> V- ACTEURS (la plupart en EP) > Coordonnateurs > Coordonnateurs (Rencontres/Journées et Productions OZP) > Séminaire OZP 2008. Les coordonnateurs/secrétaires de réseau. Les Actes complets

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Séminaire OZP 2008. Les coordonnateurs/secrétaires de réseau. Les Actes complets

7 novembre 2008

ACTES DE LA JOURNEE DE REFLEXION
pour les coordonnateurs/secrétaires de réseau

Paris, samedi 18 octobre 2008

Le 18 octobre 2008, une vingtaine de coordonnateurs d’éducation prioritaire, provenant d’une dizaine d’académies, se sont réunis à Paris, à l’initiative de l’OZP, pour travailler sur la définition et les évolutions de leurs fonctions.

SOMMAIRE

I - L’identité du coordonnateur/secrétaire de réseau questionnée par l’évolution des politiques et des nouvelles logiques de l’éducation prioritaire
Exposé de Claude Vollkringer

II - Le positionnement du coordo/secrétaire
Exposé de Joce Le Breton

III - Débat sur le positionnement à partir d’affirmations contradictoires :
je suis/je ne suis pas - je fais/je ne fais pas - j’imagine que...
Débats animés par Joce Le Breton
Synthèse rédigée par Marc Douaire

IV - Analyse de ce débat par Didier Martz, professeur de philosophie,
ex-directeur de cabinet de recteur. Echanges avec les participants
Compte rendu rédigé par Marc Douaire

V - La place et les champs d’expertise du coordo/secrétaire de réseau définie à partir d’une réflexion sur les moments, les interventions, les situations dans lesquelles les participants se sont particulièrement sentis à leur place
Echanges animés par Michèle Coulon
Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume

VI - La mission du coordonnateur de réseau
Synthèse rédigée par Michèle Coulon.

-----

Préambule

Lors de la rédaction de ces actes, un débat a agité l’OZP : faut-il écrire « coordonnateur » (de réseau ou de l’éducation prioritaire) ou « coordonnateur/secrétaire » (de réseau, de comité exécutif) ?

L’expression « coordonnateur/secrétaire » avait été sciemment choisie pour présenter cette journée de travail afin que, malgré l’hétérogénéité des situations et des contextes, tous se sentent concernés et inclus dans cette invitation à une réflexion partagée. Ces deux termes accolés présentaient également l’avantage de ne pas occulter le rôle de secrétaire de comité exécutif récemment confié aux coordonnateurs par les textes officiels et de le présenter comme partie intégrante d’une fonction plus large.

Pour autant cette expression ne nous satisfait pas totalement.
L’apparition du terme « secrétaire », même associé à celui de coordonnateur, peut être interprétée comme un recadrage en cours d’une fonction, jusqu’ici transversale et de terrain, vers des tâches plus administratives ; cette expression peut être le reflet d’une situation transitoire entre fonctions passée et à venir. Son utilisation peut alors laisser entendre que nous entérinons ce que nous considérons comme l’affaiblissement de la fonction de coordonnateur (de réseau ou d’éducation prioritaire), fonction que nous souhaitons au contraire défendre et valoriser.

C’est donc de façon tout à fait délibérée que vous trouverez largement utilisé dans ces actes le terme unique de « coordonnateur ». Le titre donné à ce document n’a pas été modifié, afin de signifier sans ambiguïté que les réflexions qui suivent s’adressent à tous, quelque soit la situation locale.

-----

I - L’identité du coordonnateur de réseau questionnée par l’évolution des politiques et des nouvelles logiques de l’éducation prioritaire

Exposé de Claude Vollkringer

Le métier de coordonnateur, et dans un premier temps n’employons que ce terme, est récent dans l’histoire de l’Education nationale, mais ancien si on le considère à l’échelle de la mise en œuvre des ZEP. En fait nous pouvons dire qu’il est né avec la mise en place des ZEP en 1981, même s’il a fallu attendre le discours d’Arras prononcé par Lionel Jospin le 23 mars 1989 pour entendre déclarer « Je demande aux recteurs et inspecteurs d’académie de nommer dans chacune de ces zones... un coordinateur de l’éducation nationale. »

Je disais « né avec les ZEP » : il faut se remémorer que la ZEP n’est pas ce que l’on peut appeler un « dispositif descendant » mais à l’inverse un dispositif crée par les enseignants, porté à l’origine par quelques collègues qui avaient fait le constat, autour des années 1970/1975, que dans certains endroits, que dans certaines zones, les conditions de vie et d’enseignement étaient différentes de ce qu’elles étaient ailleurs. Donc, s’ils voulaient pouvoir conduire leurs élèves à la réussite, il fallait s’y prendre autrement et, pour s’y prendre autrement, il fallait des moyens autres.

