indispensable. Un interprète serait utile pour cette langue.

Quel avenir pour l’action ?

La précarité de la situation de Mme X oblige le collège à se poser la question de l’avenir de l’action entreprise. Mais les caractéristiques qui en expliquent le succès définissent les conditions non seulement de sa pérennité mais aussi d’un transfert à un autre établissement.

Il est impératif que le chef d’établissement soit motivé pour une telle démarche et qu’il s’implique pour articuler les rôles et les attributions entre une fonction de médiation telle que celle-ci et les autres personnels. Ce qui est le cas au collège Gambetta.

De plus, les qualités manifestées par Mme X permettent de dresser le profil de la personne à recruter, soit dans ce collège après son départ, soit dans un autre établissement en cas de transfert : maîtrise de la langue d’origine et si possible de dialectes, bonne connaissance du ou des quartiers, qualités relationnelles. Enfin, une femme de préférence.

Ce qui permet au collège Gambetta de rester optimiste sur l’avenir de l’interprétariat dans le cadre des relations avec les familles.

Gérard SUC
Coordonnateur départemental REP
mars 1996

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1 Message

  • Le site de l’OZP a eu la bonne idée de mettre ce texte dans les archives de l’éducation prioritaire.

    Je voudrais ajouter un mot à propos de son auteur, Gérard Suc : celui-ci a été le premier à se charger, de façon technique et pratique, de la question de l’évaluation des ZEP, au début des années 90.

    Il a publié un "Guide de l’auto évaluation régulatrice des ZEP" à une époque où la conscience de faire au mieux pour sa ZEP suffisait à en justifier le travail. Il a ensuite organisé un stage national sur l’évaluation des ZEP, du côté du Mont Pilat, stage novateur qu’il a maîtrisé de façon remarquable.

    Il est vrai qu’il a bénéficié d’une époque faste pour la conduite des ZEP dans l’académie de Lyon, sous la direction de Françoise Badinier, alors responsable académique des ZEP et avec le soutien d’universitaires comme Dominique Glasman alors à l’université de St-Etienne. Mais son travail local et académique a amené l’ensemble du dispositif prioritaire national à évoluer vers des pratiques d’évaluation alors inconnues dans l’éducation prioritaire.

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