Ce sont leurs expérimentations, leurs tâtonnements, leurs combats qui ont été repris dans la première circulaire sur les ZEP en juillet 1981, et par là même l’esprit dans lequel ils avaient jusque-là travaillé : c’est-à-dire un esprit pragmatique et d’expérimentation. Cette caractéristique détermine le fait qu’être coordonnateur n’a pas été d’emblée synonyme d’avoir le métier de coordonnateur. Cela s’est construit de façon empirique au cours des ans et au fil des circulaires.

Les textes de 1981 et 1982 ont très vite mis le projet au sein des ZEP, projet qu’il fallait concevoir, écrire, faire vivre. Pas plus les IEN que les principaux de collège n’avaient, à cette époque, comme maintenant du reste, la disponibilité pour le faire. Quelques enseignants « s’y sont collés » et certains, grâce à des initiatives locales d’inspecteur, ont été déchargés de leurs missions d’enseignant. Le « coordonnateur » était né. Le discours d’Arras n’a fait qu’officialiser, qu’entériner ce qui existait déjà dans certains endroits (ceux où les cadres de l’Education nationale étaient les plus motivés) et que demander de créer ces postes là où il n’existaient pas encore.

Vous voyez donc que c’est sur le terrain et par le terrain que le coordonnateur a vu le jour. Il revenait même à celui-ci de rédiger sa lettre de mission. J’ai envie de dire qu’à l’origine de la fonction de coordonnateur il y avait l’imagination, la débrouillardise, l’inventivité...

Un coordonnateur pour quoi faire ?

C’est la circulaire d’avril 89 qui répond à cette question. Il s’agissait à l’époque (cf. le BOEN n°15 du 13/04/1989) :
 d’aider les équipes éducatives à construire les dossiers ;
 de faire connaître aux équipes éducatives les expériences réalisées ailleurs ;
 d’assurer la coordination étroite entre les écoles et les établissements d’une part, les
collectivités locales, les autres services de l’Etat et les associations d’autre part ;
 d’être le relais des instances départementales ou académiques.

Au fur et à mesure que le dispositif ZEP a évolué, s’est structuré, le métier de coordonnateur s’est construit et c’est cela son originalité...

Faisant suite au discours d’Arras (1989), la circulaire du 1er février 90 (BOEN n° 7 du 15/02/90) définit les structures d’action et de pilotage dont le coordonnateur fait partie. Les rôles sont répartis : le coordonnateur est chargé de l’animation interne de la zone et fait partie intégrante de l’équipe opérationnelle du DSQ (« Développement Social des Quartiers », ancêtre de la politique de la Ville). Il assiste le responsable de zone qui représente, lui, l’équipe éducative et qui a la charge des relations extérieures. Voilà constitué officiellement le « couple de la ZEP » qui est devenu très vite un trio (IEN, principal de collège et coordonnateur).
Suivent dans cette circulaire les critères de choix de ce coordonnateur, « choix indépendant de la fonction qu’il exerce : le dynamisme, l’intérêt porté à la démarche ZEP et une bonne
connaissance du milieu et des procédures administratives paraissent les qualités essentielles ».

La circulaire de décembre 1992 (BOEN n°47 du 10/12/92) précise qui est le coordonnateur : un enseignant de terrain, déchargé de service, travaillant sous l’autorité du responsable.
Responsable et coordonnateur reçoivent une lettre de mission et doivent s’engager pour la durée de la programmation. Le poste de coordonnateur est reconnu à part entière : il doit avoir les moyens d’assurer les tâches qui sont les siennes.
Ainsi il est aisé de voir comment d’une circulaire à l’autre les choses se précisent, comment ce que les coordonnateurs mettent en place sous le coup de la nécessité est repris, précisé et comment ce poste se trouve peu à peu professionnalisé. Il est intéressant du reste de constater que dans le même temps le secteur sanitaire et le secteur social créent eux aussi leur « coordonnateur ».

Au cours des années de fonctionnement, les coordonnateurs se sont forgé une professionnalité, une identité que je tenterai de définir par le terme de « transversalité ». Au sein de l’Education nationale, ils œuvrent de la petite section de maternelle à la fin de la 3ème. Dans leurs relations avec les DSU, puis les DSQ, et maintenant les EDL (Equipes de Développement Local), ils sont en lien avec les partenaires de l’Ecole. Ils sont devenus des professionnels, des techniciens du projet (diagnostic, montage, rédaction, recherche de financement, etc.) et du partenariat. Ils se sont adaptés et ont adapté leur façon de travailler, comme leurs champs de travail, en fonction de l’évolution des ZEP.

Les textes de ce que l’on nomme « la relance de 1997 » ne font pas évoluer notablement le positionnement ni le statut du coordonnateur.

Jusqu’à la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 2003 et même jusqu’à la loi de cohésion sociale de janvier 2005, il était possible de définir ainsi le coordonnateur (OZP, novembre 2007) :
« Le coordonnateur est un acteur de l’ouverture de l’école sur son milieu environnant : il assure donc la liaison entre l’Education nationale et les instances locales de la politique de la Ville. Le coordonnateur est un acteur du rapprochement entre le collège et les écoles de la ZEP. Il facilite le travail en commun. Il a par expérience une connaissance du fonctionnement des niveaux d’enseignement qui vont de la petite section de maternelle à la 3ème. Il est particulièrement impliqué dans les actions communes à l’ensemble de la zone. Il est une cheville ouvrière d’une politique de zone ou de réseau ».

Mais la mise en œuvre de la Réussite éducative voulue par la loi de cohésion sociale commence à interroger le coordonnateur. En effet, elle lui demande implicitement non seulement d’être un expert du traitement collectif mais aussi un expert du traitement individuel de l’échec scolaire.

Toutefois, c’est la circulaire du 30 mars 2006 qui va faire émerger au grand jour de nombreux questionnements. En effet, ce texte est plus une refonte de ce qui est appelé depuis 1997 l’éducation prioritaire qu’une relance. Pour mémoire je vous en rappelle les grandes orientations :
 plus de zones mais des réseaux ambition réussite ou de réussite scolaire ;
 le collège est situé au cœur du réseau ;
 le pilotage est assuré par un comité exécutif dont les membres appartiennent tous à
l’ Education nationale ;
 en RAR, nomination de professeurs supplémentaires, dit très vite « professeurs référents » et des assistants pédagogiques.

Mais surtout le coordonnateur devient « secrétaire de ce comité exécutif notamment chargé de préparer ses décisions et de les mettre en œuvre ».

Voilà donc dressé par le biais d’une circulaire un tout nouveau paysage de l’éducation prioritaire mais aussi installée une transformation d’un de ces piliers essentiels depuis 1981, le coordonnateur. A cela il faut ajouter la mise en place de l’accompagnement éducatif, les textes sur les différents soutiens offerts aux élèves, certains spécifiques à l’éducation prioritaire, d’autres non, ceux mettant en place les CUCS et leur volet éducatif. Cette situation nouvelle engendre de nombreuses questions :
 le fait que le coordonnateur devienne le secrétaire du comité exécutif remet-il en cause ses missions précédentes ?
 Quelle est sa place par rapport aux professeurs référents et aux assistants pédagogiques ?
 Quel est son rôle dans l’harmonisation des différents dispositifs d’aide, qu’ils soient internes ou externes à l’Education nationale ? etc.

Nous avons eu l’occasion lors de la Rencontre OZP du 12 mars 2008 (« Le coordonnateur de ZEP-REP à l’heure des RAR et des RRS » ) d’évoquer certains de ces points et surtout de constater les disparités territoriales d’interprétation.

Le temps de travail, de réflexion, de recherche et d’échanges que nous avons aujourd’hui se situe dans le prolongement de cette rencontre. Nous avons pris le partie de nous situer sur le plan de l’essence même du métier de coordonnateur, vous laissant le soin d’échanger entre vous sur le temps de midi et sur le temps de pause de cet après-midi sur des aspects plus « pratiques » du métier (gestion de crédits, etc.).

-----

II - Le positionnement du coordo/secrétaire

Exposé de Joce Le Breton

L’OZP a toujours constitué un espace de réflexion sur les politiques liées à l’Éducation Prioritaire mais aussi sur les pratiques, les métiers et l’exercice de missions spécifiques qui se déroulent dans le cadre des zones ou des réseaux.

Aujourd’hui, le passage de « coordonnateur » à « secrétaire » a réactivé les débats autour des fonctions, des missions de coordo/secrétaire. D’ailleurs, à l’OZP, nous maintenons cette double appellation.

Nous le savons, les situations sont extrêmement diverses en France tant dans les fonctionnements que les contenus d’activités ou les affectations. Nous vous proposons aujourd’hui un temps d’échanges sur ce « métier ». Le travail de cette journée permettra d’alimenter le Coin des coordos sur le site. C’est le seul espace, à notre connaissance, de capitalisation et de réflexion sur la professionnalité des coordonnateurs.

Je voudrais tout d’abord faire une parenthèse sur les missions du CAREP - lorsque, bien sûr, il existe - dans l’accompagnement des coordos/secrétaires. Nous avons à Paris traditionnellement un séminaire de 2 jours en début d’année pour les coordonnateurs. Celui de cette année était centré sur les questions qui nous préoccupent aujourd’hui. Au-delà de la réflexion que nous avions déjà engagée à l’OZP, je dois dire que ce temps de travail a contribué à nourrir ma réflexion sur ce sujet.

Le positionnement du coordonnateur est particulier de plusieurs points de vue :
 il intervient en complémentarité de champs de compétence professionnelle d’autres
acteurs,
 que ceux-ci soient membres de l’Éducation nationale ou non ;
 il est un acteur du 1er et du 2nd degré ;
 il est d’une certaine façon de toutes les équipes mais d’aucune ;
 en tant qu’enseignant il est pédagogue mais sans être conseiller ni formateur ;
 l’exercice de ses missions le conduit à être autonome mais « dépendant » de plusieurs
responsables.

Le coordo/secrétaire est également au cœur de logiques nouvelles, logiques qui parfois se
mettent en tension :
 il exerce sur un territoire mais dans le cadre de logiques de plus en plus individualisantes ;
 il a pour mission de fédérer des établissements, de faire vivre un réseau alors que la
tendance politique est à l’autonomie des établissements ;
 il a à se positionner dans un paysage en constante évolution au sein de l’Éducation
nationale, mais aussi dans le cadre de la politique de la Ville.
Il me semble que l’objectif de cette journée est, non pas d’être dans la déploration, mais tout au contraire d’assumer ces spécificités comme une force.

Coordonner est un métier de tissage, de maillage. Il s’agit là d’une position originale, qui est d’une certaine façon aux marges du système. Pour reprendre une image de Godard, il ne faut pas oublier que les marges font partie intégrante de la feuille !

Nous vous proposons de débattre pendant une heure autour de 2 questions :
 quelles sont les spécificités, les compétences du coordonnateur/secrétaire ?
( Sur quels objets, dans quels champs s’exerce son expertise ?
 quelle est la reconnaissance de cette expertise par les acteurs, l’institution ?

-----

III - Débat sur le positionnement à partir d’affirmations contradictoires :
je suis/je ne suis pas - je fais/je ne fais pas - j’imagine que...
(pour les nouveaux coordos)

Débats animés par Joce Le Breton. Synthèse rédigée par Marc Douaire

Le débat, nourri des nombreuses expressions des coordonnateurs présents, a permis de mettre en évidence à la fois un attachement fort à la fonction et un sentiment général de flou du positionnement et d’incertitude quant à l’avenir.
Les changements introduits par le passage de « coordonnateur » à « secrétaire du comité exécutif », non seulement n’ont pas permis de clarifier des questions posées dès l’origine de la fonction, mais en ont fait surgir de nouvelles.

Le débat a permis de mettre en évidence plusieurs constats :
 la grande diversité des situations des coordonnateurs - faute d’un accompagnement et d’un pilotage impulsés nationalement - parcellise les expériences professionnelles et les fait beaucoup trop dépendre de conditions locales d’exercice ;

 l’évolution de la politique de l’Education prioritaire depuis la circulaire ministérielle de 2006 a provoqué ce qui est perçu comme une remise en cause de ce qui constituait le cœur de métier du coordonnateur, la dimension transversale du projet de zone dans ses deux aspects fondamentaux : le travail inter-degrés et le partenariat ;

 l’évolution des dispositifs mis en place par la circulaire ministérielle de 2006 interroge fortement la réalité des missions confiées au secrétaire du comité exécutif : existence d’un couple de pilotes ( IEN, chef d’établissement), centration des dispositifs sur le collège provoquant un affaiblissement de la prise en compte du premier degré (en particulier des écoles maternelles), mise en place d’enseignants référents ou d’appui dont les fonctions peuvent chevaucher celles jusqu’alors exercées par les coordonnateurs ;

 le changement de dénomination, accompagné bien souvent d’une modification des tâches et des conditions d’exercice, est intervenu sans évaluation préalable des missions exercées par le coordonnateur et de ses conditions d’exercice. Cette carence pèse sur la possibilité de mener à bien une clarification nécessaire au sujet de l’identité du coordonnateur/secrétaire du comité exécutif : s’agit-il là d’un enseignant ordinaire assumant des missions spécifiques ? S’agit-il d’une fonction limitée ou non dans le temps ou bien doit-on parler d’un nouveau métier ?

 ces incertitudes concernant l’identité professionnelle, dans un contexte de modification de la politique de l’éducation prioritaire, ne sont pas sans conséquence sur la situation faite aux personnels en poste de coordonnateurs/secrétaires : le temps de décharge de service, l’existence ou non d’une lettre de mission, l’octroi d’un bureau et son emplacement par rapport aux responsables du réseau, la mention dans l’organigramme administratif... constituent autant d’éléments valorisant ou non l’activité professionnelle. L’absence d’un pilotage central de ces questions soumet les personnels concernés au bon vouloir des autorités locales. Le manque de clarification des missions, la précarité trop fréquente des conditions d’exercice amènent souvent à considérer ce poste comme une affectation provisoire, un tremplin vers d’autres responsabilités au sein de l’Education nationale. C’est bien là une carence grave en gestion des ressources humaines (accompagnement, formation, formes de reconnaissance, évolution de carrière...) qui se révèle.

-----

IV - Analyse de ce débat par Didier Martz, professeur de philosophie, ex-directeur de cabinet de recteur. Echanges avec les participants

Compte rendu rédigé par Marc Douaire

L’intervenant souligne, tout d’abord, avoir vécu les mêmes questionnements il y a 25 ans, à propos de la rénovation des collèges. Ce qui interroge c’est la permanence de ce questionnement dans l’Education nationale de la part de groupes qui ont une activité transversale. Ces groupes connaissent une évolution historique similaire : au départ, il y a une prégnance de la militance sur la compétence puis, progressivement, acquisition de compétences et souci de professionnalité. Michel Crozier parle à ce propos de « marginaux sécants » qui agissent sur une transversalité floue et constituent une position de pouvoir qui va se renforcer avec l’acquisition de compétences.

Mais la transversalité, le flou, c’est aussi une faiblesse et un déficit de reconnaissance ; il est important de repérer les marques de reconnaissance : bureau, place dans l’organigramme, publication... Dès que l’on s’institue, on pose des problèmes à l’organisation et on « marche sur les plates-bandes » des inspecteurs. A partir du moment où l’organisation ouvre un champ pour résoudre un problème et missionne pour cela, une zone d’incertitudes s’ouvre. Il faut donc toujours penser à sa disparition prochaine. On est toujours dans une tension entre le local et le pilotage, le militantisme et la professionnalité.

L’Ecole est très bien adaptée aux besoins de la société. Il n’y a pas en ce qui la concerne une absence de politique mais une volonté politique réellement mise en œuvre. Le bonheur que « cela marche », il faut le payer, il faut sacrifier des élèves pour cela, c’est la fonction de l’échec scolaire. A partir du moment où quelque chose est permanent, soit c’est une fonction sacrificielle qui permet au système de fonctionner, soit cela est présenté comme quelque chose de naturel contre laquelle le système ne peut rien.

Coordonnateur, est-ce vraiment un métier ? Plus j’augmente en compétences, plus je vais coûter cher, y compris symboliquement ; l’enjeu des compétences et de la formation est très important. Quels éléments sont mobilisés pour dégager une identité collective ?

A ce sujet, il serait intéressant de comparer les lettres de mission des coordonnateurs. Il faudrait mener un travail préalable à la rédaction de la lettre de mission : clarifier ce qui relève de la définition des objectifs, de la négociation des stratégies et des décisions tactiques.
On peut s’interroger sur la notion de réseau ; le réseau est devenu une incantation. Qu’est ce que travailler en réseau ? Qu’est ce que « penser réseau » ? Aujourd’hui, on travaille en réseau mais on continue de penser de façon analytique, cloisonnée.
Il faut recenser les pratiques qui font bouger les étanchéités, les cloisonnements (espaces, temps, fonctions).

-----

V - La place et les champs d’expertise du coordonnateur de réseau définie à partir d’une réflexion sur les moments, les interventions, les situations dans lesquelles les participants se sont particulièrement sentis à leur place

Echanges animés par Michèle Coulon. Compte rendu rédigé par François-Régis Guillaume

La description de leurs fonctions par les coordonnateurs présents fait apparaître une extrême variété, selon les multiples combinaisons possibles entre plusieurs facteurs.

 Selon l’origine : la très grande majorité viennent du premier degré (à l’origine des ZEP, les « animateurs de ZEP » étaient presque tous des instituteurs et étaient d’abord chargés des écoles et de la liaison CM2-6ème).

 Selon sa place dans le trio principal, inspecteur, coordonnateur : principal et inspecteur travaillent-ils ensemble ? Veulent-ils s’appuyer sur le coordonnateur ou veulent-ils surtout l’empêcher d’empiéter sur ce qu’ils considèrent comme leur territoire ? Sa fonction est-elle visible ? A-t-il un bureau ? (où ? près du principal, de l’IEN, dans une école ?). Figure-t-il dans l’organigramme ?

 Selon l’histoire, l’ancienneté, les compétences, le réseau de relations internes et externes déjà constituées : est-il devenu un personnage ressource reconnu ?

 Est-il en Réseau Ambition Réussite (RAR) ou en Réseau de Réussite Scolaire (RRS) ? L’institution des professeurs référents amène un nouveau partage des tâches. Est-il situé dans une Zone Urbaine Sensible (ZUS), la politique de la Ville et les programmes de réussite éducative (PRE) lui ouvrant alors un nouveau champ d’action ?

 Exerce-t-il à temps complet ou à mi-temps ? Le mi-temps ou la prise en charge de deux réseaux - qui se multiplient, surtout en RRS - augmentent la proportion du temps consacré aux tâches administratives.

Selon la conjugaison de ces facteurs, la mission du coordonnateur peut être très étroite ou très large.
Mission étroite, aussi bien par l’étroitesse de la subordination que par celle du champ d’intervention. Le terme de secrétaire du comité exécutif en RAR peut symboliser ce rétrécissement, alors que pour un coordonnateur chevronné, « secrétaire » est une fonction qui s’ajoute aux autres mais qui ne sert pas à le désigner.
Mission très large, d’assistant pédagogique auprès de l’IEN et du principal, au point qu’il risque d’empiéter sur les compétences du conseiller pédagogique ou que l’institution des professeurs référents en RAR ait pu restreindre le champ de ses interventions en collège.

Plus fréquemment, le coordonnateur se définit par :
 sa connaissance de tous les acteurs du terrain et sa capacité à se mouvoir dans tout le réseau ;
 son travail avec les partenaires extérieurs ;
 sa qualité de ressource disponible pour ses collègues.

L’exemple des stages éventuellement organisés au sein des réseaux dans le cadre de la formation continue illustre ce contraste. Selon les cas, le coordonnateur va en être le principal organisateur ou bien participer étroitement à sa conception : le stage est alors l’occasion d’asseoir sa fonction.

Dans d’autres cas, il peut ne pas être consulté ni sur le contenu ni sur le choix des intervenants. De même, sa compétence d’analyse des situations, et en particulier d’analyse d’ensemble des évaluations nationales et des indicateurs du tableau de bord du réseau, peut en faire un personnage clé, alors qu’ailleurs principal et IEN n’imaginent pas qu’il puisse avoir un avis.

Quel est le cœur de son métier ? Quelle est son expertise spécifique ?
Plusieurs fonctions, missions ou compétences particulièrement nécessaires dans les territoires de l’éducation prioritaire ne se développeront que si elles s’incarnent dans le personnage du coordonnateur :
 capacité d’analyse pour éclairer tout travail de projet ;
 prise en compte de la difficulté scolaire, en rapport avec la différence sociale ;
 mise en œuvre du volet éducatif de la politique de la Ville ;
 travail en partenariat ;
 capacité de penser et travailler en réseau.

Le coordonnateur est légitime pour tout ce qui est transversal, pour tout ce qui traverse l’ensemble de la zone ou du réseau, pour ce qui dépasse le cadre de la classe et demande un travail en commun. Mais on retrouve là l’essentiel des missions du principal et de l’IEN, qui ne souhaitent pas forcément ni les exercer ensemble, ni les partager avec un troisième personnage.

L’engagement du principal et de l’IEN est nécessaire pour que le travail en partenariat se développe et pour que l’on apprenne à penser et travailler en réseau, mais, s’ils veulent le faire sans s’appuyer sur le coordonnateur d’éducation prioritaire, ils se privent de la personne la mieux placée pour le faire et de la ressource la plus disponible.

-----

VI - La mission du coordonnateur de réseau

Synthèse rédigée par Michèle Coulon

Trois axes de travail donnent à la mission du coordonnateur de réseau sa spécificité :
- développement et/ou renforcement de la cohérence et de la complémentarité des actions éducatives menées dans et hors l’école ;
- renforcement de la cohérence dans la continuité des apprentissages, de la maternelle au collège (voire au lycée) ;
- développement d’une connaissance particulière et d’une expertise renforcées sur les processus transformant les inégalités sociales en difficultés scolaires .

Ces trois axes de travail amènent le coordonnateur à développer le partenariat, les liens entre les structures scolaires, à collaborer, au travers des actions mises en place au sein du réseau, à la nécessaire évolution des pratiques éducatives et pédagogiques.

Pour cela, il va :

 connaître et être en relation avec l’ensemble des acteurs du réseau dans et hors l’école (enseignants du premier et du second degrés, équipe de direction, personnels des structures socioculturelles et associatives, des collectivités locales, etc.) : créer les liens, diffuser les informations, générer les synergies ;

 être la mémoire du réseau par l’archivage et la capitalisation : permettre que le travail antérieur éclaire et enrichisse le présent ;

- rappeler les priorités que s’est données le réseau pour centrer les actions sur l’essentiel, éviter la dispersion, la déperdition de temps, d’énergie et d’efficacité : être vigilant et savoir alerter lorsqu’il y a risque de dérives, de pertes d’acquis ou d’avancées antérieurs ;

- permettre par la tenue régulière d’un tableau de bord et la connaissance transversale du réseau l’élaboration et la diffusion d’une analyse partagée : suivi et évaluation des actions menées, suivi et évolution des résultats des élèves, observation du contexte socio-économique ;

- mutualiser, diffuser les ressources et pratiques pédagogiques au sein du réseau ; s’informer et faire connaître les ressources extérieures, développer le lien avec les travaux de la recherche ;

- permettre qu’une attention et une vigilance particulières soient portées aux liens Ecole/familles, à tous les niveaux d’enseignement.

NOTES
(1) Débat également présent dans le « coin des coordos » du site de l’OZP

(2) La compréhension des processus de transformation des inégalités sociales en échec (ou réussite) scolaire est au cœur du travail en éducation prioritaire.
De cette analyse vont découler les hypothèses sur l’origine des difficultés rencontrées par les élèves et la nature des actions à mener pour minimiser l’impact des facteurs sociaux sur leur devenir scolaire. Ce travail de réflexion, dont l’importance est soulignée dans le rapport d’ Anne Armand et Béatrice Gille, amène à s’intéresser à la recherche en sociologie, en sciences de l’éducation ; il implique une bonne connaissance du terrain (différences culturelles, dynamiques de quartier). Le coordonnateur peut être un élément clé de cette vigilance et de cette exigence de réflexion et de formation nécessaires à tous les acteurs du réseau, y compris pour lui-même.

Ci-dessous une version en format PDF à la mise en page plus élaborée

Documents joints

Répondre à cet article